L’article 13 du projet de loi de finances supprime plusieurs dépenses fiscales jugées « inefficaces ou inutiles », spécialement l’amortissement exceptionnel sur douze mois des logiciels achetés par les entreprises. L’issue provoque la colère du secteur.
Quel est l’avantage d’un tel mécanisme ? Un amortissement permet de répartir le coût d’un élément d’actif sur sa durée d’utilisation normale. Il vient ainsi en déduction du résultat pour le calcul du bénéfice net.
De longue date, l’article II de l’article 236 du Code général des impôts autorise un amortissement exceptionnel des logiciels à l’expiration de la période de onze mois suivant le mois d’acquisition. Une initiative qui permet de dégager davantage de trésorerie à courte échéance. En effet, l’amortissement se fait alors trois fois plus rapidement que dans le régime normal.
Une mesure de 1984 favorable à l’informatisation des entreprises
Il s’agit d’une ancienne disposition adoptée par la loi du 9 juillet 1984 sur le développement de l’initiative économique. Une mesure qui « s’inscrivait dans un contexte de montée en puissance de l’outil informatique. Aussi, pour garantir la compétitivité des entreprises et pour faciliter leur développement, il [avait] été décidé de mettre en place ce dispositif encourageant à l’achat de logiciels » rappelle la Commission des finances dans son rapport du 13 octobre dernier.
Seulement, depuis 1984, le contexte a quelque peu changé. « L’informatique a considérablement évolué et son usage s’est très largement répandu. Les logiciels et plus généralement les matériels informatiques, dont l’acquisition pouvait alors être écartée en raison des coûts et de l’existence éventuelle de solutions alternatives, sont désormais consubstantiels à l’activité des entreprises. L’achat d’un logiciel ne dépend plus d’un dispositif incitatif sans lequel il n’interviendrait pas ».
Une mesure inutile, une mise à mort actée
Trente ans après, les députés ont donc acté, comme le gouvernement, la suppression prochaine de cette mesure, avec des modalités transitoires pour les amortissements et les exercices en cours. Elle n’est plus considérée comme une mesure incitative puisque les entreprises « auraient, en tout état de cause, fait l’acquisition du logiciel même en l’absence de ce dispositif ».
En guise de lot de consolation, la commission a rappelé l’existence d’un régime de suramortissement exceptionnel de 40 % (l’article 39 decies du CGI) soumis néanmoins à de multiples conditions, et seulement en vigueur jusqu’au 14 avril 2017. De même, les achats plus modestes de logiciels (inférieur à 500 euros) peuvent être passés en charge directement...
Des dizaines de millions d’économies
Selon l'exécutif, cette décision va engendrer 72 millions d’euros de recettes supplémentaires l’an prochain, et même 168 millions en 2018. 2 200 entreprises bénéficiaient de ce régime en 2015.
L’impact serait en principe négligeable puisque si l’entreprise va payer un impôt plus élevé lors du ou des deux premiers exercices, il sera moindre pour les dernières années d’utilisation.
Seulement, pour tenir compte de la situation des TPE et PME, jugées plus fragiles, la rapporteure a plaidé pour un déport d’une année. En séance, cette proposition tout comme l’idée défendue par la députée Véronique Louwagie de proroger indéfiniment cette aide ont été repoussées sur vive incitation de Christian Eckert, secrétaire d’État au Budget.
La grogne des acteurs du secteur
TECH in France est évidemment en colère. Ce gros syndicat des acteurs de l’informatique voit dans cette suppression « un frein majeur » à la modernisation logicielle des entreprises. Il juge même le gouvernement « en contradiction avec son objectif de transformation numérique des PME ».
S’il est vrai que les technologies de l’information se sont généralisées, « la transformation numérique des sociétés françaises, et notamment des PME, est encore loin d’être achevée comme l’a montré la saisine du Conseil national du numérique sur la transformation numérique des PME »
Dans son esprit, « le gouvernement fait le choix de ne plus inciter les entreprises à s’intéresser à l’offre des éditeurs de logiciels. En effet, en ajoutant des complications de trésorerie à l’acquisition d’un logiciel, le gouvernement pousse les entreprises à maintenir leurs anciens systèmes plutôt qu’à renouveler leur parc informatique ».
Bref, une grave erreur stratégique qui va « fragiliser l’attractivité des éditeurs français et enfermer les entreprises dans un environnement logiciel peu concurrentiel ».