Alors que tous les yeux sont actuellement tournés vers Berlin et son salon IFA, l'Allemagne a créé une première hier en adoptant un projet de loi protégeant la propriété intellectuelle de la presse en ligne. Ledit projet de loi vise exclusivement les moteurs de recherche et les agrégateurs d'actualités et impose à ces derniers de rétribuer les organes de presse en cas de citation. Une loi qui s'attaque donc directement à des services comme Google Actualités (Google News). Pour ce dernier, mercredi a d'ailleurs été « une journée noire pour Internet en Allemagne » rapporte Heise.de.
Google News clairement dans le viseur
Si les ministres allemands se félicitent de l'adoption de la loi par le conseil des ministres, tout comme les éditeurs de journaux allemands, du côté des acteurs d'internet, c'est la soupe à la grimace. Il faut dire que si le projet de loi exclut certes les blogs, les associations, les cabinets d'avocats, les bénévoles ou tout simplement les particuliers, il pourrait toutefois mettre fin à tous les agrégateurs et aux services d'actualités équivalents.
Le Bitkom, le syndicat professionnel allemand des technologies de l'information et de la communication, a pour sa part vivement critiqué la loi, estimant que cette dernière envoie un très « mauvais signal » aux sociétés allemandes présentes sur Internet et notamment aux futures start-up.
Le syndicat pointe de plus du doigt la forte imprécision de la loi qui pourrait mener à de nombreux quiproquos. « Le projet de loi ne précise pas quels services sont visés. » Le Bitkom rajoute que ce nouveau droit de propriété intellectuelle pour la presse n'a pas fait l'objet d'un consensus politique. De ce fait, le Bundestag, l'assemblée parlementaire d'Allemagne, doit s'attendre à être sollicité comme jamais dans les semaines à venir, dès lors qu'il aura le dernier mot sur ce projet de loi.
Cette loi « n'a aucun sens »
L'association Digitale Gesellschaft est cependant et de très loin la plus dure envers ce projet de loi. « Nous croyons fermement que le droit voisin pour les éditeurs de presse n'a aucun sens et ne contribue qu'à l'incertitude » a t-elle ainsi résumé. Pour l'association, non seulement cette loi est tout sauf nécessaire, mais pire encore, elle ne garantit en aucun cas la liberté de la presse.
« Si le modèle économique des éditeurs de presse sur internet ne fonctionne plus, vous ne pouvez pas commander une subvention de société privée à société privée - cela n'a aucun sens » rajoute l'association. Cette dernière estime de plus que cela complique plus encore le droit d'auteur, qui était pourtant déjà trop complexe avant cette loi et qui aurait au contraire plutôt besoin d'être simplifié.
Un frein à l'innovation
Le Parti Pirate Allemand (Piraten Partei) a évidemment son avis sur le sujet. Pour le parti qui monte, c'est bien simple, cette loi doit tout simplement être rejetée par le parlement. Selon le PP, cette nouvelle loi risque de « limiter la diversité des opinions et de fortement compliquer le travail de recherche des journalistes ». Pour le Parti, cette loi n'est qu'un frein à l'innovation et rien d'autre.
Le risque pour l'Allemagne est de voir la disparition pure et simple de tous les services mettant en avant les articles de presse. Pour les internautes allemands, la perte sera ainsi importante. Et pour les éditeurs de presse, le gain sera au mieux nul, au pire négatif dès lors qu'ils perdront une mise en avant non négligeable.
L'Allemagne plus "forte" que la Belgique
Cette actualité nous rappelle la vive opposition entre Google et la presse belge qui existe désormais depuis 2006. Copiepresse, qui s’occupe des droits des éditeurs belges (LeSoir, La Libre Belgique, La Dernière Heure, Sudpresse, l'Avenir, etc.) attaque ainsi en justice Google et Google Actualités pour parasitage. La guerre a atteint un tel niveau que Google a plusieurs fois déréférencé tous les sites de presse et leurs actualités de son moteur de recherche Google.be et de son service Actualités.
Il y a six ans, suite à un jugement belge en faveur des organes de presse locaux, Google avait réagi de la façon suivante : « Nous ne montrons que les titres et un peu de texte. Si les utilisateurs veulent lire l’actualité en entier, ils doivent cliquer pour se rendre sur le site de l’éditeur. Et si tel journal ne veut pas prendre part à Google Actualité, c’est simple : nous enlevons leur contenu de notre index. Tout ce qu’ils ont à faire, c’est de le demander. »
Un argumentaire qui ne semble entrer dans aucune oreille, que ce soit en Belgique, en Allemagne, ou même en France, en Italie et ailleurs.