L’Intérieur avait fait appel d’une ordonnance du juge des référés de Lille qui avait refusé d’autoriser l’exploitation d’un stock de données informatiques (un PC portable ACER, un iPhone, deux clefs USB de 16 Go, deux cartes SD de 512 Mo et 8 Go). Il a obtenu gain de cause devant le Conseil d’État.
Depuis la dernière loi de prorogation de l’état d’urgence, la police administrative est à nouveau autorisée à exploiter les données informatiques glanées dans les lieux possiblement fréquentés « par une personne dont le comportement constitue une menace pour la sécurité et l’ordre publics ». Cette possibilité ouverte après les attentats du Bataclan avait été sanctionnée par le Conseil constitutionnel car mal bornée sur le terrain des libertés. La loi du 21 juillet 2016 a donc corrigé le tir avec une procédure qui fait intervenir le juge administratif.
Le régime des perquisitions et saisies informatiques lors de l'état d'urgence
Comme initialement, sur autorisation du préfet, les forces de l’ordre peuvent aujourd’hui accéder, aux données stockées dans un système informatique trouvé sur place, ou dans le cloud, « dès lors que ces données sont accessibles ». Et « si la perquisition révèle l'existence d'éléments, notamment informatiques, relatifs à la menace que constitue pour la sécurité et l'ordre public le comportement de la personne concernée », elles peuvent à nouveau être saisies, notamment par copies.
Toutefois, leur exploitation ne peut plus se faire dans le silence feutré des bureaux de la police administrative. Elle est désormais conditionnée à l’autorisation du juge des référés du tribunal administratif qui doit statuer dans un délai très court, quarante-huit heures. Son autorisation est limitée dans le temps, mais en cas de difficulté d’accès – on pense en particulier aux documents chiffrés – une prorogation peut être obtenue du même juge. On pourra revoir dans le détail cette procédure dans notre actualité.
Des liens avec des jeunes partis en Syrie, des propos tenus sur Internet
Que s’est-il passé dans la présente affaire ? Le juge des référés de Lille n’a pas suivi l’analyse du préfet selon laquelle la saisie était justifiée par « au regard des éléments révélés par la perquisition et relatifs à la menace que constitue le comportement de M. A... pour la sécurité et l’ordre publics ». Devant le Conseil d’État, juridiction d’appel, le ministre de l’Intérieur est revenu à la charge : « il ne peut être reproché à l’autorité administrative de ne pas être en mesure de détailler le contenu des fichiers présents dans l’ordinateur alors que l’objet de la saisine du juge des référés (…) a pour objet d’obtenir l’autorisation d’exploiter les données copiées ou saisies ».
En particulier, dans l’arrêt diffusé ci-dessous, on découvre que la personne concernée, habitant Roubaix, avait noué des liens « avec un groupe de jeunes de [la même ville] partis en Syrie pour intégrer les rangs des combattants djihadistes ». Autre chose, il a tenu des « propos » sur Internet qui ont visiblement justifié eux aussi la perquisition.
Des communications via « des messageries instantanées ou cryptées »
Lors de la perquisition, l’intéressé a lui-même reconnu « être resté en contact avec quatre amis de Roubaix, qu’il a nommément désignés, partis en Syrie et en Irak pour y mener le djihad ». De plus, « il a indiqué communiquer avec eux au moyen de son téléphone portable, en usant notamment de messageries instantanées ou cryptées ».
Aux yeux du Conseil d’État, ces éléments ont été suffisamment épais pour justifier « que soit accordée l’autorisation d’exploiter les données contenues dans les supports informatiques saisis ». Pour la haute juridiction, en effet, peu importe « qu’aucun objet permettant l’ouverture d’une procédure judiciaire n’a été découvert au cours de la perquisition et qu’une première consultation des données informatiques, auxquelles il a pu être accédé au cours de la perquisition avec l’accord de l’intéressé, n’a (…) fait ressortir d’éléments en rapport avec la menace pour la sécurité et l’ordre public ayant motivé la perquisition ».
Dernier détail : lors de l'audience, le principal intéressé lui-même ne s'était pas opposé à l'exploitation de ses équipements informatiques.