Le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris a rendu son ordonnance dans l’action lancée par plusieurs associations issues du milieu du libre contre l’accord Microsoft/Éducation nationale. Les plaignants sont tous déboutés.
Peine perdue pour le Conseil national du logiciel libre, les associations Ploss Rhône-Alpes, La Mouette et l’Aldil. Estimant l’accord de partenariat passé entre l’Éducation nationale et Microsoft illicite, elles avaient réclamé devant les juges des référés sa suspension provisoire (notre compte rendu d'audience).
Sur quel fondement ? D’abord l’article 808 du Code de procédure civile, qui permet de réclamer en urgence toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse. Souci : l’accord a été formalisé à partir du 18 novembre 2015. Le président du tribunal a du coup eu un peu de mal à flairer une quelconque urgence.
Pour expliquer ce retard, Me Soufron, avocat des associations, a rappelé qu’il avait d’abord tenté un recours gracieux auprès du ministère de l’Éducation nationale. Grimace du magistrat : « La convention litigieuse ne relevant pas, selon les parties, de la compétence du juge administratif, le recours gracieux exercé par les associations demanderesses n’était donc pas un préalable indispensable à la saisine du juge judiciaire ».
Défaut de condition d'urgence
En clair, dans une telle procédure, si urgence il y avait, les associations auraient dû agir immédiatement à sa porte, et surtout ne pas perdre un temps précieux auprès du ministère avec une procédure administrative inutile. Du coup, alors que ce recours gracieux a eu lieu le 29 janvier 2016, le juge des référés ne comprend pas pourquoi les mêmes associations « ont choisi d’attendre la fin du mois de juillet 2016 pour se décider à porter leur affaire devant la juridiction des référés ».
Les associations ont aussi prétexté n’avoir eu connaissance que tardivement de cet accord, entré en application depuis de longs mois. Mais l’argument a fait pshit : « les associations demanderesses ont eu connaissance de ladite convention dès sa formalisation puisqu’elle a été mise en ligne sur Internet ».
Certes, l’exécution d'un tel partenariat n’est pas exclusive d’une situation d’urgence, si du moins est démontré que les effets de cette convention ont depuis gonflé avec le temps. Me Soufron a bien fait état d’une charte de confiance sur les données personnelles qui « ne respecterait pas les dispositions de la loi Informatique et Libertés ». Une « accusation, spéculative à tout le moins, [qui] ne caractérise pas une urgence » lui a répondu l'ordonnance.
De même, il a évoqué la fermeture de la société Ryxeo, éditrice d'une suite de logiciels libres dédiés à l’éducation. Re-pshit : « le lien de causalité entre la convention litigieuse et la liquidation de ladite société n’est nullement démontré », d’autant que la société a publié un communiqué pour se plaindre de la crise économique et de l’amalgame « libre = gratuit ». Bref, la condition d’urgence n’est pas remplie au titre de l’article 808 du Code de procédure civile.
Défaut du caractère illicite de ce partenariat
Une autre disposition, le 809 alinéa 1 du même code, lui permet néanmoins de prescrire toutes les mesures conservatoires ou de remise en état nécessaires à la prévention d’un dommage imminent, ce qui suppose une illicéité. Seulement, à bien regarder, le compte n'y est pas.
Microsoft et l’Éducation nationale évoquent un contrat de partenariat. Les associations, un contrat de vente et de louage, illicite car sans prix et passé en violation du Code des marchés publics. L’ordonnance se refuse néanmoins à requalifier cet accord, sauf à malmener la volonté des parties.
Le juge constate surtout que le document ne mentionne pas de prix, n’est pas exclusif, n’impose pas d'obligations à la charge du ministère sauf à instituer des mesures dans le cadre du plan numérique à l’école et à organiser une coordination en matière de communication. Enfin, souvent évoquée, la somme de 13 millions qui pèserait sur les épaules de Microsoft n’y apparaît pas. Bref, le juge de l'évidence a du mal à constater une quelconque illicéité et donc l’existence d’un dommage illégitime qui aurait pu justifier une suspension.
Au final, les associations sont donc déboutées. Elles sont toutes condamnées aux dépens ainsi qu’à verser 2 500 euros à l’État et autant à Microsoft au titre de l’article 700 du code de procédure civile. Contacté, Jean-Baptiste Soufron n’exclut pas la possibilité d’agir au fond. Une réunion sera prochainement organisée avec les associations pour connaître les suites du feuilleton. Seul petit détail : si jugement il y a, il sera rendu après la fin de ce partenariat.