Le régulateur des télécoms propose d'augmenter par plaques le prix de gros du réseau cuivre pour encourager le passage à la fibre. Si de nombreux points restent encore à définir, la volonté de jouer sur le porte-monnaie des opérateurs pour accélérer l'adoption de la fibre est claire.
Pour que les opérateurs migrent leurs clients de l'ADSL vers la fibre, quoi de mieux que d'augmenter le prix du réseau cuivre historique ? L'ARCEP a mis en consultation publique une proposition d'augmentation des prix du dégroupage sur le réseau téléphonique, zone par zone. Le régulateur souhaite donc augmenter les prix du cuivre pour les opérateurs, dans les zones où suffisamment de fibre optique a été déployée pour y migrer les clients.
Comme d'habitude, l'objectif affiché est de donner de la visibilité aux opérateurs, pour qu'ils puissent planifier leurs migrations, donc les accélérer. Cette démarche rappelle bien entendu celle des « zones fibrées », recommandées dans le rapport Champsaur et introduites dans la loi Macron, dont les décrets d'application sont toujours attendus pour la fin de l'année. Si la mention vient tardivement dans le document de l'ARCEP, l'autorité affirme bien s'intégrer à ce nouveau cadre.
Des tarifs dérégulés pour monter rapidement les prix
L'idée est de permettre à l'opérateur historique de revoir localement les prix du dégroupage du réseau cuivre. Jusqu'ici, ils étaient fixés selon les coûts d'exploitation. Le réseau cuivre étant considéré comme une « infrastructure essentielle », il fallait ainsi garantir l'accès équitable à tous, sans marge excessive de la part d'Orange. Les tarifs de gros doivent ainsi correspondre à ses coûts.
Le cadre actuel doit encourager la concurrence sur le cuivre, tout en incitant Orange à maintenir le réseau (quitte à rappeler l'opérateur à l'ordre). Avec l'arrivée de la fibre jusqu'à l'abonné, le monopole du cuivre tombe. La régulation des prix du dégroupage peut donc se relâcher, estime l'ARCEP, une plaque géographique à la fois. Il faut donc définir dans quelle mesure les prix de gros du dégroupage peuvent évoluer.
L'un des enjeux affichés pour l'ARCEP est de tenir compte des différences de traitement qui se dessinent entre zones. Quand certains endroits ont rapidement accès à la fibre, d'autres devront attendre bien plus longtemps pour la voir poindre. En attendant, ils ne disposeront à moyen terme que d'un accès haut débit via le réseau cuivre, soit du VDSL. Il faut donc ménager ces territoires, sous peine de leur imposer des prix du cuivre trop hauts, sans alternative vers laquelle migrer.
D'une logique nationale à une logique locale
Pour le moment, les tarifs sont donc définis nationalement, y compris dans les dernières décisions de l'autorité. Par exemple, l'ARCEP a décidé d'encadrer les prix du réseau cuivre, en augmentant les coûts mensuels du réseau cuivre, tout en réduisant ceux de changement de ligne. Avec une révision pluriannuelle. L'objectif étant d'inciter les opérateurs et clients à passer à la fibre, moins chère, en profitant de frais de départ de l'ADSL réduits. Une démarche critiquée à l'époque, certains estimant qu'il s'agissait d'encore financer l'opérateur historique sur les deniers des concurrents.
Avec l'arrivée de la fibre, la modulation des prix pourrait donc être locale. Il faudrait ainsi assouplir la régulation des tarifs du cuivre dans les zones concernées. Dans l'idée, il faudrait donner un cadre plus large à l'opérateur d'infrastructure pour fixer ses prix, sans lui imposer. Avec tout de même quelques garde-fous. Il est question d'une obligation de non-discrimination géographique, pour éviter qu'un opérateur propriétaire du cuivre et de la fibre dans une zone n'incite ses propres clients à migrer vers sa propre fibre, tout en le décourageant pour ses concurrents.
Une clause de non-excessivité est aussi évoquée. Il s'agit d'empêcher un opérateur de moduler le prix en fonction de la présence de sa propre fibre dans une zone. En clair, il n'est pas question que le propriétaire du réseau cuivre à un endroit incite les clients à rester en ADSL quand seule la fibre des concurrents est disponible. Dans l'autre sens, le coût du cuivre doit rester raisonnable dans les zones sans fibre, avec un encadrement tarifaire qui peut évoluer tous les trois ans.
Des zones à définir
Le régulateur n'a pas encore décidé si le tarif pour les zones « de migration accélérée » doit être défini localement ou nationalement, avec une limite de coût par rapport au tarif habituel. En clair : est-ce qu'on impose aux opérateurs un tarif maximal au niveau national, ou est-ce qu'ils sont globalement libres de le définir au cas par cas, en proportion du prix appliqué aux zones sans fibre ?
L'autorité refuse pour le moment de trancher, laissant le soin aux opérateurs de la guider dans ce choix. D'ailleurs, le choix des zones elles-mêmes n'est pas sûr. Selon la consultation publique, une zone doit surtout être assez large pour permettre aux opérateurs de définir une stratégie commerciale locale. Le but étant d'éviter un travail de fourmi sur des zones minuscules, qui pourrait décourager les FAI de jouer le jeu.
Pour rappel, le statut de « zone fibrée » devrait s'appliquer à des quartiers ou des communes entières. Les premiers projets pilotes, poussés par les industriels des réseaux publics, couvrent eux-mêmes des communes entières. Une voie que pourrait donc suivre l'ARCEP, avec deux paramètres explicites. Pour qu'une zone voit les prix de gros du dégroupage monter, la fibre devrait y atteindre un taux de pénétration minimum et l'opérateur d'infrastructure devrait y publier des indicateurs de qualité de service suffisants. Encore une fois, l'autorité demande aux participants de lui suggérer des seuils à appliquer.
La consultation publique dure jusqu'au 9 septembre, avant un atelier à l'automne sur le sujet, au sein de l'ARCEP. Ces travaux devraient donc contribuer à la rédaction du décret sur les zones fibrées, même si ce n'est pas le but explicite de l'institution.