« Taxe » sur les moteurs de recherche d’images : ça se précise

Joe le taxé
Droit 5 min
« Taxe » sur les moteurs de recherche d’images : ça se précise
Crédits : Google Images

La France devrait avoir sa « taxe » sur les moteurs de recherche d’images d’ici le début 2017. Le décret d’application de cette redevance au profit des sociétés de gestion collective est en effet dans les tuyaux.

Le ministère de la Culture semble bien plus pressé de prendre le décret d’application de l’article 30 de la récente loi sur la Création (publiée le 8 juillet au Journal officiel) que celui visant à l’indemnisation des FAI dans le cadre de la riposte graduée – ce qui lui vaut d’ailleurs d’avoir à payer une astreinte de 100 euros par jour. Le gouvernement a notifié hier à la Commission européenne son projet de décret relatif à la future « Taxe Google Images », qui visera en réalité bien d’autres services que celui du géant de l’internet.

Plus exactement, c’est une redevance sur les moteurs de recherche d’ « œuvres d'art plastiques, graphiques ou photographiques » qui se prépare Rue de Valois. Ses fruits iront d'abord dans les caisses des sociétés de gestion collective des droits d’auteur (de type SPRD) pour ensuite être répartis entre leurs affiliés, déduction faite des inévitables frais d’intermédiation.

Le texte s’applique à tout site « dans le cadre duquel sont reproduites et mises à la disposition du public, à des fins d'indexation et de référencement, des œuvres d'art plastiques, graphiques ou photographiques collectées de manière automatisée à partir de services de communication au public en ligne ». Autant dire que son périmètre est extrêmement large : Google, Qwant, Bing devraient notamment être impactés.

Une image publiée = mise en gestion collective

Là où le bât blesse, c’est que la publication d’une œuvre en ligne emportera automatiquement la mise en gestion, au profit d’une société de gestion collective, du droit de reproduire et représenter cette œuvre dans les moteurs. « C’est scandaleux, c’est fou ! » réagissait dans nos colonnes Nathalie Martin, la directrice exécutive de Wikimédia France. « Les sociétés de perception et de répartition des droits sont arrivées à annihiler complètement ce que pouvaient permettre les licences Creative Commons. Désormais, toute image apportera quelque chose à ces sociétés, sans même respecter le désir et le droit de l’auteur de décider de l’utilisation de son image. »

Conventions entre sociétés de gestion et moteurs

Mais quel sera le montant payé par les moteurs pour les millions d’images – libres ou non – référencées quotidiennement par les moteurs ? Impossible de le savoir pour l’instant. Et pour cause, les sociétés de gestion collective devront conclure avec les moteurs des conventions destinées à chiffrer les montants qu’elles percevront, à partir des recettes d’exploitation. À défaut (par exemple, un moteur dont les pages images seraient sans publicités), ces montants seront évalués forfaitairement. C’est une autre convention entre les sociétés de gestion collective et « les organisations représentant les exploitants des services automatisés de référencement d'images » qui fixera le barème et les modalités de versement de la redevance.

C’est là qu’intervient le projet de décret transmis hier à la Commission européenne : il fixe les modalités de désignation des sociétés agréées qui pourront conclure ces fameuses conventions et en récupérer les fruits... N’importe qui ne pourra pas entrer dans la danse puisqu’il faudra déposer un dossier attestant par exemple « de la diversité de ses associés à raison des catégories et du nombre des ayants droit », ou bien encore des « moyens mis en œuvre afin d’identifier et de retrouver les auteurs aux fins de répartir les sommes perçues ». C’est le ministère de la Culture qui décidera d’accorder (ou non) un agrément, lequel sera en principe valable pour cinq ans renouvelables.

Le texte concocté par la Rue de Valois précise surtout ce qu’il se passera dès lors qu’un auteur n’a désigné aucune société de perception et de répartition des droits pour le représenter (ce qui risque d’être ultra-fréquent). « L’exercice du droit d’autoriser la reproduction et la représentation de cette œuvre dans le cadre de services automatisés de référencement d’images est confié à la société réunissant le plus grand nombre d’œuvres gérées », indique le projet de décret. Autrement dit, les plus grandes organisations d’ayants droit vont pouvoir récolter les redevances perçues au titre des auteurs inconnus.

Manque de transparence

Dès que l’exécutif aura officiellement publié son décret au Journal officiel, les parties auront six mois pour conclure ces conventions. À défaut d’accord, le barème et les modalités de versement de la future « Taxe Google Images » seront arrêtés par une commission inspirée de la Commission copie privée. On y retrouvera en ce sens des représentants des deux camps en nombre égal.

Le président (« représentant de l’État ») et les membres de la commission, ainsi que les suppléants, seront désignés pour trois ans, poursuit le projet de décret. Celui-ci ne laisse cependant guère de place à la transparence... « Les séances de la commission ne sont pas publiques » est-il ainsi prévu. Seules ses décisions – et donc les barèmes – devront être publiées au Journal officiel, mais pas son règlement intérieur, par exemple. Ainsi, nulle question de publier un quelconque rapport annuel ou d’assurer une publicité des débats, tout se fera sous le sceau du secret. Les membres se verront même astreints à une « obligation de discrétion à raison des pièces, documents et informations dont ils ont eu connaissance ».

ministère culture valois

Curieusement, le texte préparé par le ministère de la Culture ne fait pas référence au nombre de membres siégeant dans cette nouvelle commission. Rien n'est non plus précisé concernant les représentants des moteurs, qu’on imagine pourtant très nombreux au regard de la largesse de la loi Création... Bref, on peut craindre une mécanique aux rouages explosifs.

La notification de ce projet de décret ouvrant une période dite de statu quo, durant laquelle la Commission et les États membres pourront émettre des réserves sur la copie française, aucune publication au Journal officiel n’aura lieu avant le 6 décembre.

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