Après avoir fondé Cozy Cloud, Frank Rousseau n'en est plus directeur technique. Il a été révoqué en assemblée générale hier, suite à des divergences sur la stratégie. Contacté, il affirme vouloir attaquer l'entreprise, estimant la décision abusive.
Il y a du mouvement chez Cozy Cloud. La jeune pousse française s'est séparée hier de son co-fondateur et directeur technique, Frank Rousseau. Sur Twitter, il explique ainsi avoir été révoqué de son poste, par « ma propre entreprise », de manière inattendue. Une annonce soudaine, qui a étonné bon nombre de ses abonnés.
Je suis révoqué de mon poste de CTO (Directeur Général) de @MyCozyCloud / I got fired from Cozy Cloud, my own company.
— Frank Rousseau (@gelnior) 19 juillet 2016
Pour rappel, Cozy Cloud développe un espace auto-hébergeable open source, censé centraliser l'ensemble des données personnelles en un endroit. Cela passe notamment par une série de connecteurs, qui permettent de récupérer données et documents auprès de services tiers, que ce soit un e-commerçant ou une banque. Le mois dernier, l'entreprise a levé quatre millions d'euros, entre autres auprès de la MAIF, pour se développer en partenariat avec de grands comptes.
Dans un billet de blog en réponse à son ex-directeur technique, Cozy Cloud affirme que des divergences ont grandi entre les co-fondateurs, Benjamin André (PDG) et Frank Rousseau, avec « un risque croissant de ralentir le projet ». En assemblée générale, hier, les actionnaires ont donc tranché en faveur du PDG de l'entreprise. Les raisons concrètes de ce départ n'ont pas été données. Dans la foulée, Frank Rousseau déclare préparer un droit de réponse.
Des divergences stratégiques profondes
Contacté, il nous explique qu'il n'a pas demandé l'arbitrage qui a mené à sa révocation, contrairement à ce qu'affirme l'entreprise. « Cette annonce est brutale je suis révoqué sans délais, sans alternative et sans indemnité » affirme-t-il. Au cœur du sujet, une divergence sur la stratégie de l'entreprise entre les dirigeants. Profonde, mais pas irréconciliable, selon Rousseau.
Alors que l'entreprise se concentre actuellement sur le développement de Cozy en partenariat avec de grands comptes et des hébergeurs (Gandi et OVH), Frank Rousseau présentait une troisième voie. « J'ai présenté une stratégie avec une mise sur le marché rapide d'un produit générateur de chiffre d'affaires répétable » explique-t-il.
Concrètement, il proposait de monter une plateforme d'hébergement gérée par Cozy, avec choix de l'hébergeur, pour trouver rapidement un prix, des options et un discours convaincants. À terme, il espérait pouvoir distribuer en propre du matériel avec Cozy pré-installé. Une proposition rejetée par l'entreprise, qui se concentre sur ses partenariats.
Selon Frank Rousseau, son idée n'aurait d'ailleurs pas été débattue. « Cette démarche ne convenait pas au président. [...] J'ai toujours demandé un débat constructif sur les orientations de la société [pendant plusieurs mois] et n'ai eu en réponse qu'un débat sur ma révocation » affirme-t-il. Le co-fondateur ne compte donc pas en rester là. « Je donnerai donc les suites judiciaires qui conviennent à cette révocation que je considère comme totalement abusive », avant de fonder une nouvelle startup ou d'en rejoindre une autre, explique-t-il.
Pour Cozy Cloud, ce départ suit des mois de discussion
Pour sa part, Cozy Cloud nous affirme que le débat a bien eu lieu entre les deux fondateurs, sur plusieurs mois, lors de nombreuses discussions. Discussions qui ont précédé l'arrivée de nouveaux actionnaires au capital. Elle maintient, par ailleurs, que l'arbitrage en assemblée générale a bien été effectué à la demande des deux dirigeants.
La société rappelle d'ailleurs que Frank Rousseau en reste actionnaire. Elle estime bien qu'ouvrir « un troisième front » (une offre propre, en plus de celles proposées via hébergeurs et grands comptes) n'aurait pas été pertinent. Une stratégie plus lente que d'itérer rapidement via une plateforme propre, mais qui évite une dispersion des ressources. La publicité de ce départ met semble-t-il l'entreprise mal à l'aise, qui évoque avant tout une question de « ressources humaines ».
Une réorganisation de la direction aura lieu dans les prochains jours, notamment pour nommer un nouveau directeur technique. Il reste tout de même à voir quelles seront les conséquences à long terme de cet épisode, qui a mené au départ forcé d'un fondateur peu après une levée de fonds. D'autant que celui-ci envisage des poursuites. La question de la transparence viendra également, Cozy Cloud étant un projet open source et communautaire.
Cette situation rappelle celle d'ownCloud, dont le cofondateur Frank Karlitschek a fondé le fork Nextcloud après son départ du projet. Les raisons étaient néanmoins différentes puisqu'il critiquait notamment les relations avec la communauté des contributeurs, qui n'aurait pas été assez écoutée par l'entreprise sur certaines décisions.