Aux yeux de l’avocat général de la Cour de justice de l’Union européenne, « rien » ne justifie une invalidation de la directive relative aux taux réduits de TVA. L'intéressée reconnaît pourtant l'inégalité de traitement qui règne entre livres numériques et ouvrages au format papier.
Les conclusions de l’avocat général ne prédisent en rien la décision qui sera rendue (probablement dans quelques mois) par les juges, mais elles fournissent malgré tout une première grille de lecture. Voilà plus d’un an, la Cour constitutionnelle polonaise a soumis deux questions préjudicielles à la CJUE, concernant la directive relative aux taux réduits de TVA. Avec une interrogation principale : le traitement privilégié dont bénéficient les livres au format papier doit-il être étendu aux ebooks ?
Le problème est effectivement loin d’être nouveau. Les ouvrages traditionnels peuvent se voir appliquer une TVA à taux réduit (de 5,5 % en France), tandis que ceux publiés au format électronique doivent être taxés à un taux normal (20 %). Pour certains, cette situation est tout simplement synonyme de violation des principes de neutralité fiscale et d’égalité de traitement. Et pour cause, pour un même livre, le taux de TVA est susceptible d’être différent selon que son acheteur l’acquiert sous forme traditionnelle ou dématérialisée.
Une inégalité de traitement « actuellement justifiée »
Toutefois, aux yeux de l’avocat général de la CJUE, Juliane Kokott, cette distinction opérée par la législation européenne serait parfaitement valide sur un plan juridique. Pourquoi ? Parce que cette inégalité de traitement est selon elle « actuellement justifiée ». « Le fait qu’un tel système d’imposition spécifique puisse être nécessaire découle de la situation particulière des services fournis par voie électronique qui, par comparaison avec le commerce de biens classiques, peuvent traverser les frontières pratiquement sans aucun effort et ne requièrent de surcroît qu’une présence physique minimale, ce qui rend l’intervention des services fiscaux nationaux plus difficile » soutient-elle.
Autre argument : « Les frais de distribution par voie électronique sont beaucoup plus faibles que ceux de la distribution classique de biens. Par conséquent, les livres numériques transmis par voie électronique peuvent généralement être proposés à un prix inférieur à ceux qui sont fournis sur un support physique, même s’ils sont soumis à un taux plus élevé de TVA. »
Vers un alignement des taux de TVA pour ebooks et livres traditionnels
« L’adaptation [de la directive] à l’évolution technologique n’a pas été complète », reconnaît néanmoins Juliane Kokott. L’avocat général de la CJUE souligne toutefois que l’exécutif européen a régulièrement envisagé de réexaminer la pertinence de ces règles fiscales. L’annonce d’un alignement au bénéfice des publications en ligne (livres et journaux) semble d’ailleurs avoir pesé dans la balance, la Commission ayant promis d’intégrer cette réforme dans un projet de directive attendu pour la fin de l’année.
L’avocat général ne voit en fin de compte aucun élément « susceptible de remettre en cause la validité [de la directive sur les taux réduit de TVA », pas même les vices de forme soulevés par la Cour constitutionnelle polonaise.