Amnesty International et l’ACLU ont ouvert une pétition pour demander à Barack Obama d’accorder son pardon à Edward Snowden. Le lanceur d’alerte vit maintenant depuis deux ans environ en Russie, d’où il continue à intervenir sur l’état du renseignement dans le monde et sur la vie privée.
Cette pétition vise à recueillir au moins 60 000 signatures. Amnesty International et l’American Civil Liberties Union sont deux puissantes associations de défense des libertés civiles, qui comptent sans doute sur ce statut pour attirer les foules. L’objectif est de montrer au président américain que « les Américains soutiennent Snowden ».
L'élément déclencheur
L’explication de cette pétition tient dans le statut très particulier du lanceur d’alertes depuis ses premières actions en 2013. Pour rappel, il avait dérobé des dizaines de milliers de documents à la NSA quand il y intervenait en tant que prestataire. Ces données, classifiées pour l’essentiel, avaient été emportées sur une simple clé USB, provoquant chez l’agence une révision complète de la sécurité autour de ses serveurs.
Par la suite, Snowden avait communiqué tout ou partie de ces informations à quelques journaux triés sur le volet, dont Der Spiegel, le Washington Post ou encore plus tard le New York Times. Les articles qui ont suivi ont provoqué une vaste remise en question du renseignement – en particulier avec le programme Prism – et surtout une chute drastique de la confiance des utilisateurs dans les solutions de type cloud. Des éléments qui participent directement aux négociations très tendues autour du Privacy Shield avec les États-Unis.
Héros national ou traître ?
Outre-Atlantique, le statut d’Edward Snowden fait l’objet d’opinions très tranchées. Au sein du public, certains le considèrent comme un héros patriote qui a permis de mettre en lumière les errances d’un renseignement devenu trop puissant dans le sillage des attentats du 11 septembre. Pour d’autres, il est tout simplement un traitre qui a nui directement à la sécurité des États-Unis.
Depuis, Snowden vit en Russie, où il a obtenu l’asile politique. Il a abordé plusieurs fois la question d’un éventuel retour. Mais la réponse est toujours la même : il reviendra aux États-Unis si le gouvernement américain s’engage à lui faire un procès civil disposant d’un jury. Par opposition à l’idée actuelle qui est d’imposer un tribunal militaire, où sa condamnation pour trahison ne ferait aucun doute.
60 000 signatures, une goutte d'eau
Pour l’ACLU, « si des dizaines de milliers d’entre nous nous unissons pour délivrer un même message, nous avons une vraie chance de le ramener à la maison ». Pour soutenir le mouvement, les deux associations ont ouvert un site, PardonSnowden.org, sur lequel on ne peut pour l’instant pas se rendre si l’on ne possède pas les bons identifiants. On ne sait pas donc à l’heure actuelle quel type d’information il est censé véhiculer.
La question est bien entendu de savoir si cette initiative a des chances de réussir. En théorie comme en pratique, on peut y répondre : assez peu. Du point de vue du gouvernement américain et de la NSA, Edward Snowden est un traitre. L’intégralité de la ligne de défense après ses révélations était claire : montrer que les programmes mis en place fonctionnaient, et répéter ad nauseam qu’une telle diffusion de ces informations portait atteinte à la sécurité nationale, jusqu’à mettre des vies en danger. Et ce alors qu’aucun nom n’a jamais transité dans un article, à la demande expresse de Snowden qui ne souhaitait pas réitérer l’affaire des câbles diplomatiques de WikiLeaks.
Les chances sont minces
Il y a peu de chances que Barack Obama s’émeuve d’une telle pétition. Si le chef d’État devait accorder son pardon aujourd’hui, cela reviendrait à avouer que le lanceur d’alerte avait raison. Un tel aveu cadrerait assez mal avec un monde du renseignement qui n’a de cesse de justifier que les budgets colossaux lui étant attribués sont parfaitement justifiés.
Reste que la pétition est en théorie ouverte à tous, même si elle est faite prioritairement pour les Américains. Elle est hébergée sur le site de l’ACLU et a dépassé, à l’heure où nous écrivons ces lignes, les 57 000 signatures.