Les copies de sauvegarde de programmes d’ordinateur, non accompagnées de la copie initiale et de la licence, peuvent-elles être vendues d’occasion ? Voilà la question à laquelle la CJUE répondra la semaine prochaine.
Entre le 28 décembre 2001 et 22 décembre 2004, deux Lettons avaient vendu sur eBay plus de 3 000 copies de Windows 95, 98, 2000 Professionnel, XP, et du pack Office sur des supports copiés. Aleksandrs Ranks et Jurijs Vasiļevičs récupéraient ces logiciels auprès d’entreprises et de particuliers. Or, à l’initiative de Microsoft, les deux protagonistes ont été poursuivis pour contrefaçon de logiciels et de marques.
Seulement, les prévenus affirment que les CD originaux étaient abimés et qu’il n’existait aucune autre copie du logiciel revendu sur le site d’enchères. Or, la directive de 2009 sur la Protection juridique des programmes d’ordinateur ouvre une brèche dans le monopole des éditeurs. Avec la règle dite de « l’épuisement » des droits, l’éditeur peut contrôler les ventes, mais non les reventes. Après une première vente, le droit de distribution d’un logiciel est « épuisé », la libre circulation retrouve son règne. Bref, selon eux, cette règle s’appliquerait également aux copies de logiciels dont l’original a été rendu inutilisable.
La Cour de justice a déjà consacré le droit de revendre en ligne des licences d’occasion sans support matériel (affaire USedSoft du 3 juillet 2012). Reste en question celui de revendre un logiciel sur un disque non authentique, différent donc du support original.
C'est niet, selon l'avocat général
Comme Microsoft, l’avocat général a déjà conclu qu’« une copie matérielle non originale ne peut jamais bénéficier de l’épuisement du droit de distribution, et ne peut donc pas être vendue par un utilisateur sans l’autorisation du titulaire ». Et pour cause, la directive de 2009 sur la Protection juridique des programmes d’ordinateur nous dit que la vente d’un programme par l’éditeur « épuise le droit de distribution de cette copie ».
Pour l’AG, dont l'avis ne lie pas la cour, le démonstratif « cette » est nécessairement associé à la revente de la copie originale, non de la copie de cette copie. De plus, la même directive n’évoque pas l’hypothèse des copies initiales inutilisables ou détériorées. Au contraire, le texte « octroie l’épuisement du droit de distribution de manière inconditionnelle à toute copie originale vendue par le titulaire ou avec son consentement ».
Enfin, ouvrir la règle de l’épuisement aux copies d’un support aujourd’hui détérioré, placerait l’acquéreur dans une situation très inconfortable. Puisque la charge de la preuve reposerait sur ses épaules, il lui reviendrait de démontrer que cette copie est effectivement détériorée et « que le revendeur a rendu inutilisable toute autre copie en sa possession ». « Selon moi, ajoute l’avocat général, une telle preuve serait difficile, voire impossible, à apporter pour l’acquéreur, notamment dans le cadre de transactions à distance ».
L'arrêt sera rendu le 12 octobre par la Cour de justice de l'Union européenne.