Questionné par la députée Isabelle Attard, le gouvernement a détaillé tant bien que mal la part des logiciels libres ou propriétaires utilisés par le ministère de la Défense et ses nombreuses administrations. Il est surtout revenu sur l'accord-cadre passé avec Microsoft.
Cette question parlementaire avait déjà été posée mais uniquement pour la période 2008 et 2013. Cette fois, la députée espérait une réponse actualisée sur la période 2008 à 2015. Ces interrogations s’inscrivent dans la « circulaire Ayrault » relative à l’usage des logiciels libres au sein de l’administration.
Mais comme à l’occasion de sa première réponse, le ministère de la Défense a redit que « la circulaire précitée n'a (...) pas pour objet d'inciter les ministères à accroître l'usage des logiciels libres au détriment des logiciels propriétaires, mais à les considérer comme des solutions envisageables, au même titre que les autres ».
Agir en interaction avec des systèmes alliés
Pour justifier ses choix en faveur du libre ou des solutions propriétaires, Le Drian a néanmoins enrichi sa prose initiale (voir les différences entre la réponse de 2014 et celle de 2016). Ainsi, on apprend que « dans le domaine informatique, le ministère de la défense inscrit son action dans le cadre de cette politique générale et opère ses choix en fonction de l'analyse de l'existant, des besoins fonctionnels ou d'interopérabilité, des usages et des niveaux de service attendus, mais également en prenant en compte les objectifs de rationalisation et de maintenabilité au meilleur coût de son parc logiciel ».
Alors que le contrat Open Bar signé avec Microsoft a eu les honneurs de l’émission Cash Investigation, huit ans après nos premières révélations, l’exécutif indique avoir « globalisé les contrats d'acquisition des licences auprès des éditeurs de logiciels et conçu des systèmes d'information capables d'agir en interaction avec des systèmes alliés au titre des besoins opérationnels des armées ».
C’est justement le besoin d’interaction avec l’OTAN qui avait été utilisé pour justifier l’accord passé avec Microsoft, selon un article du Canard enchaîné publié en 2013. Un argument jugé alors « fallacieux » par l’April pour qui « l'interopérabilité consiste à pouvoir fonctionner avec l'ensemble des systèmes, et non en l'hégémonie d'un éditeur unique ».
Toujours dans sa réponse, le ministère a fait état des mêmes difficultés pour mesurer l’épaisseur du libre dans ses ordinateurs, tout en se délestant des mêmes chiffres qu’en 2014, à prendre avec des pincettes :
- 81 % des postes de travail sont déployés avec des composants libres
- 30 % des instances de bases de données utilisées reposent sur un système de gestion de base de données libre
- 32 % des serveurs de production administrés fonctionnent avec un système d'exploitation libre.
Toujours d'après le ministère, l'évaluation des dépenses de logiciels est très difficile. Problème de périmètre fonctionnel au motif que « de nombreux logiciels sont intégrés dans des équipements électroniques très variés (ordinateurs, téléphones, radios numériques, satellites…) ». De plus, « la multiplication des logiciels dits « embarqués » et des objets connectés ne permet pas d'isoler la dépense logicielle ». Enfin, « sur un plan comptable, les outils de recueil disponibles n'ont pas été conçus pour isoler spécifiquement ce type de dépense ».
L’usage des solutions Microsoft
Invité cette fois à se pencher sur le cas spécifique de Microsoft, Jean-Yves le Drian prévient que l’accord couvre « les logiciels de bureautique, de messagerie, d'exploitation et d'administration de l'infrastructure du ministère, de travail collaboratif et de communication unifiée ».
La contractualisation de ces usages a été décidée en 2009 via le fameux accord-cadre. Une démarche « qui s'inscrit dans une dynamique interministérielle de modernisation par la mise en place d'une logique d'achat économiquement plus performante » et qui « a permis d'optimiser la location et la tierce maintenance applicative des logiciels ».
Sans entrer dans des détails qui auraient pu intéresser la représentation nationale, il prévient que cet accord passé avec Microsoft Irlande « correspond au montant hors taxes de la location des licences de logiciels ». Dans cette prestation de service, rien n’est dit sur l’impôt sur les sociétés. L’éclairage est surtout dirigé sur la TVA, payée par Microsoft directement au service des impôts des entreprises du centre des finances publiques de Villejuif
L'April plaide pour une commission d'enquête parlementaire
Rappelons que depuis l’émission Cash Investigation dédiée en partie à cet accord-cadre, l'April sollicite bruyamment la mise en place d’une commission d'enquête parlementaire. En guise d’arguments, cette association qui œuvre pour le libre dénonce notamment les propos du vice-amiral Arnaud Coustillière dans l’émission de France Télévisions.
Selon cet ancien membre du comité de pilotage présidé par Alain Dunaud, celui chargé d’étudier la proposition de Microsoft, un tel accord « ne m’inquiète pas plus que ça. Après effectivement, Microsoft étant propriétaire des sources de ses logiciels, il est très difficile d’avoir la garantie qu’il n’y a pas de backdoor, de vulnérabilités cachées dans les produits. Si vous voulez, c’est une balance de risque par rapport à un coût. Aujourd’hui (…) ce n’est pas là que résident nos principales failles de sécurités ou vulnérabilités ».