Au CSA, un code de bonne conduite sur la couverture des actes terroristes

Des limites à la liberté rédactionnelle
Droit 5 min
Au CSA, un code de bonne conduite sur la couverture des actes terroristes
Crédits : Fabien de Chavannes/CSA

La dernière loi prorogeant l’état d’urgence de 6 mois a aussi chargé le CSA d’établir un « code de bonne conduite relatif à la couverture audiovisuelle d'actes terroristes ». Le document a été révélé voilà quelques heures par l'autorité indépendante. Sa cible ? Les chaînes de télévision, les radios et les services de médias audiovisuels en ligne.

Selon la sénatrice Joëlle Garriaud-Maylam, à l’origine de cette disposition, l’objectif est d’« éviter que ne se reproduisent les dérives que nous avons pu constater lors du traitement audiovisuel d’attentats terroristes comme celui de Nice, le 14 juillet dernier ».

Selon ses explications en séance, ce code doit prévenir les « dérives en termes d’atteintes à la dignité humaine, avec la diffusion sur une chaîne publique des images terriblement choquantes et impudiques de la douleur indicible et glaçante de certaines victimes », mais également les dérives « en termes d’incitation indirecte à la violence par des images répétitives entraînant une certaine glorification des terroristes, et donc de possibles nouvelles vocations ». Et enfin celles concernant la « diffusion d’informations pouvant gêner le travail des policiers : nous l’avons vu lors de la prise d’otages de l’Hyper Cacher de la porte de Vincennes ».

Trois mois plus tard, le Conseil supérieur de l’audiovisuel a donc levé le voile sur ce document. Il vient épauler les règles impératives inscrites dans la loi de 1986 qui sacralise la liberté de communication, dans les limites de la dignité de la personne humaine et de l'ordre public.

Ne pas gêner les interventions, diffuser en léger différé

Aux chaines mordues de direct, le CSA préconise la mise en place « d’une procédure permettant une diffusion en léger différé afin de garantir l’effectivité de ce processus de contrôle et de validation ». Une telle recommandation n’est pas simple à l’heure des réseaux sociaux mais elle permettrait de mieux sécuriser les informations diffusées sur les médias traditionnels.

Les chaînes ne doivent pas gêner les forces de sécurité et même s’abstenir de toute prise de contact avec les terroristes ou les otages en raison d’un risque d’instrumentalisation ou sur la sécurité des personnes et de l’enquête. Particulièrement, « en ce qui concerne la prise de contact avec les victimes, les témoins ou leurs proches, il convient de faire preuve d’une vigilance particulière, afin de ne pas mettre en danger la sécurité des personnes ».

Dans l’hypothèse d’une prise de contact à l’initiative des terroristes, les chaînes devraient en informer les autorités avec lesquelles d’ailleurs elles seraient bien inspirées d’entretenir les relations pour mieux muscler l’exactitude d’une information voire, dans certains cas, jauger « l’opportunité d’en différer la diffusion ».

Révéler l’anonymat des terroristes relève de la liberté rédactionnelle

Depuis les évènements tragiques de Nice, plusieurs médias ont décidé de ne plus diffuser les photos ou informations nominatives des présumés terroristes. Sur cette question, le CSA ne tranche pas : « l’opportunité d’anonymiser les auteurs d’actes terroristes relève de la liberté éditoriale des diffuseurs ». Et pour cause, « il n’existe pas de réponse unique satisfaisante à la question de savoir s’il convient ou non de diffuser leur identité ou leur image ». Message transmis à ces parlementaires qui souhaitent pénaliser ces pratiques dans une proposition de loi...

Seulement, le CSA dresse une frontière entre cette révélation et le risque de glorifier involontairement les actes. Ainsi, il demande « une vigilance particulière dans le traitement des sujets relatifs à la personnalité ou au parcours des auteurs de ces actes ». Le danger serait de « les présenter sous un aspect qui pourrait être perçu comme positif ou qui serait de nature à heurter les victimes, leurs proches ou le public ».

Même idée pour « la diffusion d’éléments de propagande (images, sons ou termes employés) à des fins d’information relève également de la liberté des éditeurs ». Si elles font ce choix, les chaînes devraient alors accompagner ces informations « des éléments éditoriaux adaptés et des précisions quant à leur origine ».

Prendre garde à l’état de vulnérabilité des victimes

Autres pratiques vues lors de la couverture des attentats qui ont ponctué la France depuis 2015, le recueil des témoignages auprès des victimes, en état évident de vulnérabilité. « Certaines personnes qui acceptent de témoigner peuvent être en état de choc et ne pas être réellement en mesure de consentir de manière éclairée à la captation de leur image ou de leur propos ». Un message adressé directement à France Télévisions qui à Nice, avait interviewé un homme à côté du corps d’une personne de sa famille...

Le Conseil n’interdit pas l’achat de documents vidéo, mais suggère de n’y recourir qu’à titre exceptionnel « afin d’éviter d’encourager certaines personnes à capter des sons et des images lors d’événements dramatiques, dans la seule perspective de pouvoir les monnayer, sans prendre en considération l’effet de telles pratiques sur les victimes ».

Ne pas alimenter le caractère anxiogène d’une situation

Enfin, il est demandé aux chaînes « de ne pas contribuer à alimenter des mouvements de panique ou à accentuer le caractère anxiogène d’une situation ». Une recommandation qui exige là encore prudence dans la diffusion des informations non confirmées. « Les précautions telles que l’emploi du conditionnel ne suffisent pas toujours pour que le public ait conscience du caractère incertain d’une information. En toute situation, l’origine de l’information doit être précisée et les erreurs qui peuvent être commises doivent être rectifiées dès que possible et de manière répétée ».

Autre piqûre de rappel, le recueil de certains témoignages n’est pas toujours opportun. « En effet, compte tenu du contexte, les témoins peuvent, même involontairement, amplifier les faits ou relayer des rumeurs. »

En dernière ligne, le gardien de l’audiovisuel rappelle aux radios et aux télévisions leur liberté de recourir aux « experts » de leur choix. Mais dans tous les cas, elles doivent « veiller par tout moyen à présenter de manière systématique et régulière [ces personnes] et leur trajectoire personnelle, susceptible d’influer sur leur analyse ». 

Ce code de conduite n’est pas limité à l’état d’urgence, prorogé de 6 mois après l’attentat de Nice du 14 juillet. Il lui perdurera donc au-delà. Élaboré après plusieurs réunions avec les grandes chaînes de TV et de radios, il n’a aucune valeur normative mais pourra évidemment aider le CSA à trancher les futures atteintes à la loi de 1986.

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