Il n’y a pas que les forces de l’ordre qui se montrent préoccupées par le phénomène « Pokémon Go ». Trois questions écrites viennent d’être posées au gouvernement, les parlementaires profitant manifestement de leur pause estivale pour interpeller l’exécutif – et faire un peu de buzz.
« Absorbés par le jeu et ne faisant plus forcément la part des choses entre le monde réel et le monde virtuel, les joueurs sont susceptibles de s'introduire en tous lieux pour parvenir à récupérer du "bonus pokémon" », peste le député Michel Sordi, plus de deux semaines après l’arrivée de l’application Pokémon Go en France. Au travers d’une première question écrite, parue aujourd’hui au Journal officiel, l’élu Les Républicains demande au ministre de l’Intérieur de prendre des « mesures adéquates » face à ce « phénomène émergent ».
Alors que l’état d’urgence vient tout juste d’être prorogé, le parlementaire veut éviter « que des individus ne pénètrent sur des sites sensibles », que des joueurs se regroupent « en grand nombre sur la voie publique » ou s’introduisent illégalement chez des particuliers. L’exécutif se voit ainsi invité à lancer « une campagne de sensibilisation sur les méfaits de ce jeu », mais aussi – et surtout – à voir si « les sites sensibles (centrales nucléaires, sites militaires, etc.) [pourraient] être brouillés des plans de l'application ». Comme nous le signalent plusieurs lecteurs, le député semble ignorer qu'il est d'ores et déjà possible de demander le retrait d'arènes ou de PokéStops (cf ce formulaire).
La seconde question écrite de Michel Sordi est à destination de la ministre de l’Éducation nationale. L’élu suggère à Najat Vallaud-Belkacem l’organisation d’une « campagne de sensibilisation à la pratique de ce jeu pour les élèves à la rentrée scolaire 2016 ».
Face au phénomène #PokemonGO, parents de dresseurs #Pokémon, ne restez pas démunis! Restez maîtres du jeu #Vigilance pic.twitter.com/gTc9GGWU3Q
— GendarmerieNationale (@Gendarmerie) 23 juillet 2016
Entre campagne de sensibilisation des élèves et appel à légiférer
La salve se poursuit sous la plume de Vincent Ledoux. Le député (LR) du Nord soutient que le jeu Pokémon Go, « constitué d'un algorithme permettant la navigation entre les mondes réel et virtuel sur la base de transformations de la réalité par les techniques de modification, incrustation ou dissimulation », se révèle, « en l'état actuel du droit positif, confronté à un vide ou à un déficit juridique ».
« Les données à caractère personnel des joueurs font l'objet de transferts vers les serveurs américains de Nintendo, propriétaire du jeu », fait tout d’abord valoir l’élu. « Le Safe Harbor – cadre juridique permettant aux entreprises de transférer des données vers les États-Unis – auquel se réfère ce jeu, a récemment été invalidé par la Cour de justice de l'Union européenne, ne permettant donc plus un transfert légal vers ledit pays » poursuit-il. Vincent Ledoux semble cependant ignorer que d’un, le jeu a été développé par Niantic, et non par Nintendo ; de deux, que le Privacy Shield a pris depuis peu la relève du Safe Harbor...
« Le jeu soulève ensuite une problématique liée au droit de la consommation, embraye le député. Les achats intégrés à l'application excluent tout droit de rétractation [en principe de 14 jours, ndlr] tel que prévu pourtant par notre Code de la consommation ». Là aussi, il ne faut pas oublier que certaines exceptions sont possibles – notamment en cas de fourniture de services pleinement exécutés avant la fin du délai de rétractation et après renoncement exprès du consommateur. En pratique, Google propose un formulaire permettant de demander le remboursement d'un achat in-app jusqu'à 48 heures après sa validation.
Enfin, « dans la mesure où la localisation des joueurs peut être accessible à l'ensemble de la communauté d'utilisateurs, d'autres problématiques liées à la criminalité de droit commun ou au terrorisme sont également à craindre » affirme Vincent Ledoux – quand bien même il n'y a aucun moyen direct de connaître la position d'un autre joueur via l'application. L’élu pointe également « l'absence de réglementation spécifique à cette industrie du jeu en ligne » et regrette que les éditeurs s'exonèrent bien souvent « de toute responsabilité pour tout dommage que la participation [à leurs jeux] pourrait créer ».
La secrétaire d’État au Numérique, à qui est adressée cette question écrite, se voit invitée à présenter les plans du gouvernement « pour pallier ce vide juridique et renforcer activement la protection de notre communauté nationale et des usagers potentiels ». L’exécutif dispose (en théorie) de deux mois pour répondre aux parlementaires.