Depuis un an, les revenus des groupes télécom ont encore baissé de près de 2 %, quand le nombre de lignes très haut débit et la consommation 4G continuent d'exploser. Alors que l'investissement dans les nouveaux réseaux continue, les opérateurs semblent peiner à en tirer du chiffre d'affaires supplémentaire.
La consommation d'Internet et du mobile progressent en France, la chute des revenus des opérateurs ralentit encore. L'ARCEP a publié son observatoire du marché des communications électroniques pour le deuxième trimestre (PDF), qui confirme globalement les tendances de ces derniers mois. La consommation data notamment est largement tirée par la 4G, qui compte pour 80 % du volume de données échangées ces derniers mois.
Un chiffre d'affaires toujours en baisse
Côté finances, la situation continue d'empirer pour les groupes télécom, mais moins vite qu'auparavant. Entre juin 2015 et juin 2016, les opérateurs ont engrangé près de 8,8 milliards d'euros, dont près de 8 milliards pour les services télécom eux-mêmes. Soit une baisse de 295 millions d'euros (-1,9 % sur un an), ralentie par rapport à 2014 et 2015.
Les services mobiles affichent des revenus en baisse de 64 millions d'euros, due aux deux tiers par l'effondrement du marché des cartes prépayées, estime l'ARCEP. La transition massive vers les forfaits mobiles, notamment via les nombreuses promotions poussées par les opérateurs, n'aide pas leur chiffre d'affaires pour le moment. Les services à valeur ajoutée, récemment réformés, ont aussi vus leurs revenus fondre de 46 millions d'euros en un an. Cette baisse n'est d'ailleurs pas encore compensée par la vente et la location de terminaux, dont les revenus grimpent de 10 millions d'euros sur l'année (à 484 millions d'euros).
Sur le fixe, la baisse de revenus a été de 50 millions d'euros au total du deuxième trimestre 2015 au 2016, contre environ 60 millions d'euros de baisse précédemment. Le chiffre d'affaires des services bas débit ralentit sa chute, quand ceux aux entreprises est en légère hausse (+1,6 % de revenus d'un an sur l'autre). Les recettes des offres haut et très haut débit stagnent (+0,7 % à peine), malgré la montée des offres très haut débit (dont de la fibre) face à l'ADSL.
Les revenus annexes (dont pour une part les services de musique ou de vidéo à la demande des opérateurs) restent stables, à 784 millions d'euros... Ce qui représente toujours près de 10 % du chiffre d'affaires du secteur.

Le très haut débit à plus de 100 Mb/s gagne du terrain
Du côté des réseaux, si une tendance s'est dessinée ces dernières années, c'est bien la montée du très haut débit, qui grignote de trimestre en trimestre la part du vénérable ADSL. Au total, à fin juin, la France comptait 27,2 millions de lignes fixes, soit 950 000 de plus en un an. À noter que 18,9 millions disposent de la télévision par Internet, soit environ 70 %. Sur ce grand ensemble, 4,8 millions de lignes sont en très haut débit (à partir de 30 Mb/s en débit descendant), contre 3,6 millions un an plus tôt.
Dans le détail, plus de 60 % des abonnements THD ont un débit égal ou supérieur à 100 Mb/s, le reste étant compris entre 30 Mb/s et 100 Mb/s. La tranche supérieure est composée de lignes en câble et en fibre optique jusqu'à l'abonné (FTTH). Cette dernière technologie, de long terme, compte désormais près de 1,8 million d'abonnés, soit 605 000 de plus qu'à fin juin 2015. Cela en grande partie chez l'opérateur historique, Orange, qui dispose d'une large avance dans le domaine, et construit la plupart des réseaux FTTH du pays, y compris pour certains de ses concurrents (voir notre analyse).
Les lignes câble à 100 Mb/s ou plus comptent 1,2 million d'abonnés (+179 000), au fil de la rénovation du réseau par SFR. Les lignes dans la tranche de débit inférieure (en VDSL ou câble) sont aussi plus nombreuses (plus de 1,8 million), soit 410 000 supplémentaires sur un an.

Sur les réseaux fixe et mobile, les communications voix restent bien entendu un usage majeur. Sur le deuxième trimestre, 60,8 milliards de minutes d'appel ont été comptabilisées, soit une augmentation de 2,8 % sur un an, après deux ans de baisse. Reste que, sur le fixe, cette consommation continue toujours bien sa chute : ces lignes comptent pour un tiers des minutes d'appel (19,2 milliards), en baisse de 1,3 milliard d'une année sur l'autre. Une chute ralentie face à 2015, où 2 milliards de minutes s'étaient déjà envolées.
La 4G booste la consommation de données mobiles
Face à cela, les appels depuis un mobile continuent de progresser à 41,6 milliards de minutes sur le trimestre (+7,9 % sur un an). Comme le rappelle l'ARCEP, « la consommation moyenne mensuelle par carte mobile (3h23) dépasse, depuis le trimestre précédent, celle par ligne fixe (2h56) ».
Le nombre de SMS échangés a aussi bien augmenté (+1,1 milliard), s'établissant à 51,6 milliards entre mars et juin. Cela même si les Français envoient toujours environ 250 SMS par mois, depuis fin 2012. Les communications en itinérance, qui pose tant de problèmes actuellement à la Commission européenne, comptent à peine pour 1,4 % du total des clients français.
Sur l'Internet mobile, les mobinautes ont consommé 230 000 To au deuxième trimestre, à 80 % par des clients « actifs en 4G ». Pour le régulateur, la croissance du trafic est « explosive », avec une progression de 79 % en un an. Pour chaque utilisateur connecté à l'Internet mobile, la consommation moyenne mensuelle s'établit désormais à 1,8 Go par mois. Le cap du Go pour chaque mobinaute (connecté ou non en 3G et 4G) est, lui, désormais franchi.
Au total, la France compte 72 millions de cartes SIM (hors « MtoM »), soit 830 000 supplémentaires sur un an. Le nombre d'utilisateurs en 3G et 4G augmente aussi largement : +4,3 millions en 3G (50,1 millions), et +11 millions en 4G (26,6 millions). En clair, environ 70 % des mobinautes disposent de la 3G, et environ 37 % de la 4G (contre à peine 22 % un an plus tôt).
« Depuis plus de quatre ans, l’intégralité de cette croissance est due à l’augmentation du nombre de forfaits, tandis que le nombre de cartes prépayées s’érode de façon continue », à 11,8 millions contre 13,2 millions en juin 2015. Un quart des cartes SIM est lié à un abonnement fixe (18,2 millions). La convergence des offres fixes et mobiles, l'une des principales armes de rétention des abonnés, semble donc fonctionner à plein régime.
Le « MtoM » progresse encore, les publiphones se désagrègent
De son côté, les cartes SIM dédiées aux communications entre machines (« MtoM ») continuent de voir leur nombre grimper de trimestre en trimestre. À fin juin, elles étaient 10,3 millions en activité, soit 1,1 million de plus qu'un an plus tôt. Une performance impressionnante, qui se confirme de mois en mois, mais qui ne se traduit pas encore en de larges revenus pour les opérateurs. Sur le trimestre, ceux-ci ont gagné 27 millions d'euros via ces offres, soit tout de même trois millions de plus sur un an.
Il faudra donc encore que le nombre de ces cartes grimpe et que les réseaux alternatifs type LoRa (qui n'utilisent pas de cartes SIM, mais un code d'identification), notamment poussés par Bouygues Telecom et Orange, se développent massivement pour voir ce segment s'imposer dans le chiffre d'affaires des groupes télécom. À noter que la baisse de la croissance du nombre de cartes « MtoM » constatée ces derniers mois est notamment due à un ajustement de SFR, qui a supprimé 1,3 million de cartes inactives de sa base.

À l'autre bout du spectre, le nombre de cabines téléphoniques (publiphones) continue encore et toujours de s'effondrer. Au deuxième trimestre, elles n'étaient plus que 31 200 en activité, contre environ 57 000 à l'été 2015. L'ARCEP compte environ 25 000 suppressions par an. Cela alors que la question du maintien du réseau téléphonique, publiphones compris, continue d'agiter régulateur, parlementaires et ministres.
Déjà épinglé sur les problèmes du réseau cuivre par l'ARCEP, Orange devrait récupérer une nouvelle fois la charge du service universel, avec de nouvelles obligations en cas de manquement.