Agacée de voir qu'il est aujourd'hui impossible de faire une demande de procuration sur Internet, la députée Colette Capdevielle a poussé un sacré coup de gueule, hier, durant la commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi Égalité et citoyenneté. L’élue PS voudrait que l’État développe un « compte électeur numérique », qui permettrait également de s’inscrire sur les listes électorales.
La parlementaire avait déposé un amendement à cet effet, mais celui-ci a été jugé irrecevable pour des raisons financières (en principe, les députés ne peuvent pas créer de nouvelles charges sans prévoir une compensation de celles-ci). Colette Capdevielle a néanmoins profité de l’examen d’un autre amendement, destiné à généraliser la transmission administrative des procurations de vote par voie électronique, pour faire entendre son mécontentement sur ce dossier.
« Aujourd'hui, il n’est quand même absolument pas normal que les électeurs qui souhaitent voter et donner une procuration fassent la queue pendant deux, trois, quatre, cinq heures dans des commissariats de police et des palais de justice – qui ont réellement autre chose à faire que de recevoir des procurations, [et] qui en plus n'arrivent pas en temps et en heure dans les bureaux de vote » a déploré l’élue. « On ne peut pas continuer à faire ainsi ! » s’est-elle emportée, pointant en outre les « grosses difficultés » rencontrées par les personnes « qui doivent perdre une journée s'ils veulent vraiment donner une procuration ».
Un « compte électeur numérique » pour toutes les démarches en ligne
Aujourd’hui, quel que soit le lieu de résidence, il faut en effet se rendre au commissariat, au poste de gendarmerie ou au tribunal d’instance pour déposer une demande de procuration – ce qui est bien souvent incompatible avec des horaires de bureau. Une fois enregistrée, la procuration est ensuite transmise à la mairie concernée, afin que les listes électorales soient actualisées en conséquence. « J'interpelle le gouvernement à ce sujet, a poursuivi Colette Capdevielle. Je sais que c'est interministériel, mais on peut difficilement imaginer que chaque électeur n'ait pas un compte numérique et qu'il ne puisse pas, de manière électronique, délivrer une procuration ! »

Son idée, qui n’aura finalement pas pu être débattue : que chaque votant puisse se créer un « compte électeur » sur une plateforme officielle, qui permettrait aussi bien de s’inscrire sur les listes électorales (notamment en cas de déménagement) que de faire une demande de procuration – voire même, sur la base du volontariat, de recevoir la propagande électorale. « Dans un contexte où l’abstention ne cesse de croître », ce service en ligne « permettrait de remédier à de nombreuses contraintes liées à l’exercice de la citoyenneté » expliquait Colette Capdevielle dans son exposé des motifs. La députée ajoutait que le tout pourrait d’ailleurs être relié au dispositif d’authentification FranceConnect « et ainsi bénéficier des mêmes garanties en matière de sécurité ».
Pas de transmission par voie électronique au sein de l'administration
Visiblement embarrassé, Patrick Kanner, le ministre de la Ville, de la jeunesse et des sports, n’a pas répondu directement à l’élue – d’autant que ce dossier relève avant tout du ministère de l’Intérieur. L’intéressé a simplement émis un avis défavorable à l’amendement destiné à généraliser la transmission par voie électronique des procurations (uniquement entre forces de l’ordre et mairies, comme nous l’avons vu mardi), expliquant : « L'amendement va dans le sens de l'histoire, personne ne peut le nier. Mais il [relève] du domaine réglementaire et techniquement, nous pourrions avoir beaucoup de difficultés à le mettre en œuvre d'ici la prochaine échéance électorale », à savoir l’élection présidentielle de 2017.
Audrey Linkenheld a finalement préféré le retirer « pour l’instant », ce qui signifie qu’elle pourrait le redéposer en vue des débats en séance publique, qui débuteront le 27 juin. On imagine que Colette Capdevielle devrait en faire de même, après avoir trouvé une solution pour lever l'irrecevabilité financière de son amendement.
Ce n’est pas la première fois que des parlementaires tentent d’interpeller l’exécutif sur ce dossier, sans que le gouvernement ne se positionne réellement... Lors des débats relatifs au projet de loi Numérique, Axelle Lemaire avait également fait valoir que ce type de réforme relevait du champ réglementaire, et non législatif. Le rapporteur Luc Belot (PS) était surtout monté au créneau pour expliquer à Colette Capdevielle qu’il lui semblait « essentiel de pouvoir continuer à vérifier l’identité des électeurs », ce qui n’est pas forcément aisé lors des procédures à distance...
La dématérialisation des demandes de procuration mais aussi – et surtout – des démarches d’inscription sur les listes électorales fait pourtant partie des mesures régulièrement mises en avant dans les rapports se penchant sur le problème de l'abstention.