Le président la République, qui n’a toujours pas annoncé s’il serait candidat à sa propre succession, s’est prononcé la semaine dernière en faveur d’une généralisation des consultations de citoyens. François Hollande a également fait un pas en direction des amendements citoyens, tout en restant au final extrêmement flou.
Impuissantes, trop lentes, gangrenées par la corruption... Les critiques à l’encontre de nos institutions sont nombreuses. Le chef de l’État s’est montré conscient du mécontentement des Français, jeudi 6 octobre, à l’occasion du colloque « Refaire la démocratie ». François Hollande a ainsi formulé plusieurs propositions, consistant par exemple en une limitation du nombre de mandats pour les parlementaires.
Le président a tout particulièrement insisté sur le processus de « fabrique de la loi ». Selon lui, il y a aujourd’hui un « besoin irrépressible de pouvoir dire son mot, surtout dans le contexte de la numérisation ».
François Hollande veut une consultation sur chaque grande réforme législative
« Un temps plus long doit être consacré à sa préparation [ndlr : de la loi], et un temps plus court à son adoption. En d'autres termes, a expliqué François Hollande, toute grande réforme législative doit désormais être précédée d'une consultation ouverte, qui peut prendre diverses formes (numérique, jury citoyen, débat participatif, Conseil économique, social et environnemental). Nous l'avons expérimenté pour la loi Numérique » a souligné le locataire de l’Élysée. Pour mémoire, les internautes furent invités à commenter les articles de l’avant-projet de loi porté par Axelle Lemaire, dire s’ils étaient « d’accord » ou « pas d’accord », faire des propositions d’amendements...
Le président a bien insisté : « Il faut généraliser cette consultation, la rendre obligatoire et faire qu'on puisse lui fournir un cadre. » François Hollande est en fin compte resté bien vague, puisqu’il n’a absolument pas précisé les contours de ce « cadre » (Quand déclencher une consultation en ligne plutôt qu’un débat participatif ? Selon quelles modalités pratiques ? Etc.)...
Faut-il en déduire que le probable candidat poussera en faveur de l’adoption de la proposition de loi visant à rendre obligatoires les consultations en ligne de citoyens sur tous les textes examinés par le Parlement (voir notre article) ? « Non », nous répond clairement le député socialiste Luc Belot, qui plaide pour cette réforme aux côtés de son collègue de l’opposition Patrice Martin-Lalande (Les Républicains).
« Ça fait partie des réflexions du président, dans la cohérence de ce qu'il a évoqué lors de son discours » décrypte le rapporteur de la loi Numérique. « Ça alimente un débat qui est déjà très présent dans la tête des parlementaires et pour lequel on a besoin de commencer à ouvrir un cadre de discussions. Je pense en ce sens que ça va donner un peu de motivation aux uns et aux autres. »
« Sans doute envisage-t-il d’en faire une proposition d’ordre programmatique, qui sera précisée par la suite... » commente de son côté un conseiller ministériel. En coulisses, on prend ces déclarations comme un signal positif, mais sans grand enthousiasme : le calendrier parlementaire est désormais plus que serré et les sondages de très mauvaise augure pour 2017. Le sommet mondial de l’Open Governement Partnership, qui se tiendra à Paris début décembre, permettra néanmoins de mettre en avant la plateforme de consultation libre développée sous l’égide du Secrétariat général de modernisation de l’action publique (SGMAP).
Donner aux citoyens de nouveaux outils d’initiative législative
« Les citoyens ne doivent pas simplement être consultés sur la loi qui se prépare, mais peuvent aussi être à l'initiative de la loi » a poursuivi François Hollande, toujours lors de son discours du 6 octobre. En pratique, c'est une vaste boîte à idées qu’a ouvert le locataire de l’Élysée...
Référendum d’initiative partagée
« Il existe dans notre Constitution une procédure qui a été à ce point verrouillée qu'elle n'ait par définition pas utilisée : c'est le référendum d'initiative populaire. » Le principe : les parlementaires peuvent déposer des propositions de loi qui, si elles sont adoptées par les deux assemblées après avoir préalablement obtenu le soutien d’un électeur sur dix (soit environ 4,5 millions de signatures) via un site dédié, sont soumises à référendum... Une procédure tellement complexe qu’aucun projet n’a été ne serait-ce que proposé après quasiment deux ans de fonctionnement !
« Les seuils doivent être abaissés » a soutenu François Hollande, sans trop s’avancer ici non plus. « Il faut garder les systèmes de contrôle, on voit bien l'abus qui pourrait en être fait. Mais ces seuils ne permettent pas véritablement que le droit puisse s'exercer » a simplement précisé le chef de l’État.
Droit de pétition
« En attendant, a-t-il poursuivi, il y a le droit de pétition, que nous devons reconnaître − et le Parlement pourrait être tenu d'organiser un débat dès lors que 500 000 signatures auraient été recueillies sur une proposition. » Le probable candidat à sa propre succession s’est ainsi distingué du favori des sondages pour la primaire de la droite et du centre, Alain Juppé, qui plaide de son côté pour un droit de pétition similaire à ce qui prévaut aux États-Unis : le gouvernement, et non le Parlement, serait tenu de répondre aux internautes ayant soutenu une pétition (avec un seuil bien plus bas de 100 000 signatures). François Hollande semble visiblement s’inspirer du modèle britannique, même si le seuil est là-bas de 100 000 soutiens « uniquement ».
Droit d’amendement citoyen
« Les deux dispositifs sont d'ailleurs complémentaires : rendre l'initiative législative citoyenne possible, à certaines conditions, et faire entendre les préoccupations des citoyens au Parlement, y compris par un droit d'amendement citoyen, s'il est là aussi encadré » a enfin lâché le président.
En toute prudence, l’ancien premier secrétaire du Parti socialiste a ainsi repris une idée du député Olivier Faure (PS), qui milite depuis plusieurs mois pour que les internautes puissent proposer des amendements qui, à condition d’avoir obtenu un certain nombre de soutiens, seraient obligatoirement débattus par l’une ou l’autre des assemblées. Les parlementaires resteraient bien entendu libres de les adopter − ou non (voir notre article).
« Je lui avait fait passer une note avant son intervention » nous confie Olivier Faure. « Il en a saisi en partie l'idée, timidement. Je crois qu'il fait partie de ceux qui se demandent encore comment il est possible de mettre en œuvre un tel droit... Mais ça avance ! C'est une idée qui fait son chemin, petit à petit. »
L’instauration de ces « amendements citoyens » nécessitant une réforme constitutionnelle, tout laisse à penser que là aussi, il faudra attendre la présidentielle pour voir les contours de cette proposition plus largement définis. « Je ne sais pas du tout ce qu'il a en tête, concède Olivier Faure. Mais il est comme toujours, il cherche à agréger les bonnes idées. »

Si certains seront heureux de voir que leurs idées de réforme ont séduit le chef de l’État, d’autres se montrent bien moins satisfaits, y compris au sein de la majorité... « Je n'ai pas bien compris le choix stratégique, les prises de position du président à l'occasion de ce discours sur la démocratie. C'est toute la difficulté du président qui n'est pas candidat, de ce qu'il dit avant d'être candidat, de ce qu'il dira ou pas après... » raille un parlementaire socialiste.