Les récentes piques publiques de Spotify envers Apple ne sont pas passées inaperçues. Accusée de se servir de son processus de validation sur l’App Store pour favoriser son propre service Music, la firme de Cupertino a répondu : pourquoi se plaindre, dès lors que les règles sont les mêmes pour tout le monde ?
Les attaques de Spotify contre Apple et sa gestion des abonnements sont devenues plus audibles depuis quelque temps. On se rappelle qu’avec l’annonce récente de certains aménagements – dont une part prélevée par Apple passant de 30 à 15 % après la première année d’abonnement – Spotify s’en était pris au manque de souplesse de l’App Store. Pour l’éditeur, il était particulièrement dommageable de ne pas pouvoir choisir un autre système de paiement.
Plus récemment, une lettre a mis le feu aux poudres. Spotify accuse directement la firme californienne d’utiliser le processus de validation de l’App Store pour favoriser son propre service Apple Music. Pour preuve, le récent rejet d’une mise à jour de l’application, sans raison valable – selon Spotify évidemment. Les détails ont pourtant toute leur importance.
Une marge à compenser
Spotify indiquait que la réponse d’Apple après le rejet avait été mince : l’éditeur ne respectait pas les règles commerciales. Il faut savoir que les conditions de l’App Store imposent pour un développeur de proposer la possibilité de s’abonner depuis l’application si un tel abonnement pouvait être souscrit ailleurs. Dans le cas de Spotify, on peut le faire depuis le site officiel, ce qui rend obligatoire le mécanisme de souscription dans l’application iOS.
Or, il n’existe qu’un seul système de paiement – celui d’Apple – et s’il n’est pas directement payant, il en coûtera 30 % des gains générés par les ventes de services in-app. Dont bien sûr les précieux abonnements. Pour compenser cette marge, Spotify réclame 2,99 dollars/euros mensuels supplémentaires si l’abonnement Premium est souscrit depuis iOS, le tarif classique étant de 9,99 dollars/euros par mois.
This is what @Apple wants you to believe violates their rules. No offer, no purchase, no link to anywhere at all. pic.twitter.com/WzLDvWw2In
— jonathan prince (@jonathanmprince) 1 juillet 2016
Le beurre et l'argent du beurre
De son côté, Apple ne comprend pas l’agacement soudain de Spotify et regrette que les attaques soient devenues publiques. Dans un courrier envoyé à l’éditeur et obtenu par BuzzFeed, Bruce Sewell, directeur juridique d’Apple, montre une certaine ironie : « Il ne fait aucun doute que Spotify a largement bénéficié de son association avec l’App Store. Depuis votre arrivée en 2009 sur l’App Store, la plateforme d’Apple vous a fourni 160 millions de téléchargements pour votre application, engendrant des centaines de millions de dollars de revenus incrémentiels pour Spotify. C’est pourquoi nous sommes troublés que vous demandiez à être exemptés des règles qui s’appliquent à tous les développeurs ».
Apple explique dans sa lettre que ces règles sont faites pour favoriser la compétition, et non l’inverse. D’autres services proposent de la musique numérique et sont soumis aux mêmes conditions, notamment Google Play Music, Tidal, Amazon Music ou encore Pandora. Mais pour la firme, Spotify demande le beurre et l’argent du beurre : l’éditeur voudrait profiter de l’infrastructure de l’App Store et de la présence d’iOS sans aucune compensation. Une compensation que n'a pas à payer la firme pour son propre service Music, évidemment.
Des règles uniformes pour tous les éditeurs
Mais à Cupertino, on insiste : les règles n’ont jamais été changées pour qui que soit et n’ont pas été modifiées suite à l’introduction d’Apple Music. La firme reproche en fait à Spotify de chercher à obtenir un traitement de faveur. Bruce Sewell donne des explications plus précises sur le fameux rejet de la mise à jour : les deux dernières versions ne proposaient tout simplement la possibilité de s’abonner depuis l’application iOS et affichaient un simple message d’information, une tentative « manifeste de contourner les règles d’achats in-App de l’App Store ». Il s’agit donc d’une violation des engagements.
Sewell indique à Spotify qu’il sera « heureux » de faciliter et accélérer une nouvelle validation de Spotify sur iOS dès que la fonction d’abonnement sera revenue. En attendant, la dernière révision de l’application, distribuée il y a plusieurs semaines, reste la dernière disponible sur l’App Store. Elle peut toujours être installée et utilisée.
Une question de gros sous
Il s’agit, comme on s’en doute, d’une question de chiffre d’affaires. Spotify aimerait réduire les frais et augmenter la part des abonnements qui arrive effectivement dans ses caisses. Si l’éditeur peste contre l’App Store, c’est que la boutique d’Apple est la moins souple sur les systèmes de paiements. La sacro-sainte règle des 70/30 ne vient d’être assouplie que pour la première fois, et uniquement sur les abonnements au bout de la première année. Chez Google et Microsoft, les possibilités sont plus nombreuses et la répartition plus fluctuante.
D’un autre côté, la marge de manœuvre de Spotify est faible. iOS n’est clairement pas en position de monopole – Android écrase le marché – et les règles sont uniformément appliquées à tous les éditeurs. Pour Apple, il existe d’évidents frais de fonctionnement pour l’App Store, les applications étant hébergées, distribuées à des millions d’utilisateurs, mises à jour et ainsi de suite. La lettre de Sewell se traduit donc aisément : si Spotify veut profiter de cette distribution, il faut en accepter les règles, au risque de voir les portes se fermer.