Sur le dernier trimestre, Orange a encore attiré de nombreux clients, notamment sur la fibre, sur laquelle il recrute plus de 100 000 abonnés en trois mois. Sur la fibre pour entreprises, l'ARCEP reproche au groupe de privilégier sa filiale de détail face à la concurrence, le mettant en demeure pour qu'il rentre dans les clous.
Les nouvelles s'enchainent pour Orange, autant les bonnes que les mauvaises. Le groupe télécom a publié ses résultats pour le premier semestre, avec un chiffre d'affaires français en baisse, malgré des recrutements en hausse. De son côté, l'ARCEP met en demeure l'opérateur historique de respecter ses obligations en matière d'accès au génie civil, pour que ses concurrents puissent déployer aussi facilement que lui.
La vente d'EE profite aux bénéfices du groupe
Dans l'absolu, le groupe va bien sur l'ensemble des pays qu'il occupe. Par rapport au premier semestre 2015, son chiffre d'affaires a progressé de 0,3 %, pour s'établir à 20,1 milliards d'euros. L'EBITDA recule légèrement (de 0,6 %), pour atteindre 5,913 milliards d'euros. Le bénéfice net a lui triplé, pour atteindre 3,168 milliards d'euros sur le semestre. La vente de l'opérateur britannique EE à BT Group en janvier, pour 3,4 milliards de livres sterling, en constitue « l'essentiel ».
Sur le deuxième trimestre plus spécifiquement, les résultats sont entre autres tirés par de bonnes performances en Espagne (avec un chiffre d'affaires en hausse de 6,2 %), en plus de celles en Afrique et au Moyen-Orient. L'EBITDA sur le trimestre reste relativement stable (+0,1 %), après une baisse de 1,6 % au premier trimestre. Il s'attend à une situation comparable à l'an dernier pour la fin 2016.
Des recrutements toujours importants en France
Sur la France, l'opérateur historique affiche une baisse de ses revenus par rapport à l'an dernier. L'EBITDA sur le premier semestre s'affiche à 3,238 milliards, sur un chiffre d'affaires de 9,376 milliards, en chutes respectives de 2,6 % et 1,2 %. La tendance se confirme sur ce trimestre, avec un chiffre d'affaires en recul de 1,7 % par rapport à 2015, à 4,685 milliards d'euros.
Dans le détail, la montée des revenus sur l'Internet fixe ne compense pas la chute drastique de ceux du mobile. Quand l'activité fixe rapporte 2,602 milliards d'euros (+0,7 %) sur le trimestre, le mobile chute de 5,2 %, pour un chiffre d'affaires de (tout de même) 1,781 milliard d'euros.
Cela correspond à près de 29 millions de lignes mobiles, comprenant les clients avec forfaits (20,5 millions), ceux en prépayé (3,9 millions) et les lignes pour les communications entre machines « M2M » (4,6 millions)... dont 9,4 millions en 4G.
Sur l'ensemble l'opérateur a gagné 153 000 clients hors M2M. Des bonnes performances qui, combinées à un revenu moyen par utilisateur (ARPU) stable, ne justifient pas une baisse des revenus. Selon le groupe, il faut plutôt à y voir l'effet de la baisse de « l'itinérance nationale [de Free Mobile] en France et les premiers effets des baisses de prix de l'itinérance en Europe », sans plus de détails.
Sur le (très) haut débit fixe, le fournisseur d'accès a gagné 93 000 clients supplémentaires, pour un total de 10,9 millions, dont 1,181 million en fibre. Les 106 000 nouveaux arrivants en fibre compensent ainsi la baisse des abonnés sur le réseau téléphonique classique. Orange continue donc sa conquête sur la fibre, sur lequel il creuse l'écart avec ses concurrents. Comme nous l'expliquions, le nouveau réseau est devenu le premier moyen pour le groupe de reprendre des parts de marché aux autres FAI, exploitant une couverture large dont ne bénéficient pas ses concurrents.
La situation d'Orange se résume comme suit :
Sur le mobile :
- Nombre de clients total : 28,966 millions (28,612 millions au T1 2016 et 27,507 millions au T2 2015)
- Clients disposant d'un forfait (hors M2M) : 20,457 millions (20,305 millions au T1 2016 et 19,851 millions au T2 2015)
- Clients prépayés : 3,897 millions (4,030 millions au T1 2016 et 4,680 millions au T2 2015)
- Lignes M2M : 4,611 millions (4,277 millions au T1 2016 et 2,975 millions au T2 2015)
- ARPU mobile : 22,3 euros (22,4 euros au T1 2016 et 22,5 euros au T2 2015)
Sur le haut et très haut débit fixe :
- Nombre de clients total : 10,923 millions (10,830 millions au T1 2016 et 10,497 millions au T2 2015)
- Clients FTTH : 1,181 million au T1 2016 (1,075 million au T1 2016 et 720 000 au T2 2015)
- ARPU fixe : 33,1 euros (33 euros au T1 2016 et 33,1 euros au T2 2015)
Sur l'Internet fixe, l'opérateur historique profite entre autres de son avance dans les déploiements du réseau. Le régulateur s'interroge désormais publiquement sur le contrôle de cette infrastructure par Orange, au point de sévir sur le marché entreprises.
L'accès au génie civil difficile pour certains concurrents
Hier soir, l'ARCEP a ainsi annoncé mettre en demeure Orange de respecter ses obligations de non-discrimation dans l'accès à son génie civil, spécifiquement sur le marché entreprises. Vu qu'Orange possède une infrastructure de génie civil unique en France, elle peut devenir un avantage déterminant en termes de concurrence. Depuis 2008, le groupe a l'obligation de le proposer aux autres opérateurs, dans les mêmes conditions que pour lui.
Le régulateur a ouvert une enquête en octobre dernier pour déterminer si cette concurrence est bien respectée pour le marché entreprises. Il s'agit d'un « marché de détail dont Orange demeure un acteur incontournable, et sur lequel il dispose de la part de marché la plus importante » détaille l'autorité. Après plusieurs mois d'instruction, le régulateur estime qu'Orange n'utilise pas les mêmes « processus et interfaces de commande » que ses concurrents, pour l'accès aux mêmes ressources.
Le 20 juillet, l'autorité a donc décidé de mettre en demeure l'opérateur historique, avec trois échéances. Au 30 septembre, Orange doit fournir les mêmes processus de commande à ses concurrents qu'à sa propre branche de détail. Au 31 octobre, il doit publier les indicateurs qu'il manque sur les commandes de génie civil par sa branche de détail pour les entreprises. Enfin, au 31 janvier 2017, Orange devra transmettre des données trimestrielles sur le sujet, comme il en a l'obligation.
Le groupe a donc quelques mois pour rentrer dans les clous, sur un marché dont il possède une grande partie des clés. Pour mémoire, le marché de la fibre pour entreprises est considéré aujourd'hui comme un marché « de luxe » par l'ARCEP, qui calcule que seuls 15 % des lignes d'entreprises sont en fibre optique. Pour l'ouvrir, la piste principal de Bercy et de l'autorité est de mutualiser le réseau entreprises (avec aujourd'hui des lignes tirées spécialement pour chaque entreprise) avec le réseau grand public, pour en faire baisser les coûts... Encore faut-il avoir accès au génie civil dans de bonnes conditions, donc.