Faut-il accorder un nouveau droit voisin aux éditeurs de presse, pour les articles diffusés en ligne ? Le sujet questionne la Commission européenne. Au ministère de la Culture, le Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique s’en est emparé, histoire de nourrir la contribution française.
Voilà quelques jours, sur demande de la ministre Audrey Azoulay, le CSPLA a confié une nouvelle mission à Laurence Franceschini, celle qui occupe le poste de « personnalité qualifiée » en son sein et à la Hadopi. Comme signalé par la Correspondance de la presse, Il s’agira en substance, de déterminer les conséquences juridiques et économiques d’un tel scénario, à l’étude à la Commission européenne (voir capture de la lettre de mission, ci-dessous).
Armé d’un nouveau droit voisin, les éditeurs pourraient faire payer une redevance aux moteurs de recherche chaque fois qu’un de leur contenu est référencé. Le temps presse puisque ce rapport, qui devra être nourri par une consultation des membres du Conseil et spécialement ceux de la presse, est programmé pour le 30 juillet prochain. Heureusement, ces derniers ont défriché le terrain de longue date, notamment au sein de l’association de la pression d’information politique et générale (IPG).
Un sujet déjà défriché en France
En 2012, cette structure avait ébauché une proposition de loi sur les « droits voisins pour les organismes de presse ». Dans sa logique, l’utilisation de liens par les moteurs, vers des articles de presse aurait été sanctionnée pénalement sauf cas particulier. Celui du paiement préalable d’une « rémunération » du moins si les liens visent le public français et « permettent d’accéder aux contenus de presse présents sur leurs sites Internet ».
Pour quel montant ? La PPL pariait sur un accord entre le milieu de l’édition et les acteurs en ligne, ou à défaut, sur l’intervention d’une commission administrative paritaire.
Des tentatives plus ou moins heureuses dans les États membres
Le sujet a fait l’objet de différents cas concrets, notamment en Allemagne ou en Espagne. En 2014, au-delà des Pyrénées, née de la grande loi sur la propriété intellectuelle, la « Canon AEDE » est une redevance au profit de l’Asociación de Editores de Diarios Españoles calibrée pour frapper l’ensemble des agrégateurs de contenus, tels Google News ou Yahoo News. Mais, après la menace de la firme de Mountain View de ne plus référencer les titres locaux, une cohorte d’éditeurs ont préféré en appeler à la Commission européenne.
Des éditeurs belges avaient aussi attaqué le géant américain pour contrefaçon de leurs articles notamment sur le portail d’actualité. En 2011, la justice l’avait obligé à « retirer des sites Google.be et Google.com, plus particulièrement des liens « en cache » visibles sur « Google Web » et du service « Google News », tous articles, photographies et représentation graphiques des éditeurs belges de presse quotidienne francophone et germanophone ». Une excellente nouvelle qui a fini dans un mur. Google avait là aussi procédé à un déréférencement général, obligeant les parties à opter pour un accord commercial.
Le taxi et le restaurant
Le sujet est juridiquement épineux, en partie en raison de la jurisprudence en gestation au sein de la Cour européenne sur la liberté de lier (vers un contenu licite ou illicite). Économiquement, il soulève aussi des interrogations. En 2012, auditionnés par la mission Lescure, des représentants de Google France avaient considéré qu’ « exiger de Google une rémunération au motif que son moteur de recherche dirige des lecteurs vers les sites de presse n’a pas plus de sens que d’exiger d’un chauffeur de taxi qui conduirait un client à un restaurant de rémunérer ce restaurant au motif qui lui amène un client. »