Le Sénat a adopté hier l’article du projet de loi Travail relatif au « droit à la déconnexion ». Les parlementaires ont opté pour une version très épurée, rejetant (entre autres) l’amendement imposant aux entreprises de désigner un « référent numérique » pour faire respecter ce nouveau droit.
Certains sénateurs réclamaient la suppression de cet article (le 25), d’autres voulaient revenir aux dispositions issues des débats à l’Assemblée nationale... Le Sénat a finalement décidé de maintenir le texte adopté par ses soins en commission.
Il est ainsi prévu que « l’exercice du droit à la déconnexion des salariés dans l’utilisation des outils numériques, en vue d’assurer le respect des temps de repos et de congé », fasse l’objet de négociations annuelles à partir de 2017. Et ce dans chaque entreprise. Les sénateurs n’ont pas souhaité préciser que l’objectif était aussi de protéger la « vie personnelle et familiale » des travailleurs, ni que les modalités d’exercice de ce nouveau droit devraient obligatoirement prendre la forme (dans les sociétés de 50 salariés et plus) d’une charte, prévoyant a minima des « actions de formation et de sensibilisation à un usage raisonnable des outils numériques ».
Les élus du Palais du Luxembourg ont en revanche rejoint les députés sur un point : en cas de désaccord, c’est l’employeur qui aura le dernier mot. Il déterminera, seul, s’il convient de bloquer les mails de ses salariés durant certaines plages horaires, de former spécialement ses cadres managériaux... ou de ne rien faire de particulier.
Le gouvernement opposé aux « référents numérique »
Pour veiller au respect de ce droit et éviter que les travailleurs ne soient pas trop sollicités dans leur vie privée pour des motifs professionnels (emails, appels téléphoniques, etc.), le socialiste Gaëtan Gorce proposait qu’un « référent numérique » soit nommé « auprès de la direction des ressources humaines » dans les entreprises de plus de 100 salariés. « Il faut favoriser une culture de ces sujets dans l'entreprise. La négociation doit être soutenue par la présence d'un référent numérique de la DRH pour inciter chacun à respecter la charte, comme les référents informatique et libertés », a soutenu le parlementaire dans l’hémicycle.
L’élu s’est toutefois confronté à l’opposition du rapporteur et du gouvernement. « Un référent, pourquoi pas, mais laissons les entreprises s'organiser à leur guise » a fait valoir le premier, Jean-Marc Gabouty. Avant d’être rejoint par la ministre du Travail : « Je ne souhaite pas de règle unique – en l'espèce un référent. » En clair, rien n’empêchera les employeurs de désigner une telle personne au sein de leur personnel (même si rien ne les y obligera non plus...).
« Je rappelle à M. Gorce que ce sont les entreprises qui dépensent beaucoup d'argent en cotisations... » a tenu à déclarer le centriste Olivier Cadic, qui militait de son côté pour la suppression pure et simple des dispositions sur le droit à la déconnexion. « Le droit français permet déjà au salarié de saisir la justice si l'employeur lui demande d'être connecté en-dehors du cadre conventionnel », s'est-il justifié.
Le sénateur a retiré son amendement sur demande du rapporteur, tandis que celui de Gaëtan Gorce fut rejeté. On notera le sort similaire connu par un des amendements proposé par le groupe PS, et qui visait à préciser expressément dans le Code du travail que « le fait de ne pas être connecté à un outil numérique professionnel pendant les temps de repos et de congé ne constitue pas une faute ni un motif de licenciement ». Myriam El Khomri avait donné un avis favorable, contrairement au rapporteur Gabouty, pour qui cela ne faisait que « rappeler une règle existante ».
Restera maintenant à voir si les députés acceptent de maintenir ces dispositions en l’état, ce qui semble peu probable... Or ceux-ci devraient avoir le dernier mot in fine.