Twitter se retrouve une nouvelle fois accusé de laxisme. Jean-Luc Romero, l’adjoint au maire du XIIe arrondissement de Paris, a co-signé hier une lettre ouverte à l'attention du représentant français du réseau social, auquel il demande plus de réactivité face aux messages homophobes.
« Combien de fois nous vous avons transmis des injures et autres menaces de mort dont nous sommes victimes comme des milliers d'autres ? » interrogent Jean-Luc Romero et Jérôme Beaugé, président de l’Inter-LGBT. « Face à cela, votre réponse fut en tout point fort construite et explicite : le silence et le mutisme. » Damien Viel, le directeur général de Twitter France, est ainsi interpellé à de nombreuses reprises : « Comment comprendre que vous laissiez agir un compte dont le nom est "antigayPD"? »
Le règlement du réseau social semble pourtant clair : « Vous ne devez pas directement attaquer ni menacer d'autres personnes, ni inciter à la violence envers elles sur la base des critères suivants : race, origine ethnique, nationalité, orientation sexuelle, sexe, identité sexuelle, appartenance religieuse, âge, handicap ou maladie. » Il est par ailleurs stipulé que les comptes « dont le but principal est d'inciter à faire du mal aux autres sur la base de ces catégories » sont interdits.
Les deux auteurs ont visiblement tenté de signaler différents messages et comptes ne respectant pas ces règles (afin qu’ils soient retirés ou supprimés), en vain. « Twitter est un formidable outil de communication, de transmission, d'information. Cela ne l'est plus à partir du moment où vous le laissez polluer, sans réagir, alors que vous connaissez la réalité des choses. Oui, Monsieur le directeur général, vous laissez perdurer sans réagir une parole LGBTphobe d'ampleur sur Twitter. » Le problème est que « l'homophobie tue », affirment Jean-Luc Romero et Jérôme Beaugé. « La lesbophobie, la gayphobie, la biphobie et la transphobie tuent tous les jours : devons-nous vous rappeler que les jeunes homosexuel-le-s ont a minima trois fois plus de risques de commettre une tentative de suicide que les jeunes hétérosexuel-le-s ? À cela, Monsieur le directeur général, vous y contribuez par votre inaction. »
Twitter déjà sous le coup d'un référé
Depuis 2013, l’association SOS Homophobie dispose d’un compte de « signalant prioritaire » qui fonctionnait « plutôt bien », aux dires de l’organisation, un an après sa mise en place (voir notre article). Même si plusieurs twittos ont été condamnés ces dernières années pour des messages de haine (homophobie, antisémitisme...) – dont un suite à une plainte de Jean-Luc Romero – force est de constater que la modération opérée par Twitter est régulièrement pointée du doigt.
Après une phase de testing aux résultats jugés pour le moins décevants, avec seulement 4 % des contenus signalés qui furent supprimés, SOS Racisme, l’UEJF et SOS Homophobie ont engagé le mois dernier une procédure de référé à l’encontre du réseau social. Selon nos informations, une audience a été fixée au tribunal de grande instance de Paris le 19 juillet.
3 mois de prison avec sursis pour celui qui m'a menacé de mort & proféré des injures homophobes. Même sur @twitter les lois s'appliquent 1/2
— Jean-Luc Romero (@JeanLucRomero) 31 mars 2016
Une « class action » qui paraît bien difficilement engageable
Au-delà de cette lettre ouverte, Le Monde affirme que Jean-Luc Romero « n’exclut pas, à terme, de lancer une « class action » contre le réseau social, si celui-ci n’améliore pas sa politique de modération ». On voit cependant mal comment une telle procédure pourrait être lancée en France, dans la mesure où la loi Hamon limite les actions de groupe à la seule réparation des dommages matériels. Le projet de loi sur la justice du XXIème siècle devrait certes ouvrir ce type de recours aux atteintes relatives à la loi « Informatique et Libertés » (droit d’opposition, fuite de données personnelles...), sauf que les litiges portant sur la modération des messages de haine relèvent de la loi pour la confiance dans l’économie numérique – qui oblige les hébergeurs à retirer promptement un contenu qui leur serait signalé comme manifestement illicite.