Alors que le gouvernement a lancé son application spéciale « alerte attentats » la semaine dernière, le député Luc Belot n’en démord pas. Il préférerait que les opérateurs soient tenus d’envoyer des SMS d’alerte géolocalisés.
« L’application du ministère de l’Intérieur est très bien. Je l'ai installée. Si un jour il y a besoin, elle me préviendra. Le problème, c'est qu'on ne s'adresse pas à tous » regrette l’élu PS, joint par Next INpact. Le rapporteur du projet de loi Numérique à l’Assemblée nationale a bien du mal à cacher son agacement face aux lacunes de cette solution officielle dévoilée quelques jours avant le lancement de l’Euro :
« Quand on ne s'adresse qu'à des possesseurs de smartphone, on écarte une partie de la population. Quand on ne s'adresse qu'à des possesseurs de smartphone iOS et Android, on écarte une autre partie de la population. Quand on ne s'adresse qu’aux personnes qui ont installé l'application, on écarte encore une autre partie de la population... Donc on restreint à chaque fois le public cible, alors qu’on pourrait envoyer un message d’alerte à toutes les personnes qui ont un téléphone portable dans une zone. Ça me paraîtrait tellement plus pertinent, tellement plus simple... Quand on voit la période qu'on traverse, je me dis que c'est quand même incroyable de ne pas en être arrivé là ! »
Luc Belot peste également contre le fait que « la géolocalisation demande à ce qu'on active en permanence le GPS, ce que la plupart des utilisateurs ne veulent pas faire parce que ça bouffe énormément de batterie ». Il est évidemment possible de désactiver cette fonctionnalité, au profit d’un système d’alerte basé sur certains codes postaux présélectionnés par l’utilisateur. Ce qui s’avère toutefois moins pertinent qu’une géolocalisation en temps réel...
La Place Beauvau invitée à s’expliquer
« Aujourd'hui, on peut soit demander aux opérateurs d'envoyer un message d’alerte à tous les téléphones qui se trouvent autour d’une antenne, soit avoir, avec des systèmes de triangulation, une capacité à dire : entre trois antennes, je couvre telle rue ou tel bâtiment, et je ne couvre pas tel ou tel autre. Il existe vraiment des solutions qui permettent d'avoir une géolocalisation extrêmement précise. C'est le schéma sur lequel je suis depuis plusieurs mois » rappelle le député.
Lors des débats relatifs au projet de loi de réforme pénale, le gouvernement s’est toutefois opposé à son amendement ouvrant la voie au déploiement d’un tel dispositif, en cas d’attentats ou de catastrophes naturelles. Tandis que la rapporteure Colette Capdevielle affirmait que les dispositions proposées par Luc Belot lui semblaient « relever bien plus du champ réglementaire que du champ législatif », Bernard Cazeneuve s’est contenté d’un simple « même avis » (voir notre compte rendu des débats).
« Aujourd'hui, je n'ai pas de réponse du ministère de l'Intérieur sur le refus de ma proposition. S'ils en ont, je veux bien les entendre » explique Luc Belot. Le parlementaire a de ce fait transmis ce matin une question écrite à Bernard Cazeneuve, « pour aller jusqu'au bout et savoir exactement ce qu'il en est ». Il lui demande solennellement, après un courrier resté sans réponse, de bien vouloir lui indiquer « les intentions du gouvernement par rapport à l'ouverture aux opérateurs de communications électroniques, de la possibilité de géolocaliser leurs clients en cas de catastrophe ou d'attaques terroristes ».
« Ne perdons pas de temps ! »
Même si la Place Beauvau n’a pas détaillé ses arguments au député, plusieurs éléments ont malgré tout été mis en avant ces dernières semaines, notamment concernant une possible saturation des réseaux que pourrait induire un envoi massif de SMS d’alerte. « Non, un SMS de quelques signes, ça ne sature pas un réseau sur une antenne, rétorque Luc Belot. Vous l'envoyez une seule fois... » Avant d’insister : « Les opérateurs me certifient que ça ne pose aucun problème. »
Quant au fait que sa proposition ne nécessite pas forcément de changement d’ordre législatif, il affirme : « Je voulais pouvoir blinder les choses en le prévoyant dans le Code des postes et des communications électroniques. Maintenant, si ça n'y est pas et qu'on n'a pas besoin que ça y soit, tant mieux. Mais ne perdons pas de temps : faisons-le tout de suite ! »
L’article D98-8-7 du CPCE prévoit en effet qu’un opérateur peut être tenu de prendre « les mesures nécessaires pour transmettre à ses utilisateurs les messages d'alerte et d'information des pouvoirs publics destinés au public pour l'avertir de dangers imminents et atténuer les effets de catastrophes majeures ». Seul hic, les « modalités de transmission des messages et de juste rémunération des coûts afférents » doivent être fixées par une convention entre le ministère de l'Intérieur et les opérateurs. « Il faut relativiser ces histoires de coût, ça ne représente rien... Et en plus, je pense qu’on pourrait demander aux opérateurs de le prendre à leur charge, ça ne leur coûte rien. C'est l'État qui réquisitionnerait les opérateurs pour prévenir les gens en cas de danger, point. Je pense que ça ne posera aucun problème à quelque opérateur que ce soit », assure Luc Belot.
En théorie, le ministre de l’Intérieur dispose de deux mois pour lui apporter une réponse (même si ce délai est bien souvent dépassé).