Alors que les opérateurs déploient rapidement la 4G et que les débats sur la 5G commencent à poindre, la qualité de service mobile reste très variable selon les opérateurs et les zones géographiques. Les mesures de l'ARCEP ne sont ainsi pas tendres avec Free Mobile, qui s'étonne des « paradoxes » de la régulation.
La semaine dernière, l'ARCEP a publié son observatoire sur la couverture et la qualité des services mobiles. Comme l'an dernier, le régulateur mesure la couverture mobile et fournit de nombreux indicateurs, plus ou moins pratiques. Malgré une amélioration globale de la qualité de service, les positions restent globalement les mêmes, avec une avance importante pour Orange sur certains indicateurs. À l'autre bout, le régulateur constate un retard de Free sur de nombreux points.
La couverture 4G en chantier
Le premier d'entre eux est la couverture. Cette fois, l'ARCEP s'est concentrée sur le territoire, plutôt que sur la population. De ce point de vue, la 4G est très loin de rivaliser avec la 2G et la 3G. La couverture 2G varie de 91 % (Bouygues Telecom) à 98 % (Orange) du territoire, et celle de la 3G de 80 % (Bouygues Telecom) à 92 % (Orange). Des chiffres restent sensiblement stables depuis 2015.
La 4G, elle, atteint de 21 % (SFR) à 35 % (Orange) du territoire. L'évolution est tout de même encourageante, avec une progression moyenne de 7 points de couverture entre juillet 2015 et avril 2016. Rappelons aussi que la couverture des opérateurs se cumule en partie, les uns traitant des zones délaissées par d'autres.
D'ailleurs, les deux chantiers mobiles les plus médiatiques cette année concernent la couverture 2G et 4G des zones rurales. Les opérateurs doivent ainsi couvrir les derniers centres-bourgs sans réseau mobile d'ici la fin de l'année (à condition de disposer des pylônes financés par l'État), quand trois d'entre eux doivent couvrir 40 % de la population rurale en 4G (800 MHz) en janvier prochain. Les derniers pourcents de la population sont donc devenus un enjeu réglementaire pour les opérateurs, sous une forte pression politique sur ce sujet.

Internet mobile : les débits montent, les écarts restent
Du côté des débits, ceux-ci ont largement progressé depuis l'an dernier. Le débit moyen est ainsi passé de 14 Mb/s en 2015 à 18 Mb/s pour cette année, tous opérateurs confondus. Dans le détail, Orange domine avec 28 Mb/s de moyenne, contre 18 Mb/s pour Bouygues Telecom et 12 Mb/s pour Free Mobile et SFR. Un classement qui reste essentiellement le même, peu importe la zone concernée, même si les débits baissent drastiquement en passant des zones urbaines aux rurales.

Free Mobile s'affiche en bon dernier sur les usages mesurés. En navigation web, Orange permet ainsi le chargement d'une page en moins de 10 secondes dans 87 % des cas, contre 82 % pour SFR, 79 % pour Bouygues Telecom et... 69 % pour Free Mobile. Ce dernier décroche d'ailleurs bien plus sur la lecture « parfaite » d'une vidéo de deux minutes, affichant un taux de réussite global de 45 % contre 81 % pour Orange et 67 % pour les deux autres opérateurs.
Hors Internet mobile, les opérateurs sont dans un mouchoir de poche. Le taux d'appels « parfaits » est de 91 % chez Free Mobile, contre 96 % chez Orange. Aussi, tous les opérateurs permettent de recevoir un SMS en moins de 10 secondes dans 90 % des cas, jusqu'à 94 % chez Orange. Il est par contre difficile de comparer ces données à 2015 : jusqu'ici, l'ARCEP ne publiait pas les taux de réussite sur ces deux indicateurs, quand elle mesurait la réception d'un SMS en moins de 30 secondes, contre 10 secondes cette année.
Un écart important entre zones denses et rurales
Bien entendu, les différences sont grandes entre zones géographiques. « Le débit moyen mesuré avec un terminal 4G est de 6 Mb/s en zone rurale et de 30 Mb/s en zone dense. Concernant les appels vocaux, environ 86% des appels sont d’une qualité parfaite en zone rurale, contre 97% en zone dense » illustre ainsi l'autorité.
Sur la lecture parfaite d'une vidéo en ligne, dont les Français sont très friands, le taux de réussite est quasiment divisé par deux pour l'ensemble des opérateurs. Orange passe, par exemple, de 96 % de réussite en zone dense à 58 % en zone rurale... Quand Free Mobile passe de 61 % à 24 %. La marche est rude et risque encore de l'être un moment, certains opérateurs inquiétant l'ARCEP sur leur capacité à couvrir en 4G les zones rurales, comme ils s'y sont engagés.
La différence entre zones rurales et zones denses est bien moins grande sur les appels et SMS que sur l'Internet mobile, les réseaux 2G et 3G assurant une qualité de service correcte, selon les tests de l'ARCEP. Sur les appels, le taux d'appels parfaits passe d'au moins 90 % à, minimum, 85 %. Sur les SMS, l'envoi en moins de 10 secondes passe, lui, d'au moins 95 % à au moins 80 %. Nous sommes donc loin la division par deux du taux de réussite des usages « données ».
Transports : les réseaux s'améliorent, le métro à la traine
Côté transports, la situation est assez contrastée. Sur autoroute, les opérateurs offrent une qualité de service proche sur les appels, à l'exception de Free. L'opérateur est loin derrière ses concurrents, affichant 81 % de maintien d'appel pendant 2 minutes, contre 88,1 % pour les autres. Sur les SMS, Orange et SFR affichent près de 90 % de réception en moins de 10 secondes, contre moins de 80 % pour Bouygues et Free Mobile. Ce dernier décroche largement sur la navigation web, où il arrive à charger 44 % des pages en moins de 10 secondes, selon l'ARCEP, contre environ 80 % pour les autres.
Dans les TGV, les chiffres baissent encore nettement, avec des scores de réception de SMS et de navigation web qui dégringolent. Bouygues Télécom affiche d'ailleurs une certaine faiblesse à ce niveau, étant légèrement derrière ses concurrents, sauf en matière de navigation web, où seul Orange dépasse les 50 % de réussite de chargement de page en moins de 10 secondes. Sur les grandes lignes ferroviaires et les trains de banlieue, les quatre opérateurs sur le mobile affichent à peine plus de 10 % de différence sur les indicateurs, sauf en matière de navigation web pour Free Mobile.
Puis vient le métro parisien, qui propose les pires performances mesurées par l'autorité. Le taux de maintien d'appel peut baisser à 63 % (Bouygues Télécom), quand celui de réception rapide de SMS peut passer à 71 % (SFR). Pire, 16 % à peine des pages web sont chargées en moins de 10 secondes, tous opérateurs confondus... L'ARCEP n'ayant semble-t-il pas osé fournir de données détaillées sur ce point.
Le régulateur et la RATP ont d'ailleurs annoncé qu'ils travailleront ensemble pour améliorer la couverture mobile de ses réseaux. L'autorité devra aider l'entreprise à mesurer la qualité de service mobile, alors que la couverture 3G et 4G du métro est attendue pour la fin 2017.
Côté opérateurs, Free est régulièrement derrière ses concurrents, surtout en matière de navigation web. Seule fulgurance : 85 % des SMS sont reçus en moins de 10 secondes dans le métro parisien, ce qui lui permet de tutoyer Orange sur cet indicateur. Une nouvelle fois, il est impossible de comparer cet indicateur avec celui publié en 2015, qui ne détaillait pas ses chiffres par opérateur.
Pour Free Mobile, l'État en demande beaucoup
Dans son communiqué, l'ARCEP affirme un palmarès clair : « Orange devant, Bouygues Telecom et SFR au coude à coude, Free Mobile derrière ». L'autorité estime ainsi que « la hiérarchie des enquêtes de 2014 et 2015 se confirme », avec un opérateur historique globalement devant ses concurrents, Bouygues Telecom et SFR qui s'échangent les places selon les indicateurs et Free Mobile, qui « obtient des résultats sensiblement moins bons sur un grand nombre d’indicateurs ».
« Il y a parfois des paradoxes à nous demander d'aller très vite sur la fin de l'itinérance, à faire des commentaires sur notre qualité de service, et mettre dans les licences des obligations de couverture extrêmement étendues » a commenté Maxime Lombardini, directeur général d'Iliad lors d'une audition à l'Assemblée nationale. « C'est compliqué d'aller vite quand on nous met beaucoup d'obstacles » ajoute-t-il.
Il rappelle que Free Mobile ne peut déployer ses antennes que depuis 6 ans, contre 20 ans pour ses concurrents. Sur la vidéo en mobilité, qui est l'indicateur sur lequel il pêche le plus, l'opérateur estime qu'il ne s'agit pas d'un usage majoritaire, et que les chiffres changeraient beaucoup en prenant en compte les sessions en Wi-Fi. « Notre niveau de qualité augmente d'étude en étude. On a toujours l'ambition un jour d'atteindre la première place, mais soyez bien conscients qu'on fait tout pour accélérer le déploiement » conclut le DG d'Iliad.
Pour Alain Bazot, président de l'UFC-Que Choisir, les « bonnets d'âne » de Free Mobile s'expliquerait par l'itinérance 3G sur le réseau d'Orange, qui serait moins efficace que le réseau propre du trublion. Pour l'association, l'ARCEP aurait d'ailleurs tort de cacher une éventuelle différence de qualité de service entre les deux réseaux pour les clients Free Mobile, surtout si elle apparait dans les données brutes que l'autorité ne publie pas encore en open data.