E-réputation : Google Inc. enjoint d'effacer les données personnelles d'un Français

Des effets telluriques de la jurisprudence Costejas
Droit 4 min
E-réputation : Google Inc. enjoint d'effacer les données personnelles d'un Français
Crédits : LembiBuchanan/iStock

Un individu n’avait pas apprécié qu’en entrant ses nom et prénom sur Google, le moteur de recherche affiche en tête de ses résultats un lien vers un article intitulé : « Scandale Mr X. (…) impliqué dans une affaire sexuelle envers mineure ». Il a obtenu gain de cause en référé.

Cet article, rédigé dans un style jugé approximatif, dénonce sa prétendue attirance sexuelle pour les mineurs, la commission de plusieurs infractions sexuelles, sans oublier de citer le nom de son employeur ainsi que son adresse professionnelle…

Avant de saisir la justice, la personne mise en cause a frappé à toutes les portes : la CNIL, Pharos, etc. En décembre 2015, l’hébergeur de la page lui a répondu qu’il n’était pas en position de se prononcer sur le bien-fondé de sa demande de suppression. Même barrière chez Google.com : arguant que les pages en causes « contiennent des informations (...) concernant [ Monsieur X.] qui sont pertinentes et à jour », ils estiment que « la référence à ce contenu dans [ses] résultats de recherche est justifiée par l’intérêt du grand public à y avoir accès ». Et Google d’inviter le demandeur à régler plutôt ses comptes avec l’auteur de l’article.

L’intéressé s’est finalement retourné devant la justice, armé de la jurisprudence Costejas de la CJUE qui, outre la reconnaissance d’un droit à l'effacement dans les moteurs, a rappelé que les données indexées ne devaient pas être inadéquates, non pertientes ou excessives.

Seul Google inc. a été mis en cause, non Google France

Au fil de cette procédure, Google France et Google Inc. ont en chœur considéré que l’entité française du moteur devait être mise hors de cause : elle n’est pas « la personne responsable du traitement fautif des données personnelles ».

Saisi en référé, le président du TGI de Paris a validé l’analyse : Google France « n’a pas la qualité de responsable du traitement de données », cette qualité reposant sur les seules épaules de Google Inc. De plus, ce n’est pas Google France qui représente le moteur, son contrat de marketing excluant qu’elle ait le pouvoir d’engager l’entité américaine.

Sur le fond, coup de balai sur les arguments de Google

Pris dans l’étau des affirmations de l’un et des écrits de l’autre, Google répète qu’il ne dispose « d’aucun moyen pour apprécier le caractère inexact du contenu dont le déréférencement est demandé ». Selon lui, le contenu n’est donc pas manifestement illicite. Pire : en effaçant ces informations de ses résultats, ce service en ligne risquerait au contraire « de manquer à son obligation de concourir à la lutte contre la pornographie enfantine », une obligation pesant sur les hébergeurs et les fournisseurs d’accès en application de la LCEN. Dans son intrépide foulée, le moteur va ajouter que ce coup de gomme pourrait même « heurter le droit de l’auteur du contenu litigieux, qui a potentiellement agi comme un lanceur d’alerte, à informer légitimement le public sur un sujet sensible ».

Dans son ordonnance du 13 mai 2016, publiée par Legalis.net, le magistrat va s’appuyer directement sur la jurisprudence de la CJUE sur le droit à l’oubli (ou plutôt droit à l’effacement) pour forger sa décision. Et effectivement, au moins un des liens est « gravement attentatoire à la réputation du requérant ». Google ne peut soutenir que l’auteur de l’article est un lanceur d’alerte : l’information n’est pas démontrée, les infractions sexuelles simplement supposées, etc. Dès lors, « la page web à laquelle il est renvoyé a, à l’évidence, été écrite dans un esprit de vindicte et dans l’intention de nuire personnellement à Monsieur X., en mettant en cause son emploi, alors même que cet emploi est sans aucun rapport avec les faits dénoncés ».

Une atteinte directe au droit à la protection des données personnelles

Contrairement à ce que soutenait Google, le demandeur, qui avait un casier judiciaire vierge, a donc bien démontré que « le référencement de ce lien, en première page des résultats générés en entrant ses nom et prénom dans le moteur de recherche « Google », a directement porté atteinte au droit à la protection de ses données personnelles, sans que cette atteinte soit légitimée par le droit à l’information légitime du public ». Au regard de ce trouble manifestement illicite, le président du TGI va enjoindre Google Inc. de supprimer ou déréférencer le lien des résultats, du moins pour les seule requêtes formées à partir des mots « M » et du titre de l’article. Google a été condamné en outre à verser 2 500 euros au plaignant titre de ses frais de justice.

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