Usenet : l'éditeur de Newsoo.fr condamné à six mois de prison avec sursis, 20 000 euros pour la SACEM

A dada sur mon binaire
Droit 5 min
Usenet : l'éditeur de Newsoo.fr condamné à six mois de prison avec sursis, 20 000 euros pour la SACEM
Crédits : jmiks/iStock/Thinkstock

L’éditeur de Newsoo.fr a finalement été condamné à de la prison avec sursis, outre des dommages et intérêts au profit de la SACEM. Copie en main, retour sur cette décision rendue par le tribunal correctionnel de Strasbourg ce 21 octobre.

« En sélectionnant les groupes, il aurait connaissance des contrefaçons ? C’est ahurissant », nous confie Me Olivier Iteanu, l’avocat de Newsoo.fr. L’éditeur de ce service d’accès aux newsgroups a été condamné par le tribunal correctionnel de Strasbourg à six mois de prison avec sursis, sans oublier 20 000 euros de dommages et intérêts à verser à la SACEM. « Je pense qu’on va attaquer la décision, on a des billes à faire valoir notamment sur la liberté d’expression » poursuit le défenseur de Cédric S. « S'il faut filtrer les groupes en fonction de leur nom et des potentialités des discussions, où va-t-on ? »

Un accès à des groupes manifestement consacrés au téléchargement illégal

Mais que s’est il passé exactement ? Pour mémoire, Newsoo.fr est un site permettant d’avoir accès à Usenet, contre abonnement. Entre 2013 et 2015, la SAS qui l’édite avait réalisé un chiffre d’affaires de 96 616 euros, mais surtout intéressé de près la SACEM.

L’un de ses agents assermentés s’y est abonné pour constater que ce service permettait d’accéder à des groupes « manifestement consacrés à la diffusion d’œuvres audiovisuelles ou cinématographiques tandis que d’autres, avec une terminaison MP3, concernaient des œuvres musicales ». Cet agent a pu procéder au téléchargement d’un échantillon de 258 œuvres à partir des 10 837 groupes, dont 2 120 étaient binaires (sur un total de 150 000 groupes aujourd’hui).

Pour condamner Newsoo, le tribunal a tenu compte des variables environnementales mais aussi techniques.

L’environnement et les spécificités de Newsoo.fr

Par exemple, « dans la rubrique foire aux questions (...), le site était présenté comme un moyen de contourner les règles d’HADOPI ». En parallèle de son activité économique, Optix, pseudo de Cédric S, était plusieurs fois intervenu sur des discussions en ligne où « il donnait des informations explicatives et rassurantes aux internautes dans le sens d’une protection d’activités de téléchargement illégal ». Il assurait par exemple qu’il ne donnerait pas les informations sur l’identité d’un internaute. Mieux, il le préviendrait préalablement pour que soient supprimées les informations compromettantes...

Techniquement, Newsoo « sélectionnait et stockait les groupes binaires permettant la diffusion d’œuvres protégées en les mettant à disposition des utilisateurs payants du site ». Et lors de sa garde à vue, Cédric S. a reconnu « qu’un logiciel » répondait aux requêtes des internautes... Devant les enquêteurs, il ajoutait « que les fichiers diffusés et téléchargés sur Usenet étaient presque tous illégaux et que la majorité des utilisateurs de son site venaient pour cela ». Il admettait enfin avoir communiqué sur le contournement de la riposte graduée, tout en précisant que « l’ajout d’un nouveau groupe ne pouvait pas se faire sans l’avis d’un administrateur du site ».

Pas hébergeur, mais « logiciel » manifestement destiné à la contrefaçon

À l’aide de ces ingrédients, le TC de Strasbourg n’a pas eu beaucoup d’hésitation : Newsoo.fr est bel et bien un « logiciel », et sûrement pas un opérateur ou un hébergeur comme l’a soutenu le prévenu. Alors que l’hébergeur est par définition passif et technique, Newsoo « proposait à ses clients payants, non pas un service de stockage de données provenant de tiers, mais un accès, sélectionné par ses soins, à des groupes binaires du réseau Usenet ».

Ainsi, « cette implication dans le choix des accès, puisqu’un cinquième seulement des groupes Usenet étaient accessibles via newsoo.fr et que ce choix s’est porté notamment sur des groupes binaires permettant le téléchargement illégal, fait obstacle à la qualification revendiquée d’hébergeur ».

S'agissant de la sélection de groupes accessibles, Cédric S. nous avait indiqué que « l’ajout de flux a été décidé au fur et à mesure pour accompagner la montée en charge et atteindre l’objectif du flux complet auquel Newsoo est arrivé aujourd’hui ».

Évidemment, les implications d’Optix pour favoriser son service en ligne sur les salons dédiés au téléchargement illégal a pesé dans l’analyse de la juridiction pour colorer « l’intentionnalité des faits ». Le prévenu sera donc condamné pour délit de mise à disposition d’un logiciel manifestement dédié au téléchargement illicite et pour incitation à l’usage de ces logiciels, deux chefs d’inculpation nés de l’amendement Vivendi lors de la loi DADVSI.

Mieux encore, Cédric S., « en permettant sciemment la mise à disposition » d’œuvres protégées, a été qualifié de contrefacteur « par la fourniture technique d’un accès payant à des groupes binaires permettant par suite un téléchargement illégal ». Pour le tribunal, le chef d’entreprise a, « en pleine conscience », construit « un modèle économique basé sur ce contournement des règles ».  

20 000 euros de dommages et intérêts pour la SACEM

Sur la sanction, les juges ont tenu compte des compétences techniques de l’intéressé, en modulant la gravité des faits. Cédric s’est ainsi « laissé dériver dans une logique de défi et d’une volonté de jouer au plus malin, fanfaronnant sur les réseaux sociaux, mais s’effondrant devant les enquêteurs tout comme devant le tribunal ». Ils ont prononcé ainsi six mois de prison avec sursis, la confiscation des scellés, mais aucune amende pénale.

La SACEM a obtenu au final 20 000 euros de dommages et intérêts, elle qui en espérait le double. « Même en l’absence de qualification précise, il est indéniable que l’activité de téléchargement illégal pratiquée grâce au support technique du site newsoo.fr est d’une ampleur certaine ». La juridiction ajoutera 1 000 euros pour le préjudice moral et 1 000 autres euros pour couvrir ses frais de justice.

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