Uber : la justice américaine invalide le projet d’accord sur le statut des chauffeurs

Uber : la justice américaine invalide le projet d’accord sur le statut des chauffeurs

Un froid sur les chauffeurs

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Marc Rees

Publié dans

Droit

19/08/2016 4 minutes
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Uber : la justice américaine invalide le projet d’accord sur le statut des chauffeurs

Uber qui tentait d’éteindre une action collective lancée par une armée de chauffeurs indépendants en Californie et dans le Massachusetts va devoir renégocier. Un juge vient en effet d'estimer non équitable le projet d'accord signé voilà quelques mois.

En avril dernier, Uber avait proposé un pacte avec des milliers de chauffeurs. Ceux-ci militaient pour voir requalifié leur lien avec l’entreprise américaine en contrat de travail. En face, le géant leur a proposé plutôt un chèque global de 100 millions de dollars. Une somme qu’il espérait suffisante pour décontaminer cette procédure venimeuse pour son modèle économique, tout calculé pour une flottille d’indépendants cravatés.

Ni juste, ni équitable, ni raisonnable

Sauf que, patatras, un mauvais virage a fait sauter une bielle. En cause, un juge de district a considéré, dans une décision relevée notamment par Ars Technica, que l’accord n’était en rien « juste, équitable et raisonnable ». Face aux 100 millions de dollars consentis par Uber et la promesse d'un meilleur dialogue social, les plaignants ont calculé un montant huit fois plus généreux : 854,4 millions de dollars, tenant compte notamment des frais supportés (carburant, etc.) outre les heures supplémentaires.

Ce montant est même dix fois plus élevé puisque sur les 100 millions, seuls 84 millions de dollars étaient assurés. Les 16 autres n’auraient été versés que si l’entreprise parvenait à dépasser certains seuils boursiers à Wall Street. Le juge a également souligné que malgré l’accord, Uber aurait conservé un « contrôle substantiel sur la capacité d’un conducteur à accepter ou refuser une course ».

Bref, cette class action concerne 385 0000 chauffeurs installés en Californie et dans le Massachusetts reprend donc le chemin d’une procédure au fond, où le verdict pourrait dépasser le milliard de dollars selon le juge Chen (page 31 du jugement). L’entreprise soutenue par Google Ventures conserve une dernière chance avant d’entamer ce lourd combat judiciaire : une nouvelle audience prévue dans un mois. « L'accord amiable, validé par les deux parties, était juste et raisonnable. Nous sommes déçus par cette décision et nous étudions nos options » a réagi sobrement Uber depuis sa voie de garage. 

Du rêve au cauchemar

En France, l’Urssaf tente aussi de requalifier ces indépendants en salariés, flairant un lien de subordination avec l’entreprise. Deux procédures ont été engagées en ce sens, l’une devant le tribunal des affaires de la sécurité sociale (TASS), l’autre au pénal pour travail dissimulé.

Selon Jean-Marie Guerra, directeur de la réglementation, du recouvrement et du service de l’Acoss (Agence centrale des organismes de Sécurité sociale), « c’est Uber qui recrute, qui forme, la commission est plafonnée, ils prennent un pourcentage dessus, la course n’est pas libre, les chauffeurs doivent rendre des comptes... Toute une série d’éléments montrent que le salarié travaille bien dans le cadre d’un service organisé par Uber pour le compte de l’ensemble des chauffeurs. Et sur le plan pénal, il s’agit bien d’un montage : Uber a intentionnellement organisé une forme de détournement de statut ».

Ce dossier est actuellement dans les mains de la justice, avec des décisions espérées dans plusieurs mois, voire eu delà. Ajoutons que la loi fameuse loi Travail (l’article 60) a prévu un coup de pouce pour certains conducteurs, à savoir une responsabilité sociale des plateformes « de mise en relation par voie électronique ». Pour les seuls travailleurs indépendants dépassant un seuil de chiffre d’affaires (fixé dans un prochain décret), les plateformes concernées devront prendre en charge les cotisations en matière d’accident du travail et de formation, outre les frais liés à la validation des acquis de l’expérience (VAE).

Pour s’éloigner de toutes ces tracasseries, Uber pourra se consoler en scrutant l’avenir. Et spécialement son expérimentation avec Volvo d’une petite flotte de véhicules autonomes lâchés dans les rues de Pittsburgh. Bonne nouvelle en effet pour la belle américaine : les motorisations n’auront soif que de carburant, et pas d’une goutte de droit social.

Écrit par Marc Rees

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Sommaire de l'article

Introduction

Ni juste, ni équitable, ni raisonnable

Du rêve au cauchemar

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Commentaires (35)


Le pourcentage sur la course peut faire basculer sur un travail? Si oui c’est mal partit pour blabla car, ebay et bien d’autres services de mise en relation.


non pas suffisant, il faut aussi justifier d’un lien de subordination, ce qui est le cas de Uber, mais aussi foodora/deliveroo/takeeateasy     


Très bonne nouvelle&nbsp;<img data-src=" />


« il y a un contrat de travail quand une personne s’engage à travailler pour le compte et sous la direction d’une autre moyennant rémunération » (arrêt de 1954 de la Cour de cassation).


Pour rémunération il faudrait pas que le client paie uber directement et que le chauffeur soit payé par uber?


c’est le cas ^^ tu paies jamais un chauffeur uber en cash il me semble


Belle conclusion. <img data-src=" />


Et pour la conclusion, ils s’en éloigneront mais le service risque de couter beaucoup plus chères vu que c’est eux qui devront acheter/assurer/entretenir les véhicules ce qu’ils ne font actuellement pas si je ne me trompe pas


C’est un facteur parmi d’autres.



Il y a quand même une différence entre les situations où




  • Le chauffeur dit à Uber: “je suis dispo”. Le client dit “Je veux aller de là à là, à telle heure”. Uber dit au chauffeur “OK, tu vas là à telle heure, tu prends le client, pour tel prix”

  • Le chauffeur dit à Blablacar (similaire à eBay): “Je vais de là à là, à telle heure, je prends des passagers pour tel prix”. Le client cherche un trajet sur Blablacar, et Blablacar lui dit “tel chauffeur va de là à là, à telle heure, pour tel prix”. Le client dit à Blablacar “je voudrais bien y aller”. Blablacar dit au chauffeur “Machin veut vous joindre”. Le chauffeur dit à Blablacar “OK, j’accepte”.



    C’est très très différent, et les prix sont différents aussi. <img data-src=" />

    Avec les prix proposés par défaut sur Blablacar quand tu proposes 3 places, il faut prendre environ 2 à 2.5 passagers pour ne serait-ce que rentrer dans tes frais “directs” (péage, essence, je ne parle pas d’amortir le véhicule ou de payer son assurance et son entretien).

    Tu imagines bien l’avenir d’Uber si c’était les mêmes prix <img data-src=" />


Même là, ça ne veut pas nécessairement dire grand chose. Sur Blablacar non plus, les passagers ne te payent pas directement. Suivant les circonstances, il y a une différence entre “se faire payer par le client, payer une rémunération” et “proposer un service de gestion électronique du payement pour faciliter les choses et prendre une commission”.



(je ne dis pas que Uber est dans le 2e cas, mais qu’il ne faut pas condamner Uber juste parce que l’argent passe par eux)


Y voir un rapport avec l’actualité uber/volvo?


INtéressant, le lien vers la Loi Travail dans l’article.








Krogoth a écrit :



Le pourcentage sur la course peut faire basculer sur un travail? Si oui c’est mal partit pour blabla car, ebay et bien d’autres services de mise en relation.





Il y a beaucoup plus qu’un pourcentage. Uber accepte ou refuse les chauffeurs (recrute donc), fixe les trajets, les prix, etc… Le&nbsp; chauffeur n’indique que qu’il est disponible de telle heure à telle heure.



Il y a réellement un lien de subordination d’Uber vers le chauffeur.



Uber n’est pas un service de mise en relation, mais un service de mise à disposition ;)









night57200 a écrit :



Même là, ça ne veut pas nécessairement dire grand chose. Sur Blablacar non plus, les passagers ne te payent pas directement. Suivant les circonstances, il y a une différence entre “se faire payer par le client, payer une rémunération” et “proposer un service de gestion électronique du payement pour faciliter les choses et prendre une commission”.



(je ne dis pas que Uber est dans le 2e cas, mais qu’il ne faut pas condamner Uber juste parce que l’argent passe par eux)





Explique nous, où est le lien de subordination sur blablacar ? <img data-src=" />

Et blablacar ce n’est pas un métier et générer des revenus est interdit, ça doit juste couvrir les frais.









MarcRees a écrit :



« il y a un contrat de travail quand une personne s’engage à travailler pour le compte et sous la direction d’une autre moyennant rémunération » (arrêt de 1954 de la Cour de cassation).







Va falloir requalifier les contrats de gens envoyés par les agences d’intérim et par beaucoup de SS2I. Et aussi ceux inscrits à pôle emploi (rémunération contre “recherche active”).



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Dans les deux premiers cas, le salarié travaille pour le compte de et est rémunéré par l’agence d’intérim ou la SS2I, et dans le troisième cas il y a indemnisation et non rémunération donc tout va bien !



<img data-src=" />


Dans le cas des prestataires en régie dans les SSII, il y a toujours une frontière très floue… L’activité est à la limite du délit de marchandage en fait.



Perso sur mon ordre de mission (une denrée rare en SSII <img data-src=" /> ) il est bien indiqué que je ne suis pas subordonné au client. La frontière est dépassée à partir du moment où le prestataire se sent réellement sous les ordres du client et non de sa société. Par exemple, ses demandes de congés sont validées par le client, ses tâches sont ordonnées par le client, etc.



En gros c’est un exercice assez difficile pour ne pas tomber du mauvais côté. Et le problème est aussi que les SSII ont tendance à jouer les carpettes devant les clients du moment que c’est facturé… Donc l’employé est souvent pris en sandwich.



Perso, je suis un gros connard procédurier et j’ai la sale tendance à mettre les responsables devant leurs responsabilités. C’est fou ce que ça les emmerde. <img data-src=" />



Par contre, si encore c’est assez “facile” d’être couvert quand on est en SSII (c’est elle qui fait la relation client après tout), dans le cas des freelance c’est difficile de ne pas finir en “CDI déguisé”.


Tout ce que je voulais dire et qu’il est difficile de faire rentrer ce nouveau secteur d’activité (ubersiation) dans le cadre légal actuel. Et forcer l’interprétation patron/salarié pour Uber, ca amène a se re-questionner sur d’autres secteurs plus ou moins similaires.



On pourrait aussi voir Uber comme un organisateur de marché privé, un peu à la manière d’un propriétaire de galerie marchande: il loue des “emplacements” a des “contractants” qui font du business avec des “clients”.



il y a plein d’autres analogies possibles qui ne sont ni mieux/ni pire que celle patron/salarié.


Pour moi, Uber c’est une franchise, sauf que ce n’est pas une franchise commerciale stricto sensu, ça concerne un métier d’artisan (chauffeur de transport de voyageurs - pas un métier de commerçant).


D’ailleurs, si cette affaire “Uber” pouvait permettre une remise en question du statut de la franchise commerciale - très développée et correspondant à un système d’enseigne très libéral et très dirigiste en France depuis très longtemps - ça ne serait que bénéfique pour les petits commerçants concernés.


Les tribunaux sont sans pitié, depuis longtemps, avec ceux qui font travailler des “indépendants” sans les salarier, tout en les maintenant dans un lien de subordination très fort. En l’occurence Uber fixe les prix des courses, assigne les courses, et fixe des critères tels que les chauffeurs n’auront à mon avis aucun mal à prouver la subordination, et donc le contrat de travail qui les unit à Uber. L’avenir nous le dira, mais je serais TRèS étonné que les contrats ne soient pas requalifiés.&nbsp; (pour les taxis, ce n’est pas pareil, les tarifs sont fixés par l’administration et le chauffeur paie la centrale radio pour obtenir des clients).


Il n’y en a pas, c’est justement ce que je voulais dire, le fait qu’on ne paye pas directement le chauffeur n’est pas nécessairement un signe d’un lien de subordination ;)








night57200 a écrit :



Il n’y en a pas, c’est justement ce que je voulais dire, le fait qu’on ne paye pas directement le chauffeur n’est pas nécessairement un signe d’un lien de subordination

&nbsp;&nbsp;





Ha au temps pour moi, j’ai lu trop vite les commentaires <img data-src=" />

&nbsp;

Quel argument franchement&nbsp;<img data-src=" />

&nbsp;

&nbsp;



Si le chauffeur indépendant, n’a que Uber comme “client” le lien de subordination est forcement établi


Ce n’est pas Uber le client du chauffeur, mais celui qui monte dans son véhicule.


Clairement, le modèle Uber prendra son envol qd ils se seront débarrassés des chauffeurs d ici 10-15 ans avec les véhicules autonomes. En espérant une vraie concurrence, on aurait alors une vraie réponse au pb de congestion des villes.


Et voila comment on gère simplement un abus de la part d’UBER….. pas besoin de nos grèves pourries, insultes des taxis, bagarres de rues, agitations vaines de politiciens incompétents, “cetaitmieuxavant”….&nbsp;et j’en passe…..

&nbsp;


une dizaine de personnes font travailler la moitie du monde et encaissent &nbsp;des royalties &nbsp;pas beaux le progrès&nbsp;








EricB a écrit :



Clairement, le modèle Uber prendra son envol qd ils se seront débarrassés des chauffeurs d ici 10-15 ans avec les véhicules autonomes. En espérant une vraie concurrence, on aurait alors une vraie réponse au pb de congestion des villes.





C’est sur qu’une fois que tout sera automatisé et que 20% des gens auront un travail tu n’auras plus de problème de congestion lié à tout ces #* !=#^%~& qui prennent leur voiture pour aller au travail.



Tu te trompes, celui qui monte dans la voiture est le client d’Uber pas celui du chauffeur.



Le chauffeur "facture" ses courses à Uber.     



Considères le chauffeur comme un sous-traitant de Uber, ce que de fait il est.

Si chaque client d’Uber était celui du chauffeur aucun lien de subordination ne pourrait être établi.


C’est toi qui te trompes, lis leurs CGU :



Les Services constituent une plate-forme technologique permettant aux utilisateurs des applications mobiles ou des sites Web d’Uber, qui sont fournis dans le cadre des Services (chacun desquels étant désigné « Application »), d’organiser et de planifier des déplacements et/ou des services logistiques avec des prestataires tiers indépendants desdits services, incluant en cela des prestataires tiers indépendants de services de transport et des prestataires tiers indépendants de services logistiques sous contrat avec Uber ou certains affiliés d’Uber (les « Prestataires tiers »).





Puis encore plus explicite :





Après que vous aurez reçu des biens ou des services obtenus en utilisant le Service, Uber facilitera le règlement des Frais correspondants, en agissant pour le compte du Prestataire tiers en qualité d’agent d’encaissement limité dudit Prestataire tiers. Le paiement des Frais effectué de la sorte sera considéré au même titre qu’un paiement directement effectué par vous au Prestataire tiers.











tica68 a écrit :



Si chaque client d’Uber était celui du chauffeur aucun lien de subordination ne pourrait être établi.





Tu soulignes en fait une bonne partie du problème pour établir le lien de subordination. Le chauffeur est totalement libre de ses horaires de travail ce qui va aussi à l’encontre du lien de subordination.



le Prestataire tiers = sous traitant.

les thunes ne transitent jamais directement sur le compte du chauffeur, comptablement (et donc fiscalement) Uber est le client du chauffeur qui peut aussi avoir des clients en propre.

Ce qui est “dit” dans les CGU d’Uber on s’en fout un peut, hein !! ça concerne le client qui utilise le service.

Les horaires aussi on s’en fout, si le chauffeur n’a que Uber comme seul “client” le lien de subordination est établi. Dans pleins d’autres domaines c’est aussi le cas comme pour certains auto entrepreneurs. L’URSSAF s’est fait plaisir à plusieurs reprises.

J’ai fonctionné comme ça un paquet d’années en tant que coursier “indépendant”, la société de courses me filait les courses que je lui facturait ensuite. Le client était celui de la boîte de courses pas le mien.


Si je me suis trompé, je me serais trompé avec insistance <img data-src=" />


Je suis pas le seul à parler de sous-traitants :

&nbsp;“C’est une filiale néerlandaise, Uber BV, qui s’occupe des “gros sous”, comme le révélait en octobre 2015 le magazine américain Fortune, repris par La Tribune.

Le fruit de chaque course est ensuite reversé par Uber BV à ses

sous-traitants (les chauffeurs). Ces indépendants paient ensuite leurs

impôts dans les différents pays où ils sont domiciliés. “

http://www.usine-digitale.fr/article/que-gagneraient-les-chauffeurs-d-uber-en-fr…


aux US je sais pas

mais en France, je suis certain que c’est très très limite niveau légalité et que si on avait une class action ils auraient pris cher

(pas possible aux prud’hommes, la class action “francaise” n’existe pas dans ce cadre et ne peut être délenchée que par une association de consommateur)



je suis donc très, très content de cette nouvelle, parceque Uber mérite clairement une baffe pour le remettre dans le droit chemin à ce niveau (toute considération de son service par ailleurs mise à part)



comme toutes les boites / startup qui se sont mises à embaucher des sous traitant payés 20 euros de l’heure au statut auto entrepreneur

take eat easy (mort maintenant, on a pu voir ce que ca a donné), deliveroo (pas mort mais exactement la meme chose niveau annulation de tout ce qui existe en droit du travail)





C’est sympas, avant on se plaignait des CDD. des stages rémunérés (ou pas). Mais en fait y a toujours pire… Je crois que le bénévolat est pas encore assez répandu mais on y viendra