Harold Martin, accusé d’avoir volé des documents classifiés à la NSA, pourrait avoir opéré sur une vaste période. Alors que l’enquête avance, on parle désormais de dizaines de To de données, de nombreux équipements ou encore d’armes à feu. Pour autant, il n’existe toujours aucun signe de contact avec une puissance étrangère.
Harold Martin, présenté parfois comme un « nouvel Edward Snowden », a été arrêté par le FBI le 27 août dernier, chez lui dans le Maryland. Sous-traitant à la NSA et employé chez Booz Allen Hamilton – comme Snowden – il était accusé de vol d’informations classées top secret. Le rapport officiel parlait alors de « données numériques stockées sur plusieurs appareils et périphériques de stockage amovibles » et de plus de 1 000 dollars de matériel volé.
On en sait désormais un peu plus. Il comparaîtra aujourd’hui devant un tribunal fédéral à Baltimore, de nombreuses charges pesant contre lui, pour la plupart en vertu de la loi Espionage Act. Selon les indices trouvés par les enquêteurs, les vols de données et de matériel pourraient s’être finalement déroulés sur une vingtaine d’années, montrant alors une véritable planification pour récupérer ces éléments sans se faire repérer.
50 000 Go de données, des documents par cartons entiers
Les vols eux-mêmes seraient plus que conséquents. Le FBI aurait retrouvé l’équivalent de six grosses boites de papiers classifiés, ainsi que 50 000 Go de données sensibles. Le nombre de documents n’est pas indiqué, Snowden en ayant emporté un nombre estimé entre 40 000 et 50 000. Les preuves seraient « accablantes », avec par exemple des informations personnelles sur des employés du gouvernement ainsi que des documents très sensibles sur des plans visant « un ennemi connu des États-Unis et de leurs alliés ».
Selon les procureurs Zachary Myers et David Aaron, qui ont rédigé la plainte, « les crimes du suspect témoignent d’une volonté de trahir régulièrement la confiance de la nation », ajoutant qu’il ne devrait pas être relâché sous caution pour le moment. Ses avocats, au contraire, parlent de la vie d’un homme ayant protégé l’État pendant de nombreuses années, et dont la femme vit dans le Maryland. Il n’aurait aucune raison de fuir. Les procureurs, eux, estiment que l’homme n’a plus rien à perdre et qu’il connait tout simplement bien trop de secrets. Il ne possède cependant pas de passeport.
Des preuves jugées accablantes
On en sait par ailleurs davantage sur le protagoniste. Avant d’être sous-traitant pour le compte de la NSA, il a longtemps été réserviste de la Navy et a travaillé au sein du Pentagone. Ce qui ne joue d’ailleurs pas en sa faveur, car son passé est maintenant passé au crible pour y détecter les éventuelles failles de sécurité, les documents datant de 1996 à 2016.
Ces soupçons sont renforcés par les éléments retrouvés chez lui, notamment son historique web. Les enquêteurs ont par exemple découvert qu’il avait visionné au moins une vidéo sur YouTube expliquant comment masquer son identité en ligne. Il s’est également dirigé vers des systèmes d’exploitation permettant de couvrir ses traces. On pense évidemment à la distribution Linux Tails. Des éléments indiquent en outre qu’il serait sorti du pays pour tenter d’acheter une Chevrolet Caprice PPV, conçue pour la police.
Des liens avec les Shadow Brokers ?
De nombreuses informations manquent encore à l’appel. Bien que les documents du tribunal ou les rapports des forces de l’ordre n’en parlent pas, le New York Times indique que Martin pourrait bien être lié au coup d’éclat des Shadow Brokers, ces pirates qui ont dérobé de puissants outils de surveillance sur un serveur distant lié à la NSA. Martin aurait pu fournir les informations cruciales au succès de cette « mission ».
On ne sait pas non plus ce que comptait réellement faire le sous-traitant de cette titanesque quantité de données. Rien n’indique pour l’instant qu’il ait été en contact avec une puissance étrangère, cherché à monnayer ces secrets ou ait simplement voulu les transmettre. Il n’est pas certain non plus que la vraie finalité sera dévoilée au public : si Martin s’est mis en relation avec un pays particulier, le simple fait de l’annoncer aurait des conséquences sur la sécurité et la diplomatie.