À 48 heures du premier tour de l'élection présidentielle américaine, le FBI a fourni les résultats d'une dernière enquête sur les emails d'Hillary Clinton. Le Bureau maintient son verdict de juillet, en ne demandant pas de poursuite contre la candidate. Ce dernier épisode ressemble à l'épilogue d'une longue histoire, vite montée en épingle.
L'élection présidentielle américaine réserve encore bien des surprises, jusqu'au dernier moment. Dans une lettre, le directeur du FBI, James Comey, conclut une seconde enquête sur l'affaire des emails d'Hillary Clinton, estimant qu'elle ne doit pas faire l'objet de poursuites pour les avoir auto-hébergés, plutôt qu'échangés via un serveur officiel lorsqu'elle était secrétaire d'État.
La nouvelle doit potentiellement enlever une épine du pied de la candidate démocrate, l'affaire étant devenu l'un des principaux vecteurs d'attaque de la part des Républicains ces derniers mois. Lors des débats entre Clinton et Trump, ce dernier évoquait systématiquement l'affaire pour affirmer que l'ancienne secrétaire d'Etat mentait. Une défense qui lui évitait aussi de répondre aux accusations sur ses propres activités.
D'un point de vue politique, l'ouverture d'une nouvelle enquête par le FBI le 28 octobre a jeté le doute sur ses intentions. Il annonçait ainsi avoir obtenu un appareil dans une autre affaire, contenant des messages liés à Clinton. « Durant ce processus, j'ai passé en revue toutes les communications en provenance ou à destination d'Hillary Clinton lorsqu'elle était secrétaire d'État » explique James Comey, qui a encore écarté la piste de poursuites.
Quatre ans d'auto-hébergement d'emails
Pour mémoire, lors de son mandat de secrétaire d'État entre janvier 2009 et février 2013, Hillary Clinton a utilisé des serveurs personnels pour échanger des emails liés à son poste, dont une partie contenaient des informations confidentielles. L'auto-hébergement était lié à un nom de domaine spécifique (clintonemail.com), via l'adresse hdr22@clintonemail.com. Pour la candidate, cet usage d'une adresse privée lui évitait de transporter plusieurs téléphones.
En mars 2013, un hacker obtient l'accès au compte email d'un assistant de Bill Clinton, aussi hébergé sur ce serveur. Dans une capture d'écran, il montre qu'il a échangé des messages concernant des affaires sensibles avec Hillary Clinton. À l'été 2014, le département d'État se serait rendu compte qu'il lui manque des messages, alors que la secrétaire d'État était tenue de les fournir, suite à une modification des règlements de l'institution en 2009. Ses avocats fournissent (sur papier) 30 000 messages manquants en décembre 2014. En mars 2015, Clinton a demandé leur publication au département d'État.
Après publication, les messages ont été agrégés dans une archive recherchable par Wikileaks. L'affaire a d'ailleurs commencé à poser la question du rôle de Wikileaks dans l'élection américaine. D'autant que cette publication a été suivie par la mise en ligne de milliers d'emails du parti démocrate par le site. Il est d'ailleurs accusé de jouer le jeu du gouvernement russe, lui-même considéré par des personnalités politiques américaines comme à l'origine de cette dernière fuite.
Des dizaines de milliers d'emails passés au crible
Début juillet, le FBI donne donc ses premières conclusions, après une enquête approfondie des plus de 30 000 emails fournis par l'équipe de Clinton et l'analyse des serveurs utilisés par celle-ci. L'enjeu était clair : savoir si des informations confidentielles ont transité sur ces serveurs et si des puissances étrangères ou des acteurs « hostiles » y ont eu accès.
Comme l'explique l'agence, l'un des serveurs abandonnés en 2013, sur lequel le logiciel de messagerie a été supprimé, contenait encore « des millions de fragments » d'emails, qu'elle a passés en revue. Elle affirme également avoir mené un travail sur l'ensemble du contenu, contrairement aux avocats de Clinton, qui ont classé les messages à fournir à l'administration en fonction de leurs en-têtes et de mots-clés. Le FBI estime ainsi que sur les 60 000 emails que contenaient les serveurs, il n'est pas garanti que « seuls » 30 000 soient liés à son activité de secrétaire d'État.
Sur les messages fournis, 110 contenaient des informations confidentielles, dont huit chaines d'emails avec des données « top secrètes ». De plus, 2 000 autres messages ont été marqués comme confidentiels a posteriori. Parmi les emails retrouvés par le FBI lui-même, trois comprenaient des informations confidentielles.
Dans son analyse, le FBI affirme que « nous avons des preuves que [l'équipe Clinton] a été gravement négligente dans sa manipulation de données très sensibles et hautement confidentielles ». L'institution indique tout de même ne pas avoir de preuve d'accès par un acteur indésirable, mais affirme qu'une telle intrusion reste possible. Hillary Clinton a notamment échangé des emails professionnels sur ce serveur à partir de pays connus pour leurs capacités de piratage.
Pas de poursuite car pas de volonté de nuire
Début juillet, le FBI n'a pas demandé de poursuites, car au-delà de la négligence, il n'a pas trouvé de volonté manifeste de nuire ou de trahir les États-Unis... Ce qui est la condition pour des suites judiciaires. Dans la conclusion de sa seconde enquête, fournie le 6 novembre, le Bureau maintient qu'il ne compte pas poursuivre l'ancienne secrétaire d'État, même avec des dizaines de milliers de nouveaux messages en main.
Bien entendu, ce résultat n'a pas plu à Donald Trump, qui a accusé le FBI de protéger Hillary Clinton. Lors d'un meeting, il s'est étonné de la capacité de l'institution à analyser des centaines de milliers d'emails en quelques jours, pour jeter le doute sur les résultats de cette seconde enquête. Dans son communiqué, le directeur du FBI affirmait tout de même que « notre équipe d'enquêteurs a travaillé d'arrache-pied pour traiter et analyser [ce] large volume d'emails ».