Au travers d’un avis de quasiment trois cents pages, l’Agence nationale de sécurité sanitaire (ANSES) recommande aujourd'hui la plus grande prudence vis-à-vis des jouets et autres appareils émettant des radiofréquences. Les parents sont notamment invités à limiter l’utilisation, par leurs enfants, des téléphones et tablettes.
« Les enfants sont, tout comme les adultes, exposés aux diverses sources de rayonnement électromagnétiques présentes dans l’environnement, explique l’ANSES : champs basses fréquences provenant du transport et de la distribution d’électricité, et champs radiofréquences issus des sources de radio et télédiffusion, de communication mobile et notamment de l’ensemble des appareils domestiques qui émettent des rayonnements. Parmi ces dispositifs émetteurs, certains leurs sont spécifiquement destinés : jouets radiocommandés, veille-bébés, dispositifs de surveillance, talkies-walkies ou encore robots communicants. D’autres, d’abord destinés aux adultes, sont dorénavant parfois spécifiquement conçus pour eux (tablettes sans fil par exemple), ou utilisés à partir d’un âge de plus en plus précoce (téléphone mobile). »
Ce ne sera donc une surprise pour personne de lire que les enfants sont quotidiennement exposés aux radiofréquences (c’est-à-dire via des appareils utilisant des champs électromagnétiques dont la gamme de fréquences est comprise entre 10 kHz et 300 GHz), de plus en plus jeunes, parfois même avant qu’ils ne viennent au monde. Mais ce phénomène présente-t-il un risque ? Invitée dès 2010 par les pouvoirs publics à se pencher sur cette question, l’Agence nationale de sécurité sanitaire a mené des travaux d’expertise « sur la base des données actuelles issues de la littérature scientifique internationale ».
De « possibles » effets sur le bien-être et les fonctions cognitives
Sa conclusion : l’exposition aux radiofréquences a un « effet possible » sur le bien-être des enfants et leurs fonctions cognitives (mémoire, fonctions exécutives, attention). « Les effets observés sur le bien-être pourraient toutefois davantage être liés à l’usage des téléphones mobiles plutôt qu’aux radiofréquences qu’ils émettent », nuance néanmoins l’institution. Par contre, rien ne permet de conclure – en l’état actuel des études – « à l’existence ou non d’effets des radiofréquences chez l’enfant sur le comportement, les fonctions auditives, le développement, le système reproducteur mâle et femelle, le système immunitaire et la toxicité systémique, ni d’effets cancérogènes ou tératogènes ».
L’ANSES en appelle à un usage « modéré et encadré » des nouvelles technologies
Estimant que « les enfants peuvent être plus exposés que les adultes en raison de leurs spécificités morphologiques et anatomiques, et notamment de leur petite taille, ainsi que des caractéristiques de certains de leurs tissus », l’ANSES émet une série de recommandations destinées à réduire l’exposition des plus jeunes aux champs électromagnétiques, tant à destination des pouvoirs publics que des parents.
L’agence ne prône cependant aucune interdiction. Elle plaide simplement pour « un usage modéré et encadré des technologies de communication sans-fil par les enfants », sans jamais faire de distinction particulière en fonction des tranches d’âge par exemple. Les adultes sont invités à « limiter l’utilisation » par les mineurs de dispositifs électroniques émetteurs (tablettes, téléphones, etc.), et à ne pas laisser leurs bambins utiliser un mobile au contact du corps « pour éviter les éventuels effets thermiques ». D’une manière plus générale, les appels nocturnes, trop fréquents et/ou trop longs sont également à éviter. Et les kits mains-libres à conseiller.
Réduire l’exposition des plus jeunes
De leur côté, les responsables publics sont appelés à se pencher sur différents projets de réforme. L’ANSES préconise par exemple d’étendre à « l’ensemble des dispositifs de communication mobile » l’interdiction qui prévaut aujourd’hui au sujet des publicités ayant pour but direct de promouvoir la vente ou l’utilisation d’un téléphone mobile par des enfants de moins de quatorze ans. Elle estime d’autre part que l’ensemble des dispositifs radioélectriques, et notamment ceux destinés aux enfants, devraient être « soumis aux mêmes obligations réglementaires en matière de contrôle des niveaux d’exposition et d’information du public que celles encadrant les téléphones mobiles ».
En vertu de la loi sur les ondes électromagnétiques de 2015, dont de nombreux décrets sont toujours attendus, tous les « équipements » ou « terminaux radioélectriques » doivent pourtant présenter de façon « lisible, intelligible et en français » quel est leur débit d’absorption spécifique (DAS) – alors que cette obligation pesait jusqu’ici sur les seuls téléphones portables. L’agence plaide au sujet du DAS pour une « réévaluation » de cet outil de mesure utilisé pour l’établissement des valeurs limites d’exposition des personnes. Elle recommande aussi le développement d’un nouvel « indicateur représentatif de l’exposition réelle des utilisateurs de téléphones mobiles, quelles que soient les conditions d’utilisation : signal utilisé, bonne ou mauvaise réception, mode d’usage (appel, chargement de données, etc.) ».
En conclusion, l’ANSES explique que de nombreuses études complémentaires seront nécessaires pour mieux cerner la dangerosité des ondes électromagnétiques, tant le champ d’évaluation est vaste (différentes technologies, impacts possiblement sanitaires et/ou psychosociaux, etc.).