La Commission européenne a dévoilé un nouveau paquet de réformes de l'impôt sur les sociétés destiné à lutter contre certaines pratiques fiscales agressives des multinationales, tout en proposant des coups de pouce pour les jeunes entreprises innovantes.
Trois chapitres se cachent sous ce paquet en formation dans le ciel bruxellois : l'assiette commune consolidée pour l'impôt sur les sociétés (ACCIS), de nouveaux mécanismes de règlement des différends en matière de double imposition et enfin des mesures tendant à éliminer les failles fiscales avec des pays tiers.
L’ACCIS obligatoire ou optionnelle
L'ACCIS est présentée comme le futur « système harmonisé pour calculer les bénéfices imposables des entreprises dans l'Union ». Derrière l’acronyme, on trouve un guichet unique qui deviendra obligatoire déjà pour les multinationales dépassant 750 millions de chiffre d’affaires consolidé.
Les autres structures, notamment les jeunes entreprises innovantes, profiteront d’une super-déduction des coûts de recherche et développement si elles optent pour une telle démarche. Et pas qu’un peu puisque les start-ups pourront par exemple déduire jusqu'à 200 % de leurs coûts de R&D. Pour lustrer la beauté de son paquet, la Commission donne cet exemple :
« Une entreprise dépense 30 millions d'euros en R&D au cours d'un exercice donné. Elle sera autorisée à déduire :
- L'intégralité des coûts de ses revenus imposables = 30 millions d'euros
- 50 % supplémentaires de la première tranche de 20 millions d'euros = 10 millions d'euros
- 25 % supplémentaires du montant restant de 10 millions d'euros = 2,5 millions d'euros
Au total, l'entreprise peut déduire 42,5 millions d'euros de son assiette imposable, au titre de ses dépenses en matière de R&D. »
Avec l’ACCIS, les règles de détermination de l’assiette seront uniformisées, et non plus empilées en autant de systèmes fiscaux. La mesure devrait ainsi faciliter le quotidien puisqu’il n’y aura plus qu’une seule déclaration pour toutes les activités exercées dans l'UE. Mieux, « dans le cadre du régime de l'ACCIS, poursuit l’institution, les entreprises pourront également compenser les pertes subies dans un État membre par les bénéfices réalisés dans un autre État, bénéficiant ainsi du même traitement que celles dont l'activité est exclusivement nationale » (voir pour les détails).
Derrière cette formalité, Bruxelles espère enfanter un nouvel outil de lutte contre certaines pratiques fiscales. « Des règles communes pour l'imposition des sociétés dans l'Union permettront d'éliminer les failles et les asymétries que comportent actuellement les cadres régissant l'impôt sur les sociétés et qui sont autant de portes ouvertes pour la planification fiscale agressive ».
Double imposition ou non-imposition
Ce nouveau paquet va aussi prévoir de nouvelles règles pour gérer les problématiques de double imposition (il y aurait 900 différends en cours en la matière sur le Vieux continent) notamment à l’aide de nouveaux délais (deux ans), imposés aux États membres.
De même, un dernier chapitre veut régler le problème des dispositifs dits hybrides entre un pays de l’UE et un État tiers. Cela consiste ici pour un pays étranger à l’Union de traiter tels ou tels revenus différemment, ouvrant autant de brèches pour l’optimisation fiscale voire à des cas de non-imposition. « Les entreprises peuvent tirer parti de ces dispositifs pour déduire leurs revenus dans les deux pays ou pour bénéficier, dans l'un d'eux, d'une déduction fiscale sur un revenu qui est exonéré dans le pays de destination, résume la Commission. Les dispositifs hybrides sont souvent exploités par ceux qui pratiquent la planification fiscale agressive afin de réduire au minimum leur contribution fiscale ».
Si le plan bruxellois arrive à son terme, « l'entreprise pourrait désormais être tenue d'acquitter un impôt sur certains paiements effectués dans l'Union qu'elle n'aurait normalement pas dû acquitter ou n'aurait plus la possibilité de déduire certains paiements ».
Nous avons contacté la Commission pour avoir des détails sur l’utilité exacte de ces outils pour lutter contre certaines pratiques d’optimisation des géants du Net. Un détail d'importance : l’Europe ne pourra harmoniser par le haut le taux de l’impôt sur les sociétés, et pour cause, il s’agit d’un domaine de compétence réservé aux États. L’ACCIS est néanmoins considéré comme un levier précieux puisque l’avènement d’une assiette commune pourrait à terme dévoiler à tout le moins le taux d'imposition effectif.