À la demande de la GEMA, la cour régionale de Munich a reconnu l’hébergeur Uploaded.net responsable pour les contenus mis en ligne par des tiers. Elle l'a astreint en plus à un empêcher la réapparition des contenus dénoncés par les ayants droit.
Pour la justice allemande, saisie par la SACEM locale, l’intermédiaire doit ainsi faire beaucoup plus d’effort pour lutter contre la mise en ligne des contenus contrefaits. Dans une logique piquée au take down and stay down, le site ne doit pas seulement supprimer les contenus notifiés dans les formes, il doit également en empêcher la réapparition, c’est-à-dire la remise en ligne par un internaute, soulignent notamment nos confrères de TorrentFreak.
Cette ordonnance du 10 août a été saluée par la GEMA. « Leur décision confirme que les hébergeurs de fichiers jouent un rôle important dans la prolifération du piratage de la musique » a ainsi déclaré Tobias Holzmüller, avocat de la société de gestion collective, évidemment satisfait que ces intermédiaires puissent être astreints à payer des dommages et intérêts pour ces contrefaçons réalisées en ligne. La SPRD y voit ainsi un signal clair à l’égard des autres acteurs similaires.
Libération rappelle pour sa part qu’en Europe la directive sur le commerce électronique interdit aux États membres d’imposer aux prestataires « une obligation générale de surveiller les informations qu'ils transmettent ou stockent, ou une obligation générale de rechercher activement des faits ou des circonstances révélant des activités illicites ». Cette prohibition se retrouve à l'article 15-1 du texte de 2001.
Dans la lignée d'une jurisprudence européenne de 2011
Si la décision est susceptible de recours, comment donc expliquer qu’un intermédiaire, en Europe, puisse être astreint de surveiller la réapparition d’un lien une première fois dénoncé par un ayant droit, alors que le droit européen interdit le filtrage ? La piste de réponse est à rechercher du côté de la Cour de justice de l’Union européenne. Dans une affaire opposant la SABAM au FAI belge Scarlett, tranchée en 2011, la CJUE avait jugé comme disproportionné un système de filtrage
- de toutes les communications électroniques transitant par ses services, notamment par l’emploi de logiciels « peer-to-peer »;
- qui s’applique indistinctement à l’égard de toute sa clientèle;
- à titre préventif;
- à ses frais exclusifs,
- et sans limitation dans le temps
Si cette décision avait rempli de joie les partisans du partage, elle avait aussi été applaudie par l’IFPI. Car il faut se souvenir que la prohibition européenne du filtrage généralisé ne vaut que si l’ensemble de ces critères se vérifie cumulativement. Par contraste, les ayants droit ont flairé la brèche : ils ont ensute exigé devant les juridictions nationales des mesures plus chirurgicales, visant un contenu, une adresse en particulier, le tout par exemple durant un temps limité. Et de la Hadopi, lorsqu'elle présidait encore la Commission de protection des droits, Mireille Imbert-Quaretta s'était évidemment inspirée du même dossier pour préconiser plusieurs modifications législatives censées aiguiser la lutte contre le direct download et le streaming illicite.