Pourquoi changer les recettes qui fonctionnent si bien ? Plutôt qu’une hausse de 2 euros de la redevance TV, toujours impopulaire en ces temps électoraux, le projet de loi de finances se dirige vers une nouvelle hausse de la taxe payée par les opérateurs télécoms au profit de France Télévisions.
L’an passé, le gouvernement refusait une hausse musclée de la contribution à l’audiovisuel public, tout comme son extension aux autres écrans que la TV (tablettes, smartphones, ordinateurs, etc.).
Ce geste de la main droite - la redevance est passée de 136 à 137 euros - cachait en réalité une gifle de la main gauche sur la joue des FAI. « En complément » de cette hausse modérée, dixit la ministre de la Culture, la taxe payée par les fournisseurs d’accès (ou taxe Copé ou encore TOCE) devait en effet grimper de 0,9 % à 1,2 % de leur chiffre d’affaires. Magie budgétaire : après débats, cette TOCE est même passée à 1,3 % dans la loi de finances pour 2016.
+ 44 % (PLF 2016) + 7,7 % (PLF2017)
Cela représente tout de même une hausse de 44,44 % d’une contribution qui a déjà rapporté plus de 1,5 milliard d'euros entre 2009 et 2015 ! Or, instaurée afin de compenser le coût pour l’État de la suppression de la publicité après 20 heures sur les chaînes de France Télévisions, elle est indirectement payée par l’ensemble des abonnés, même ceux qui n’ont pas de poste de télévision traditionnel. Voilà comment en coulisse, le gouvernement a pu économiquement faire contribuer tout le monde au chevet de la télévision publique, en affirmant sur la scène que les nouveaux écrans ne seraient pas taxés.
Dans le projet de loi de finances 2017, inutile de changer une recette qui gagne. La commission des finances a adopté un amendement de la rapporteure Valérie Rabault pour pousser le taux de 1,3 à 1,4 %, soit une hausse de près de 7,7 %
La hausse de la redevance limitée à 1 euro
La loi de Finances pour 2016 avait prévu l’affectation d’une part du rendement de la TOCE à France Télévision pour 140,5 millions, le surplus allant pour le budget général. Pour le PLF2017, le produit de la taxe reversé à France Télévisions passe désormais à 178,5 millions d’euros. C’est un gain de 38 millions d’euros pour les chaînes publiques.
En contrepartie, les députés ont adopté un autre amendement limitant la hausse de la redevance TV en fonction de la seule inflation. Concrètement, au lieu de passer comme prévu à 139 euros (+ 2 euros), celle-ci atteindrait 138 euros en 2017 (+1 euro). « Il en résultera une augmentation des moyens destinés l’audiovisuel public d’environ 30 millions d’euros, au lieu de 63 millions d’euros prévus dans le projet soumis par le gouvernement » écrit la députée Rabault.
Si on résume : d'un côté, une hausse de la redevance limitée à 1 euro, soit 33 millions d’euros qui ne seront pas glanés dans les ménages au profit de l’audiovisuel public (FTV, Arte, Radio France, etc.). De l'autre, une hausse de 7,7 % de la TOCE récoltant 38 millions d'euros chez les fournisseurs d’accès au profit de la seule France Télévisions. Cette année encore, tous les fournisseurs déclarés à l’ARCEP sont appelés à contribution, même en tenant compte des abonnements payés par des foyers sans poste de TV « à la papa ».
La colère des télécoms
Bouygues Telecom, Orange SFR et Free ont évidemment fustigé cette nouvelle hausse de la taxe sur les opérateurs de communications électroniques. « Alors que cette taxe avait déjà été augmentée de 44% il y a moins d’un an, commentent-ils via la Fédération française des télécoms, les opérateurs seraient à nouveau mis à contribution pour financer France Télévisions au détriment des priorités fixées par le gouvernement en matière d’aménagement numérique des territoires ».
Ils demandent ainsi de revenir sur cette décision, avec un exemple concret à l’appui. Sur leur calculette, l’effort supplémentaire est évalué à « plusieurs dizaines de millions d’euros », lesquels se rajouteront « aux 1,8 milliard d’euros qui auront été acquittés par les opérateurs depuis la création de cette taxe en 2009 jusqu’à cette année ». Un total qui « représente l’équivalent de 3,8 millions de prises en fibre optique ou d’environ 18 000 installations d’antennes 4G ». Ils mettent donc en balance cette taxe avec ce qu'ils pourraient représenter en déploiement de fibre optique ou 4G, même si rien ne garantit qu'elle aura un quelconque impact sur leurs investissements.