Depuis ce matin, la SNCF s’attire les foudres de nombreux internautes. En cause : les soi-disant « conditions d’utilisation » du hashtag #ONYVA, qui s’imposeraient à en croire ce texte à chaque utilisateur d’Instagram... Explications.
« Désormais sur Voyages-sncf.com la parole est à vous alors envoyez-nous vos plus belles photos de voyage et, qui sait, vos clichés seront peut être sélectionnés par nos équipes ! » L’opération #ONYVA est loin d’être récente, ni même originale. L’idée : pousser les internautes à partager, via Instagram, des photos prises au cours de leurs voyages (si possible effectués en train).
Jusque là, rien de bien extraordinaire... Sauf qu’en se plongeant sur la page dédiée à cette initiative de la filiale de la SNCF, on découvre que des « conditions d’utilisation » (sic) sont censées s’appliquer suite à l’utilisation du fameux hashtag. « EN UTILISANT LE HASHTAG #ONYVA (...), J’ACCEPTE LES CONDITIONS D’UTILISATION DEFINIES CI-APRES. SI JE N’ACCEPTE PAS CES CONDITIONS, VOYAGES-SNCF.COM ME DEMANDE DE NE PAS UTILISER CE HASHTAG » prévient ainsi l’entreprise (PDF).
Voyages-SNCF.com considère que tout recours au fameux hashtag l’autorise automatiquement à utiliser les photos publiées par les utilisateurs d’Instagram, « à en adapter la taille ou le format », voire « à créer des œuvres dérivées » pour illustrer son site www.voyages-sncf.com. « Dans l’hypothèse où je suis présent sur mes photos, j’autorise [Voyages-SNCF.com] à diffuser mon image ainsi que l’ensemble de mon identité (prénom, nom, pseudo) », poursuit le document. Cette autorisation est « consentie à titre gracieux, pour le monde entier, pour une durée de cinq ans ».
« À tout moment, je peux demander le retrait de mes photos du site, pour quelque motif que ce soit » est-il néanmoins indiqué, la société s’engageant à procéder au nettoyage sous cinq jours.
« Panthéon du Copyright Madness »
La découverte de ces dispositions a suscité beaucoup d’agitation sur Twitter. Certains y voient en effet un nouveau cas d’utilisation abusive du droit d’auteur, la filiale de la SNCF s’étant en quelque sorte appropriée le hasthtag #ONYVA. « On est manifestement en présence d’un grand n’importe quoi », analyse le juriste Lionel Morel, alias Calimaq (voir son billet). « Les règlements des concours photo sont assez régulièrement dénoncés pour comporter des clauses abusives, mais celui-ci mérite d’entrer au panthéon du #CopyrightMadness ».
Pour lui, ces dispositions n’ont tout simplement aucune validité sur le plan juridique. « Il existe en effet en droit français des principes protecteurs concernant la cession des droits d’auteur sur une œuvre. Ils s’expriment en un formalisme particulier qui va permettre d’établir que l’auteur a bien consenti à l’usage demandé et que la cession sera précisément délimitée. » Le plus gros hic concerne justement le consentement de l’internaute, qui n’a pas forcément conscience de l’existence de ces « conditions d’utilisation » s’il n’a pas parcouru avec la plus grande attention le site de Voyages-SNCF.com. Imaginons au passage quelqu’un qui utilise le hashtag #ONYVA dans un tout autre contexte, sans avoir connaissance de l’opération menée par la SNCF...
Privatisation et appropriation des communs, épisode 234. https://t.co/9mS92kib3U
— Laurent Chemla (@laurentchemla) 26 août 2016
@paul_denton Tout simplement parce que l'acceptation d'un contrat doit être univoque. L'usage d'un hashtag ne l'est pas. @SNCF @Calimaq
— Maitre Eolas ✏️ (@Maitre_Eolas) 26 août 2016
« On n'utilise pas de photo sans l'autorisation de son auteur »
Contactée par nos soins, la société Voyages-SNCF.com se veut rassurante : « On n'utilise pas de photo sans l'autorisation de son auteur. C'est un principe de base. » Avant de publier une image, l’entreprise contacterait individuellement chaque internaute afin de lui demander son feu vert. « Si la personne accepte, là, on utilise sa photo. Si elle ne répond pas ou qu'elle refuse, il n'est absolument pas question d'utiliser sa photo » nous explique-t-on. Ces conditions d'utilisation ne s'appliqueraient ainsi uniquement qu'en cas d'accord de l'auteur.
La filiale ne reconnaît pas explicitement de maladresse, mais laisse entrevoir une éventuelle révision de son texte : « S'il y a des formules qui sont sujettes à erreur d'interprétation, on pourra les revoir. » Son service juridique serait déjà à pied d'oeuvre.