Alors que le très haut débit continue de grignoter des abonnés à l'ADSL, les réseaux publics commencent à sortir de terre. L'ARCEP leur consacre son premier observatoire dédié, avec des chiffres peu flatteurs pour ces nouveaux acteurs.
Hier soir, l'ARCEP a publié son observatoire de l'Internet fixe pour le premier trimestre, qui illustre la poursuite des déploiements des réseaux très haut débit (plus de 30 Mb/s en téléchargement). Alors que le câble montre un léger infléchissement, la fibre optique et les lignes entre 30 Mb/s et 100 Mb/s continuent d'attirer des abonnés.
Surtout, cette édition inaugure l'observatoire du déploiement et de la commercialisation des réseaux d'initiative publique, déployés par les collectivités, et sur lesquels les fournisseurs d'accès peinent encore à proposer leurs offres. Les habitants éligibles à la fibre ont ainsi bien moins le choix de leur opérateur que leurs homologues des villes directement fibrées par les acteurs nationaux. Globalement, la situation semble bien profiter à l'opérateur historique, qui compte encore pour la majorité des recrutements.
Le très haut débit : 31 % des abonnés Internet
Au 31 mars, la France comptait près de 27,1 millions d'abonnés haut et très haut débit, soit 210 000 de plus en un trimestre. Sans surprise, le réseau ADSL continue de perdre des abonnés, au profit des réseaux très haut débit. Le nombre de lignes haut débit actives passe ainsi à 22,6 millions (-55 000 en un trimestre). Le très haut débit, lui, passe à 4,5 millions d'abonnés, tout rond.
Le très haut débit compte maintenant pour 31 % du parc total, soit 6 points de plus qu'il y a un an. Dans le détail, le pays compte 1,585 million de lignes en fibre jusqu'à l'abonné (FTTH), soit 160 000 recrutements sur trois mois. Face à cela, le câble connaît une très légère baisse des abonnements (-25 000), pour passer à 1,175 million. Mais le THD reste dominé par les abonnements entre 30 Mb/s et 100 Mb/s, en câble et VDSL2, qui sont au nombre 1,740 million (+100 000).
Le nombre d'abonnés aux trois réseaux continue globalement de progresser. Ils sont 263 000 de plus sur le trimestre et 1,2 million en un an. Sur ces 1,2 million de nouveaux abonnés, 500 000 sont passés à la fibre... Dont environ 400 000 chez Orange, qui domine les recrutements. L'opérateur compte 1,075 million d'abonnés sur les 1,585 de clients FTTH français. Une situation que nous avons étudiée en détails dans une récente analyse.
La concurrence devrait tout de même s'animer hors des zones très denses, avec l'ouverture commerciale des zones moins denses (les villes de moyenne importance) par Free Mobile et Bouygues Telecom ces derniers mois. Cela alors que l'opérateur historique restera sûrement l'acteur qui déploie le plus de fibre dans le pays, au gré de ses accords de coinvestissement avec ses concurrents.
40 % des lignes éligibiles au FTTH n'ont pas le choix du FAI
Côté réseau, le pays compte 14,8 millions de lignes à très haut débit, dont 9,8 millions au-dessus de 100 Mb/s. Elles comptent notamment 8,8 millions de lignes câble, dont 7,3 millions à 100 Mb/s ou plus. Ce sont donc 300 000 prises qui ont été « modernisées » sur le dernier trimestre. En parallèle, 415 000 lignes FTTH supplémentaires ont été posées, pour un total de 5,97 millions.
La barre des 6 millions de prises FTTH sera donc assurément passée au deuxième trimestre, même si celles-ci restent encore majoritairement cantonnées à une partie restreinte du pays : les zones très denses, à savoir les grandes agglomérations, les plus rentables pour les opérateurs. « Parmi ces logements, 2 413 000 sont situés en-dehors des zones très denses, et 850 000 sont éligibles via des réseaux d'initiative publique » indique ainsi l'ARCEP. Le câble et le VDSL2 composent donc la majorité des lignes très haut débit en dehors de ces métropoles.
Au total, environ 15 % des prises FTTH ont été déployées par l'initiative publique, c'est-à-dire des collectivités. Cette proportion passe à environ 25 % dans les zones les moins denses et risque encore d'augmenter dans les mois à venir, au fil des lancements des travaux, département par département.
Reste une dernière donnée importante : 40 % des lignes éligibles à la fibre jusqu'à l'abonné n'ont pas le choix de leur opérateur. Sachant que l'acteur au réseau le plus large est aujourd'hui Orange, avec 5,5 millions de prises sur les près de 6 millions de logements éligibles. Un recul du choix par rapport au dernier trimestre, où ils étaient 38 %.
Un observatoire de la commercialisation des RIP
Dernier sujet de l'observatoire, et pas des moindres : les réseaux d'initiative publique, menés par les collectivités locales dans les zones où les opérateurs privés n'ont pas manifesté l'intention de déployer de la fibre. Soit 43 % de la population et la majeure partie du territoire.
Alors que les premiers RIP, montés dans les zones les moins denses du territoire, commencent à sortir de terre, la question de leur commercialisation se pose de plus fortement. En clair, les réseaux publics en fibre sont là, mais les fournisseurs d'accès ne se bousculent pas au portillon, loin de là. Comme ils nous l'expliquaient il y a peu, la question est avant tout technique.
Pour les FAI nationaux, l'intérêt de se connecter à plusieurs dizaines de réseaux différents (presque un par département), pour quelques dizaines de milliers de prises à chaque fois, n'est pas rentable. Surtout que la concurrence n'est pas encore assez présente pour les pousser à passer le pas. De même, certains utiliseraient cet argument technique pour obtenir la construction des réseaux, arguant que c'est le seul moyen de proposer rapidement leur box. De son côté, Bercy travaille à harmoniser les conditions techniques de ces réseaux, par exemple via une plateforme d'interconnexion entre ces réseaux.
En attendant, l'ARCEP intègre des données plus détaillées à leur sujet. L'autorité commence cette fois par le taux de mutualisation des lignes, c'est-à-dire la part éligible aux offres d'au moins deux fournisseurs d'accès. Et le résultat n'est pas encore fameux.
« Ainsi, sur les 611 000 prises FTTH éligibles dans les RIP de la zone moins dense, le taux de mutualisation s'établit à 30 % des prises, pour un taux moyen de mutualisation de 60% pour tous les réseaux sur l'ensemble du territoire » écrit le régulateur. En clair, deux fois moins de lignes ont le choix de leur FAI que la moyenne nationale. Une paille. Les efforts des opérateurs et du gouvernement, ainsi que l'émergence d'une concurrence locale dynamique (qui pointe le bout de son nez), devraient rapidement aider à améliorer cette situation.
De son côté, l'ARCEP affirme que cet observatoire « sera progressivement enrichi de nouveaux indicateurs spécifiques, au fur et à mesure de leur disponibilité ». Rendez-vous au prochain trimestre !