Aux parlementaires, Bouygues Telecom et SFR annoncent leur stratégie pour l'avenir

Des réseaux, des box et des contenus
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Aux parlementaires, Bouygues Telecom et SFR annoncent leur stratégie pour l'avenir
Crédits : OcusFocus/iStock

Bouygues Telecom et SFR étaient les invités des députés et sénateurs pour parler du marché, de leur stratégie et de quelques sujets qui fâchent. Quand Bouygues Telecom se voit (enfin) pérenne, SFR mise sur ses propres réseaux pour dominer le marché, quitte à désapprouver les initiatives publiques.

À quelques heures d'intervalle, Bouygues Telecom était écouté par les députés et Patrick Drahi, propriétaire de SFR, par les sénateurs. Deux auditions sur des sujets proches, mais avec des visions parfois aux antipodes sur un marché qui se remet doucement de ses derniers mouvements, et avance au pas de course sur le très haut débit fixe et mobile.

Du côté de Bouygues Telecom, le principal sujet pour Olivier Roussat était le retour au vert de la société au premier trimestre. Après le rachat manqué par Orange et un bon premier trimestre, l'entreprise s'estime pérenne après une longue traversée du désert. « Le chiffre d'affaires mobile est revenu en croissance, après 20 trimestres consécutifs de baisse », pour revenir au niveau de début 2010, targue le PDG de l'opérateur. Celui-ci a gagné 240 0000 clients mobiles et 71 000 clients fixes, rappelle-t-il.

La concentration n'est pas pour demain

Si Bouygues Telecom se dit pérenne, c'est dans un marché constant. « Je pense que le marché est durablement structuré à quatre opérateurs » affirme le dirigeant, pour qui cette situation est soutenable. Il rappelle d'ailleurs que les autorités européennes poussent pour maintenir le nombre d'opérateurs dans chaque pays, même en cas de rachat de ou fusion.

Après sa restructuration, l'état de santé de Bouygues Telecom permet à l'entreprise « de faire face à ses différents engagements », insiste-t-il. Il tient d'ailleurs à rappeler que, malgré le rachat manqué par Orange, Bouygues Telecom n'était pas volontairement à vendre. 

Roussat en profite pour revenir brièvement sur les négociations du début d'année, qui ont capoté suite à un désaccord entre les parties prenantes. « Il y a eu, dans les quatre acteurs dans la discussion, un acteur qui demandait des conditions qui rendaient les choses impossibles » résume-t-il. Une pique à Free, qui a été régulièrement accusé lors des négociations d'avoir eu des demandes trop importantes pour ce qu'il était prêt à engager.

De son côté, SFR ne voit pas forcément le marché à quatre perdurer pendant une décennie. Il ne compte pas non plus précipiter un retour à trois acteurs nationaux. « La consolidation dans le secteur des télécoms n'est pas indispensable à mon entreprise » lance-t-il. Selon lui, SFR se voit numéro un ou deux du marché (avec actuellement près d'un tiers de ses revenus), et voit peu de risques de passer troisième ou quatrième.

Le propriétaire de SFR regrette d'ailleurs la situation autour de Bouygues Telecom, qu'il avait souhaité racheter. Pour lui, le rachat par Orange était impossible, même si l'État s'y montrait positif. Un luxe qu'il n'aurait pas eu dans sa tentative. « Quand l'État ne veut pas, ce n'est pas la peine d'insister » note-t-il, estimant que l'affaire aurait été réglée en trois mois s'il avait pu tenter lui-même de racheter la filiale de Bouygues.

Bouygues mutualise pour réduire ses coûts

Pour Bouygues Telecom, l'heure est au très haut débit et des offres à bas coût, via des coinvestissements... Même si les forfaits B&You ont récemment subi une hausse de prix. Sur le mobile, donc, cela se traduit par « Crozon », le projet de réseau mutualisé sur 58 % de la population avec SFR, qui doit être finalisé en 2018. Pour Olivier Roussat, cela « nous permet d'apporter la 4G beaucoup plus loin », pour un coût divisé par deux. La cible est claire : Orange.

« Nous allons mettre 40 % de sites supplémentaires sur le réseau Bouygues Telecom, de la fin de l'an dernier au début 2018. L'objectif que nous nous sommes fixé est d'être présents dans toutes les communes où Orange est actuellement présent. Nous y consacrons des centaines de millions d'euros » vante Olivier Roussat, qui rappelle que cela amènera deux nouveaux opérateurs (Bouygues Telecom et SFR) dans des zones avant réservées à Orange.

Sur le fixe, l'opérateur ne déploie pas en propre de fibre optique, mais finance les investissements de SFR en zone très dense et d'Orange en zone moins dense, dont il obtient une partie des prises. Cela tout en louant le réseau câble de SFR (voir notre analyse). L'idée est de pouvoir proposer des offres à bas prix sur l'ADSL et la fibre.

Le choix d'une box Android standardisée (la Bbox Miami) y contribue. « On a fait le choix d'une box complètement sous Android, qui est le moyen pour nous d'apporter le plus d'innovation possible. [...] Une box Android était le moyen pour nous d'abaisser considérablement le coût de production d'une box, et de permettre d'avoir des offres à 20 euros » détaille le patron de Bouygues Telecom.

Pour Patrick Drahi, qui a multiplié les rachats à l'étranger, « ce n'est pas bon de brader les prix sur son marché domestique, cela empêche l'expansion à l'international ». Cela alors que le revenu moyen par abonné a atteint un bas historique, et que les promotions sont encore récurrentes chez l'opérateur, notamment via sa marque RED.

Pour Drahi, SFR a bien repris ses investissements

Patrick Drahi a des mots durs pour la société qu'il a acquise. Il dit par exemple avoir « trouvé un réseau sous-investi ». En un an, il a pu diviser par deux le coût d'un déploiement, tout en le multipliant par trois les investissements. Il indique ainsi avoir doublé la couverture 4G pour passer de 33 % à 65 % de la population, pour un investissement passé de 1,4 à 2,3 milliards d'euros en un an.

Surtout, Drahi continue de vanter son « avance considérable » sur la « fibre » face à Orange, mélangeant toujours son réseau FTTH (fibre jusqu'à l'abonné) et son réseau câble. « Le débat cable-fibre n'existe qu'en France. Ce qui compte, c'est le débit qu'on apporte à l'abonné » estime-t-il. Cela alors que l'entreprise a renommé ses offres « fibre » en offres « très haut débit », dans un énième chamboulement de sa grille, pour se conformer à un arrêté de Bercy sur cette appellation. Rappelons que les offres câble sont limitées techniquement face à la fibre, notamment en débit montant.

D'ailleurs, « le plan fibre ne me convient pas », lance le patron. « Le déploiement de la fibre ne s'est pas fait parce que le gouvernement a voulu lancer un plan fibre » rappelle-t-il à juste titre, qui attribue ce mouvement au poids de son propre réseau très haut débit (câble). Reste que la structure actuelle du marché a bel et bien été aidée par les choix politiques de ces dernières années, comme nous l'analysions il y a quelques mois.

SFR ne veut pas aller sur les réseaux d'autres opérateurs

Dans ce domaine, la position de Patrick Drahi est claire : « Je ne veux pas être locataire des réseaux des autres, même de la puissance publique ». En clair, SFR n'est pas prêt d'arriver sur les réseaux d'initiative publique qu'il ne construit pas, soit aujourd'hui la grande majorité d'entre eux. Pour rappel, ceux-ci doivent amener le très haut débit aux 43 % de la population que les opérateurs nationaux ne fibreront pas en propre, cela via des financements publics.

SFR se dit même plutôt prêt à racheter des réseaux de collectivités, plutôt que d'y fournir ses box. Un discours qui tranche avec la doxa du gouvernement, qui compte justement tout faire pour amener les FAI nationaux sur ces nouveaux réseaux publics. De même, SFR ne souhaite pas louer son réseau à Orange en zone moins dense (villes de taille moyenne), qu'il couvre aux deux tiers. SFR veut pouvoir déployer dans les zones où Orange propose de la fibre, quitte à faire doublon. De quoi briser les accords passés jusqu'à présent.

En contrepartie, « SFR sera très actif sur les nouveaux appels à candidatures sur les réseaux d'initiative publique », pour les construire lui-même. D'ailleurs, « si on est présent sur les RIP, c'est pour être premiers », lance encore Drahi.

En contraste, Bouygues Telecom insiste sur la difficulté de financer un réseau fibre sur toute la France... Déjà que les opérateurs peinent à la couvrir entièrement sur le mobile. « Ayons bien à l'esprit que le déploiement de la fibre dans une commune est infiniment plus coûteux que la pose d'un pylône » estime Olivier Roussat, pour qui la fibre pour tous n'arrivera simplement pas. Déployer la fibre dans un village de quelques centaines d'habitants « coûte une fortune » insiste-t-il.

Bouygues semble plus enthousiaste à propos de la 4G dans ces zones, qui pourrait se traduire par de la 4G fixe pour l'opérateur. Reste que l'opérateur commercialisera les réseaux d'initiative publique en zones rurales construits par Axione (une autre filiale du groupe Bouygues) d'ici la fin de l'année. Pour ensuite fournir leurs offres sur d'autres réseaux. Une nouveauté importante, alors que la séparation des deux entités était consacrée jusqu'ici.

Drahi dit sauver la presse, mais refuse de parler TVA

Reste le sujet de SFR Presse, l'éléphant dans la pièce sur lequel Drahi s'est montré sur la défensive. Alain Duran, sénateur de l'Ariège, a ainsi rapidement posé la question qui fâche : celle de l'application d'une TVA à 2,1 % (celle de la presse) sur une partie des abonnements du groupe, qui a produit des factures à TVA négative le mois dernier (voir notre enquête). Le parlementaire se demande simplement si cette pratique ne risque pas de faire perdre de l'argent à l'État français. La réponse de Drahi ne viendra jamais.

Pendant son audition, le propriétaire d'Altice s'est défendu de toute ingérence dans les contenus. Mieux même : il a sauvé ces titres sans demander de contrepartie. « Je suis très fier de ce que j'ai fait pour la presse. J'ai trouvé un modèle économique en l'intégrant dans un groupe télécom » a-t-il déclaré. Il affirme que ces titres, dont Libération et L'Express, « sont vus tous les matins par des centaines de milliers de personnes, plutôt que quelques milliers ».

Il explique qu'il numérise ces titres, en les amenant vers la vidéo, plutôt que vers l'écrit auquel il ne voit pas d'avenir seul. En clair, il mise sur la « télévision », ce qui explique le rapprochement des titres écrits et des télévisions du groupe (BFM) dans une même enceinte.

Face à cela, Bouygues Telecom se vante d'être l'acteur le plus ouvert du marché. « Nous sommes absolument aux antipodes de cette approche, bien qu'ayant TF1 au sein du groupe Bouygues. Nous ne pensons pas qu'une approche fermée soit fermée, mais que nos clients doivent avoir le choix de regarder ou de lire ce qu'ils souhaitent » a taclé Olivier Roussat.

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