Vitis : la Caisse des dépôts finance un « nouvel opérateur » pour réseaux publics en fibre

Du « nouveau » qui date un peu
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Vitis : la Caisse des dépôts finance un « nouvel opérateur » pour réseaux publics en fibre
Crédits : arcoss/iStock

La Caisse des dépôts a investi dans un fournisseur d'accès dédié aux réseaux publics en fibre, Vitis. Celui-ci s'appuie sur l'offre existante de Videofutur, qui doit apporter un niveau de service équivalent à ceux des FAI nationaux, là où ils sont aujourd'hui absents.

L'événement doit faire date, dans les plans de la Caisse des dépôts. L'organe d'investissement de l'État a annoncé hier (PDF), avec les sociétés Netgem et Océinde, le lancement d'un opérateur télécom spécialisé dans les réseaux publics en fibre, Vitis. Le but : pousser « un nouvel opérateur triple play de référence » (Internet en fibre, téléphonie et télévision) sur les réseaux d'initiative publique, montés par les collectivités dans les zones densément peuplées du territoire.

« Vitis va permettre d’accroître l’attractivité des RIP et d’accélérer le déploiement commercial du très haut débit » affirme Gabrielle Gauthey, directrice des investissements et du développement local de la Caisse des dépôts. Cet investissement de quelques millions d'euros vient donc s'ajouter à celui déjà prévu dans les réseaux publics eux-mêmes... que les collectivités peinent à commercialiser.

Un forfait fibre recyclé et un marché qui existe déjà

Valorisée à 21 millions d'euros, la nouvelle société appartient donc à 55 % au fabricant français de box et décodeurs Netgem, à 33 % à la Caisse des dépôts et à 12 % à Océinde, un opérateur connu pour son offre Zeop à la Réunion. Pourquoi une telle place pour Netgem ? En fait, l'entreprise est celle qui a créée l'offre « Fibre Videofutur », que doit commercialiser Vitis.

Lancée en grandes pompes en septembre 2015 (voir notre analyse), elle propose pour 39,90 euros par mois la fibre jusqu'à l'abonné (FTTH) jusqu'à 1 Gb/s en débit descendant, la téléphonie illimitée, l'accès à la télévision et un service de vidéo à la demande. Ce dernier, Videofutur, est d'ailleurs la base autour de laquelle l'offre fibre a été construite, via les box de Netgem. Contacté, Netgem nous confirme que l'offre que propose Vitis « reste exactement la même » que celle que Videofutur commercialise sous sa bannière.

Videofutur offre

En clair, la nouvelle n'est pas l'arrivée d'un nouvel entrant sur le marché, mais de l'investissement de l'État dans un acteur existant, jugé prometteur. Videofutur serait connu d'un tiers des Français, et l'entreprise compte se développer sur l'ensemble des réseaux publics en fibre. Interrogée, elle n'a pas pu nous fournir de liste des réseaux déjà couverts, de ceux en préparation, ni de nombre d'abonnés à son offre, un an après son lancement.

Videofutur est très loin d'être le seul acteur à réserver ses offres aux réseaux publics. Citons par exemple ComCable, K-Net, Ozone, Kiwi ou encore Wibox. Autant d'entreprises connues de l'État, qui semble avoir été attiré par un double argument de Videofutur : sa volonté d'aller sur tous les réseaux publics, et son offre audiovisuelle.

La télévision, point faible des petits fournisseurs d'accès

À l'annonce de l'offre Fibre Videofutur l'an dernier, un point était clair : il faut que les fournisseurs d'accès spécialisés dans les réseaux publics fournissent une offre TV équivalente à celle des grands FAI nationaux (Bouygues Telecom, Free, Orange et SFR, pour les nommer).

L'un des principaux problèmes des réseaux publics, montés par les départements et régions pour amener le très haut débit là où les opérateurs refusent de le déployer à leurs frais, est que les grands fournisseurs d'accès refusent aussi d'y fournir leurs box. Or, ces offres grand public de marques connues sont jugées comme essentielles par bien des réseaux publics pour se rentabiliser.

Au-delà de la marque, c'est la partie télévision qui inquiète les habitants qui opteraient pour un petit fournisseur d'accès, dont ils ne connaissent pas les performances à ce niveau. En centrant son offre sur la télévision et la vidéo à la demande, Videofutur (et désormais Vitis) répond donc à cette inquiétude... Avec l'espoir d'attirer à lui les habitants des régions où les grands FAI ne veulent pas encore mettre les pieds avec leurs box. Dans sa communication, Vitis affirme proposer « 20 000 contenus » en vidéo à la demande.

Obtenir la construction des réseaux pour fournir sa box

Pour la Caisse des dépôts, Vitis doit donc être un remède à l'absence actuelle des fournisseurs d'accès nationaux, surtout présents sur leurs propres réseaux fibre, en zones urbaines. D'ailleurs, pourquoi ceux-ci sont-ils absents des réseaux publics ? Officiellement, il s'agit d'une question de coûts. Avec des dizaines de réseaux publics en construction dans toute la France, pour à peine quelques centaines de milliers de lignes actuellement, il ne serait simplement pas rentable de se connecter à chacun d'eux.

Cela demanderait notamment de rendre compatibles les systèmes d'information et (éventuellement) les réseaux eux-mêmes, pour un gain qui est loin d'être assuré. Il est bien plus simple et rentable de se concentrer sur les zones urbaines, où les grands opérateurs privés déploient ou cofinancent leurs propres réseaux.

Pour répondre au problème, Bercy promet depuis plus d'un an une plateforme technique nationale où réseaux publics et opérateurs pourront s'interconnecter et échanger toutes les informations nécessaires à la commercialisation des box. Un système largement réclamé, qui doit donc encore arriver, sans date précise de mise en fonction.

Mais il y a une autre raison, bien moins positive. La construction des réseaux publics est un marché à 13 milliards d'euros. Chaque projet, d'un département ou d'une région, fait l'objet d'un appel d'offres pour qu'un opérateur vienne le construire et/ou le gérer. Parmi les candidats figurent Orange et SFR, les deux poids lourds français des télécoms, qui sont régulièrement accusés d'uniquement promettre l'arrivée de leurs offres « box » s'ils ont la construction du réseau, voire de trainer à venir en tant que fournisseur d'accès s'ils n'obtiennent pas le contrat de construction.

Dans une enquête menée l'an dernier, plusieurs collectivités nous avaient rapporté ces pratiques. Pour sa part, Orange nous confirmait discuter d'éventuelles difficultés techniques à fournir ses offres « box » s'il ne construit pas lui-même ses réseaux. Une association de collectivités, l'AVICCA, nous affirmait encore avoir des difficultés avec les deux opérateurs aujourd'hui.

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