Les députés de la commission du développement durable débutent aujourd’hui l'examen des amendements à la proposition de loi visant à encadrer davantage l’usage des drones civils. À partir de 800 grammes, tous les aéronefs pourraient être soumis à de nouvelles obligations : immatriculation, dispositifs de signalement GSM, avertisseur sonore en cas de chute, etc.
Après avoir été adopté le 17 mai dernier par le Sénat, le texte des sénateurs Xavier Pintat et Jacques Gauthier (Les Républicains) s’apprête à être débattu par l’Assemblée nationale, conformément à ce que souhaitait le gouvernement. Pour mémoire, il est question d’introduire progressivement dans notre droit :
- Une obligation d’immatriculation des drones, qui se ferait via Internet.
- Une obligation de formation pour les pilotes (qui pourraient être contraints de suivre des tutoriels en ligne).
- Une obligation pour les fabricants de vendre des drones dotés de dispositifs de « signalement électronique et lumineux » (de type balise GSM + LED), ainsi que de « limitation de performances ».
- Une obligation, toujours pour les fabricants, d’introduire dans les emballages de leurs produits – et dans ceux de pièces détachées – la notice de la Direction générale de l’aviation civile (DGAC) qui synthétise les principales « règles d’or » à suivre par les pilotes de drone.
- Un nouveau délit de survol « par maladresse ou négligence » d’une zone interdite (centrale nucléaire, aéroport...), passible de sanctions pouvant atteindre un an d'emprisonnement et 45 000 euros d'amende.
Tous les drones de 800 grammes et plus forcément concernés ?
Toute la question est cependant de savoir à quels drones ces nouvelles obligations s’appliqueront ? Le Sénat ne s’est pas mouillé, laissant le soin au gouvernement de fixer par décret un seuil de poids déclenchant l’activation de ces dispositions...
Certains députés veulent toutefois que la loi fixe dès à présent un cadre bien plus précis. La rapporteure Marie Le Vern (PS) plaide ainsi pour que ce seuil soit au maximum égal à 800 grammes. L’élue souligne que l’exécutif gardera de ce fait la possibilité d’opter pour une masse bien moindre, « pour prendre en compte les possibilités d’évolution technologique, qui vont vers une miniaturisation croissante des drones ».
De son côté, le député Pascal Thévenot (LR) propose un seuil un peu plus important : 1 kg, conformément aux recommandations du Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale.
Avertisseur sonore en cas de chute
Autre proposition de la rapporteure : obliger les fabricants à équiper leurs drones (toujours sous réserve de poids) « d’un dispositif de signalement sonore qui se déclenche en cas de perte de contrôle des évolutions de l’appareil ou de perte de maîtrise de la trajectoire de l’appareil par son télépilote ». L’objectif ? Que des personnes qui se trouveraient sous un drone puissent être avertis un tant soit peu de sa chute... « Les conséquences de la chute d'un drone sont d'autant plus graves que le poids et l'altitude du drone sont importants. Or la diffusion massive des drones, couplée au fait que leurs utilisateurs ne sont pas toujours suffisamment formés ni conscients des risques liés à la manipulation de ces engins, renforce ces dangers », fait valoir Marie Le Vern.
De manière plus accessoire, la députée souhaite que la fameuse notice de la DGAC soit fournie à l’acquéreur d’un drone d’occasion (et non pas seulement neuf, comme le prévoit actuellement la proposition de loi). « La notice étant téléchargeable en ligne, il s’agirait d’une obligation assez aisée à remplir, même pour un particulier » explique la rapporteure en appui de son amendement.

Marie Le Vern prône d’autre part un allègement des peines prévues pour le nouveau délit de survol « par maladresse ou négligence » d’une zone interdite. Tandis que le Sénat a opté pour des sanctions pouvant atteindre un an d'emprisonnement et 45 000 euros d'amende, la rapporteure souhaite une simple contravention de 5ème classe (passible de 1 500 euros d’amende). « Cette mesure permettrait de faciliter le traitement des infractions, ce qui améliorerait l’effet dissuasif de la sanction en la rendant plus facilement applicable. Par ailleurs, cela limiterait l’engorgement des tribunaux, ce qui est d’autant plus nécessaire que le nombre d’utilisateurs de drones ne cesse de croître », argumente-t-elle.
Entre dispositif de signalement « électronique » et « numérique »
Sur les bancs de l’opposition, le député Lionel Tardy demande notamment à revenir sur l’introduction de dispositifs de « signalement électronique et lumineux ». L’élu LR propose une alternative à l’identification électronique : l’identification numérique. « La première nécessite des aménagements importants pour les constructeurs de drones. La seconde, à l’inverse, a l’avantage de passer par le réseau et non par une balise supplémentaire, tout en atteignant le même objectif » soutient-il. Son amendement supprime au passage le dispositif de signalement lumineux, qui « pourrait être contreproductif dans la mesure où le vol de nuit est strictement interdit ».
La délicate mise en conformité des drones déjà en circulation
Les débats devraient enfin tourner autour de l’entrée en vigueur de cette proposition de loi, qui varie selon ses différentes obligations. L’article 4, qui vise à l’installation de dispositifs de « signalement électronique et lumineux » ainsi que de « limitation de performances » (afin notamment que les drones n’aillent pas trop haut) doivent entrer en vigueur au 1er janvier 2018. La rapporteure a toutefois déposé un amendement pour allonger ce délai de six mois.
Et pour cause, cette réforme « nécessitera un retour en usine des appareils [déjà en circulation] ou le rajout de modules additionnels » prévient Marie Le Vern. Problème : « Le retour en usine semble inenvisageable pour les drones de loisir, qui sont des objets de grande consommation, construits par des entreprises qui peuvent être étrangères et diffusés selon des circuits de distribution indirects. Par ailleurs, les drones à usage professionnel sont souvent assemblés, modifiés ou mis au point par des entreprises de taille moyenne ou de petite taille et le rappel par les constructeurs de l’intégralité de la flotte en circulation en France serait inenvisageable, notamment parce que les coûts qu’il entraînerait seraient parfois équivalents au coût de remplacement de l’appareil. »
La députée souhaite ainsi « laisser le temps au secteur d’organiser l’équipement des drones en circulation à la date d’entrée en vigueur de la loi », le rajout de modules additionnels étant quoi qu’il en soit l’hypothèse la plus probable pour que les « dronistes » se mettent en conformité avec ce nouveau texte. Pour mieux faire passer la pilule, les drones qui auront été immatriculés en ligne par leur propriétaire disposeront d’un délai de six mois supplémentaires pour ajouter ces modules additionnels à leur engin – ce qui nous ramène donc au 1er janvier 2019.
Restera maintenant à voir quel sort sera réservé à ces amendements, sachant que de nouveaux débats auront lieu, ensuite, en séance publique.