La France vient de notifier à la Commission européenne un nouvel article du projet de loi Numérique, relatif cette fois à l'accessibilité des sites Internet publics aux personnes handicapées. Les dispositions en question ne pourront donc pas entrer en vigueur la mi-septembre, dans le meilleur des cas.
Le gouvernement continue de soumettre (par petits morceaux) le texte porté par la secrétaire d’État au Numérique, comme l’y oblige la législation européenne dès lors que de nouvelles normes touchant aux services de la « société de l'information » sont en gestation. Cette procédure est censée permettre à la Commission et aux autres États membres de l’UE de faire d’éventuelles remarques. Lesquelles peuvent se transformer, en cas de probable contradiction avec les règles en vigueur sur le Vieux continent, par un avis circonstancié de Bruxelles.
Le défaut d'accessibilité désormais passible de sanction pour les administrations
Cette fois-ci, c’est le ministère des Affaires sociales et de la santé qui a communiqué à l’exécutif européen l’article 44 du projet de loi Numérique. Ce dernier contraint l’État, les collectivités territoriales, les organismes délégataires d'une mission de service public, les sociétés bénéficiant d'un financement public et les entreprises « fournissant des services d'intérêt général » à proposer des services de communication au public en ligne « accessibles aux personnes handicapées ». Autrement dit, ces dispositions couvriront aussi bien les traditionnels sites Internet que les applications pour smartphone, les intranets, etc.
Plus concrètement, les acteurs publics devront élaborer un « schéma pluriannuel de mise en accessibilité », qui sera « rendu public et décliné en plans d'actions annuels ». La durée de chacun de ces plans ne pourra être supérieure à trois ans.
Pour que le public sache rapidement si tel ou tel site permet à des personnes malvoyantes ou sourdes de profiter de l’ensemble de ses contenus dans de bonnes conditions, chaque page d’accueil sera censée comporter « une mention clairement visible » précisant si le site visité est conforme aux règles relatives à l'accessibilité (le fameux « RGAA »). Un lien devra enfin être intégré, lequel renverra vers le schéma de mise en accessibilité correspondant ainsi que vers un dispositif de signalement d’éventuels manquements.
La véritable nouveauté réside dans le fait que les contrevenants s’exposeront désormais à une sanction administrative dont le montant, qui ne pourra excéder 5 000 euros, sera fixé par décret en Conseil d’État. « Une nouvelle sanction est prononcée chaque année lorsque le manquement à ces dispositions perdure », précise en outre le texte notifié hier à Bruxelles – issu des débats sénatoriaux. Aujourd’hui, les sites publics qui ne respectent pas les règles d’accessibilité ne risquent qu’une inscription sur « liste noire » (qui n’a jamais vu le jour, en dépit des nombreuses mises à l’index sur ce terrain).
Trois mois de statu quo
Faut-il comprendre que ces dispositions sont destinées être entérinées telles quelles par la commission mixte paritaire chargée de trouver un compromis entre l’Assemblée nationale et le Sénat ? « Ce sont les élus qui trancheront sur ces questions-là. Je suis d’ailleurs très sensible aux prérogatives des parlementaires. Si on estime, sénateurs et députés, qu'il y a des articles qui nécessitent une amélioration législative, on ne se privera pas » nous avait clairement répondu le Luc Belot, rapporteur pour l’Assemblée nationale. Sur cet article-là, les différences sont toutefois assez mineures (périmètre d’acteurs concernés, plus large dans la version du Sénat, notamment).
Fin du suspense le 29 juin, jour de réunion de la « CMP ». Quelle qu’en soit l’issue, l’article notifié hier à Bruxelles ne pourra entrer en vigueur avant trois mois – période dite de « statu quo » oblige. En espérant qu’aucune disposition ne fasse tiquer la Commission européenne (contrairement à ce qu’il s’est passé à propos de la loyauté des plateformes). « Tout est une question d'interprétation des directives, et notamment celles relatives au commerce électronique et aux pratiques commerciales déloyales. Aucune des dispositions de mon projet de loi ne contrevient au droit européen et je suis particulièrement vigilante à ne pas créer des mesures qui ne s’appliqueraient qu’aux entreprises françaises » nous avait néanmoins assuré Axelle Lemaire.
Si députés et sénateurs ne parvenaient pas à un accord, l'entrée en vigueur de cet article dépendrait bien entendu de la reprise de la navette parlementaire.