Les injures et diffamations toujours en ligne pourraient être attaquées (presque) indéfiniment

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Droit 3 min
Les injures et diffamations toujours en ligne pourraient être attaquées (presque) indéfiniment
Crédits : Marc Rees (licence CC-BY-SA 3.0)

Dans le cadre du projet de loi sur l’égalité et la citoyenneté, Thani Mohamed Soilihi (PS), le vice-président de la commission des lois du Sénat, Alain Richard (PS) et François Pillet (LR) veulent revoir le régime de la prescription en ligne pour tenir compte des spécificités d’Internet.

Début juillet, François Pillet et Thani Mohamed Soilihi, respectivement sénateurs du Cher et de Mayotte ont dévoilé les conclusions de leur mission d’information sur la liberté de la presse à l’épreuve d’Internet. Dans la nasse, ils proposent l’instauration d’un droit à réparation civile en matière de presse, un droit de réponse en ligne revu et corrigé, mais surtout une modification des règles de prescription, toujours en matière d’injure et de diffamation.

Techniquement, il s’agirait de s’attaquer au point de départ fixé aujourd’hui à partir de la date de publication du message litigieux (l’article 65 de la loi de 1881). Dans leur rapport, ces élus regrettent en effet que « la prescription de l'action publique [puisse] être acquise alors même que l'écrit est toujours en ligne ». Et pour cause, « sur Internet, le passé, c'est le présent permanent ! » râle leur collègue François Zochhetto (UDI).

Deux amendements pour revoir le point de départ de la prescription

Près de deux mois plus tard, les deux compères, rejoints par Alain Richard veulent passer des écrits à l’acte. Ils ont déposé des amendements identiques (202 et 267) au sein de la commission spéciale, celle chargée d’examiner le projet de loi sur l’égalité et la citoyenneté.

L’idée, donc ? Faire débuter le délai « à compter de la date à laquelle cesse la mise à disposition du public du message » susceptible de déclencher l’action publique ou l’action civile. Sachant que cette prescription est en principe de trois mois, voire un an pour les délits de ce type commis en raison du sexe, de l’orientation ou de l’identité sexuelle ou du handicap. 

Les élus s’inspirent du régime des infractions dites continues, où la prescription débute dès que l’infraction cesse. Avec une précision : ce mécanisme ne vaudrait que pour les messages publiés en ligne, non ceux reproduits sur support papier, puisque le cas échéant, on reviendrait en effet à la règle actuelle. Les journaux traditionnels peuvent donc souffler.

Un pari à la porte du Conseil constitutionnel

À supposer que ces amendements soient finalement adoptés, quelles seraient les chances de conformité à la Constitution ? En 2004, le Conseil constitutionnel avait déjà censuré une disposition similaire accrochée au projet de loi sur la confiance dans l’économie numérique. Le juge suprême n'avait pas totalement fermé la porte, considérant que « par elle-même, la prise en compte de différences dans les conditions d'accessibilité d'un message dans le temps, selon qu'il est publié sur un support papier ou qu'il est disponible sur un support informatique, n'est pas contraire au principe d'égalité ».

Douze ans plus tard, avec l’explosion des réseaux sociaux et la démocratisation de l’outil informatique, les trois sénateurs parient sur une évolution de la sensibilité rue de Montpensier. Si ce pari est gagné, les effets seront rugueux : toute victime pourrait faire condamner celui qui a déversé sa bile dans un message toujours accessible des années après sa mise en ligne.

Mohamed Soilihi, Richard et Pillet ont déposé d’autres amendements. Dans le n°200 et 265, ils veulent par exemple « supprimer l’automaticité de la fin des poursuites en cas de désistement du plaignant », toujours pour les infractions de presse. Une mesure suggérée également par le rapport de juillet dernier.

Après examen en commission, le texte sera discuté en séance publique les 4, 5 et 6 octobre 2016.

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