Grand Collisionneur de Hadrons : des données à foison, mais pas de nouvelle particule

Un boson peut en cacher un autre
Tech 6 min
Grand Collisionneur de Hadrons : des données à foison, mais pas de nouvelle particule
Crédits : generalfmv/iStock

Alors que la communauté scientifique attendait l'annonce de la détection d'une nouvelle particule par le Grand Collisionneur de Hadrons, ce n'est finalement pas le cas. La montée en puissance du LHC a tout de même permis de récolter et traiter plus de 25 Po de données depuis le début de l'année.

Après une interruption de deux ans, le Grand Collisionneur de Hadrons a repris du service l'année dernière. Les travaux ont permis d'augmenter l'énergie de collision de l'accélérateur de particules en passant de 8 TeV à 13 TeV (Tera électronvolts). Les mesures scientifiques ont donc recommencé et, alors que les chercheurs pensaient avoir trouvé des indices de particules prédites par des théories allant au-delà du modèle standard, il n'en est rien. Les « pics » observés ne semblent en effet être qu'une « fluctuation statistique » admet le CERN.

Mais avant d'entrer dans le vif du sujet, commençons par quelques rappels sur la physique des particules, les accélérateurs, les expériences scientifiques et les avancées qui ont déjà eu lieu.

Le modèle standard de la physique des particules

Première étape, le modèle standard. Le CERN le définit comme étant « la théorie qui décrit les particules élémentaires et leurs interactions ». Mais celle-ci laisse de nombreuses questions sans réponse, ce qui ne plait évidemment pas aux physiciens qui cherchent donc « des signes d’une physique au-delà du modèle standard ».

Le grand absent du modèle standard est sans aucun doute la gravite : bien que ce soit la « force qui nous est la plus familière, elle ne fait pas partie du modèle standard » explique le CERN. Mais cela n'a que peu d'importance à l'échelle des particules, car son effet est négligeable : « C’est pourquoi le modèle standard fonctionne encore bien, malgré le fait qu'il exclut l'une des forces fondamentales ». Mais l'idéal serait évidemment de trouver un autre modèle physique qui englobe le tout. C'est notamment dans ce but que de nombreuses expériences sont menées un peu partout dans le monde.

Du Grand Collisionneur de Hadrons au boson de Higgs en passant par un prix Nobel

Le LHC, ou Grand Collisionneur de Hadrons, est un accélérateur de particules qui étudie la collision entre des protons à très haute énergie. « La collision des particules crée de nouvelles particules que l’on peut alors étudier » explique l'institut national de physiques nucléaires et de physique des particules. N’hésitez d'ailleurs pas à consulter leur présentation  (PowerPoint) qui, bien que vieille, n'en reste pas moins intéressante pour appréhender certains concepts. Le CERN a également mis en ligne un guide complet du LHC.

LHC CERNLHC CERN

Le LHC n'est pas nouveau et il a déjà permis de faire des avancées spectaculaires dans le domaine de la physique des particules, notamment le 4 juillet 2012. En effet, les expériences ATLAS et CMS du Grand Collisionneur de Hadrons ont toutes les deux annoncé la découverte d'une « nouvelle particule dont la masse se situait dans la région des 126 GeV ».

De plus, elle présente des caractéristiques techniques compatibles avec celles du boson de Higgs, qui avait d'ailleurs valu le prix Nobel de physique au belge François Englert et à l'anglais Peter Higgs en 2013.

A 13 TeV, le LHC donne des résultats encore plus précis et confirme des mesures

Quoi qu'il en soit, les nouvelles mesures récoltées par le LHC à 13 TeV ont déjà conduit à des résultats intéressants. Elles ont par exemple permis d'observer le boson de Higgs avec « une signification statistique plus élevée ». Mais ce n'est évidemment pas tout et les expériences ATLAS et CMS ont aussi « réalisé de nouvelles mesures précises de processus du modèle standard ».

Pour Eckhard Elsen, directeur de recherche au CERN, « c’est l’un des moments les plus passionnants de la période récente pour les physiciens, car nous nous aventurons vraiment en territoire inconnu : la physique des particules à une énergie encore jamais explorée auparavant ».

LHC CERN
Crédits : CERN

Le LHC laissait entrevoir des mesures permettant d'aller au-delà du modèle standard

Maintenant que l'énergie de collision du LHC a grimpé d'un cran, les deux détecteurs que sont ATLAS et CMS ont continué à chercher des signes directs de la production de nouvelles particules prédites par d'autres théories. Elles vont au-delà du modèle standard et il en existe plusieurs comme la supersymétrie. Mais, comme dans le cas de la supposée neuvième planète, il faut pouvoir en observer des éléments probants avant de la valider. Et c'est là qu'intervient de nouveau le LHC.

En décembre 2015, la présentation de la première salve de résultats à 13 TeV avait fait beaucoup de bruit. Alors que les scientifiques dévoilaient des séries de mesures qui ne laissaient entrevoir rien de nouveau dans le petit monde des particules... la fin de la conférence était plus animée. Les relevés d'ATLAS et de CMS faisaient état d'une fluctuation que l'on pouvait qualifier d'intéressante... mais rien de plus.

Des fluctuations intéressantes dans les mesures, mais qui demandent confirmation

Pour Andy Parker, directeur du Laboratoire Cavendish de Cambridge cité par nos confrères de The Conversation, cette mesure pourrait être la signature d'un boson : « Si le pic donne bien naissance, en se décomposant, à deux photons, il s’agit forcément d’un boson, sans doute un boson de Higgs » ajoutait-il. En effet, certaines théories (mais pas le modèle standard) prédisent l'existence de plusieurs bosons de Higgs. 

Pour mettre en perspective les attentes des scientifiques face à cette possible découverte, Andy Parker expliquait que, certes il s'agit de résultats préliminaires et non significatifs, mais que s'il devait être confirmé par la suite, « ce serait – rétrospectivement – un événement historique ».

Plus prudente, Corinne Pralavorio, responsable de la communication au CERN, expliquait pour sa part que les variations dans les mesures étaient « encore trop minimes pour conclure quoi que ce soit ». Elle ajoutait également qu'il fallait attendre une nouvelle moisson de données avant d'en tirer des conclusions. En l'état donc, il était impossible de dire si ce léger excès était « une fluctuation sans importance ou, au contraire, signale l’existence d’un nouveau phénomène ». Comme souvent, il n'en fallait pas moins pour enflammer le web et une partie de la communauté scientifique.

Beaucoup de bruit pour rien

Mais les espoirs ont été atomisés lors de la 38e Conférence internationale sur la physique des hautes énergies à Chicago aux États-Unis. Dans son compte rendu, le CERN explique en effet que les nouvelles mesures effectuées en 2016 (avec une moisson de données bien plus conséquente qu'en 2015) n'ont pas permis de confirmer l'hypothèse de l'existence d'une nouvelle particule.

Les premiers résultats de l'année dernière « semblent donc être une fluctuation statistique ». « Aucun indice convaincant d’une nouvelle physique n’a encore été observé » précise le CERN pour bien enfoncer le clou.

Collision particules
Crédits : Pete Draper/iStock

Le LHC fonctionne à plein régime, une montée en puissance arrivera plus tard

Malgré cette déconvenue (ou plutôt ce rendez-vous manqué avec l'Histoire), le LHC continue de tourner à plein régime et, après quelques mois de fonctionnement seulement, cinq fois plus de données ont déjà été enregistrées en 2016 par rapport à 2015. Plus de 25 Po de données ont été enregistrées et traitées depuis le début de l'année.

En juin le Grand Collisionneur de Hadrons a dépassé sa « luminosité nominale », il s'agit d'un paramètre mesurant le nombre de collisions par seconde. Il est monté à environ un milliard, « ce qui signifie que même les processus les plus rares à l’énergie la plus élevée effectivement atteinte pourraient se produire » explique le CERN.

Et ce n'est pas fini. Plus tard durant la seconde phase d'exploitation du LHC qui a débuté l'année dernière, l'énergie de collision sera portée de 13 à 14 TeV, le maximum théorique pour lequel le collisionneur a été construit. Aucune date n'a été précisée pour le moment.

Il ne reste maintenant plus qu'à attendre la « bonne » collision qui pourrait donner naissance à une nouvelle particule... si cela se produit un jour. Augmenter la puissance aidera certainement, mais est-ce que cela sera suffisant ? Faudra-t-il dépasser les 14 TeV ? L'avenir nous le dira.

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