L'UFC-Que Choisir vient d'obtenir, après quatre ans de procédure, la condamnation de SFR pour 22 clauses abusives ou illicites disséminées dans ses contrats. La décision encore susceptible d'appel, prévoit le versement de 30 000 euros de dommages et intérêts.
En ce moment, les tribunaux ne réussissent pas au groupe SFR. L'entreprise et Altice ont déjà été épinglés conjointement par l'autorité de la concurrence pour le sabordage d'Outremer Telecom. Un peu plus tôt, la DGCCRF infligeait à l'opérateur une amende de 375 000 euros pour des retards de paiement chroniques. En mars dernier, la marque au carré rouge se faisait aussi rappeler à l'ordre par la brigade de répression des fraudes au sujet de frais de non-restitution des box indûment facturés à certains clients.
Un nouveau revers vient de s'ajouter à cette liste, l'UFC-Que Choisir venant en effet d'obtenir gain de cause après quatre années de procédure. L'association de consommateurs pointait du doigt un lot de clauses qu'elle estimait abusives ou illicites. Le tribunal de grande instance de Paris a jugé que c'était bien le cas pour 22 d'entre elles.
Un détail cloche sur la disponibilité du réseau
Parmi les principales clauses dénoncées par l'UFC-Que Choisir une concerne l'obligation de disponibilité du réseau. Dans les conditions communes aux offres d'abonnement, du moins jusque dans la version publiée en avril 2015 on pouvait lire ceci : « En application des dispositions visées à l’article L 121-83 du code de la consommation, SFR s’engage, à l’égard de chacun de ses abonnés, à assurer, en zone couverte, une disponibilité de l’accès à son réseau à hauteur de 90 % chaque mois calendaire pour les différents services (voix, SMS et accès à l’internet mobile) ».
Selon l'UFC, cette clause et ses équivalents retrouvés dans d'autres contrats de la marque sont « abusives au motif qu’elles sont de nature à faire croire aux abonnés que l’opérateur ne serait pas tenu à une obligation de résultat s’agissant de l’accessibilité au réseau en zone déclarée couverte ». SFR se défend en expliquant que ces critères répondent à ceux indiqués par l'ARCEP dans l'annexe 2 (page 7) de sa décision du 31 janvier 2006 sur les conditions de disponibilité des réseaux téléphoniques.
Le diable se cache encore une fois dans les détails. Le tribunal estime « qu'il ne peut être valablement soutenu que l’expression “à hauteur de 90%” serait synonyme de “supérieur à 90 %” » comme le laisserait entendre SFR, de plus, les mécanismes d'indemnisation prévus par SFR ne se déclenchent que lorsque le taux de disponibilité du réseau est inférieur à 90 % et non pas égal à 90 %. Par conséquent, cette clause a été déclarée comme abusive.
Les indemnisations forfaitaires sur la sellette
Les compensations proposées par l'opérateur en cas de disponibilité insuffisante de son réseau sont elles aussi passées sous les yeux de la justice. En cas de dysfonctionnement, SFR a établi un barème précis des indemnisations auxquelles ses clients ont droit. Dans le cas où le pourcentage de SMS acheminés en moins de 30 secondes est inférieur à 88 %, il est par exemple indiqué qu'un client peut se voir attribuer « 30 SMS métropolitains gratuits ». À l'heure des forfaits avec SMS et MMS illimités pour moins de 5 euros par mois, cette ligne a de quoi faire sourire.
Mais ce n'est pas le caractère dérisoire de l'indemnisation proposée qui a fait tiquer le tribunal, mais plutôt sa nature forfaitaire, et par l'absence de mention indiquant que le client peut demander une réparation complète du préjudice par d'autres recours légaux.
Selon la Cour, « SFR ne saurait sérieusement soutenir qu’elle “offre des alternatives aux consommateurs dans l’hypothèse où ceux-ci ne seraient pas satisfaits de la compensation qui leur serait proposée”, dans la mesure où ne figure pas expressément dans ces clauses un renvoi à l’article 16 des conditions d’abonnement et d’utilisation, relatif aux réclamations ». Échec et mat, la clause est déclarée abusive.
Dans le cas où l'abonné viendrait à réclamer son dû, SFR avait de toute façon couvert ses arrières avec des clauses expliquant que « ces demandes d’indemnisation ne sont toutefois pas recevables », dans une large variété de cas dont « une mauvaise utilisation des services », « l'utilisation non conforme à son usage de la carte SIM » ou encore « de perturbation ou d'interruption non directement imputable à SFR ». Un éventail bien trop large et flou pour le tribunal qui a jugé ces clauses abusives.
La modification des tarifs pose problème
SFR s'est également illustré ces derniers mois en augmentant à plusieurs reprises les tarifs de ses forfaits ou de certaines options y étant attachées (quelques exemples ici, là, encore ici, ou là). Conformément aux dispositions de l'article L121-84 du Code de la Consommation, l'opérateur propose bien à ses abonnés de « résilier [leur] contrat à tout moment en appelant le service client SFR » lorsque « le tarif du service principal en vigueur à la date de souscription de l'abonnement augmente en cours d'exécution de contrat ».
Problème, aux yeux de l'UFC-Que Choisir cette clause ne devrait pas seulement concerner le « service principal », mais également les services optionnels ou complémentaires, tels que l'option TV ou plus récemment SFR Presse, intégré automatiquement dans plusieurs millions de forfaits.
Un avis partagé par la Cour, qui estime qu'avec cette clause la possibilité de résilier « n’est pas prévue en cas de modification du tarif pour les services complémentaires et/ou optionnels ». Or, une telle absence est tout simplement illicite. Une brèche qui devrait permettre aux abonnés de se séparer de l'opérateur sans frais la prochaine fois qu'une option verra son prix augmenter.
Débits, notion d'illimité et portabilité
Dans le reste du jugement, consultable en fin d'article, une foule d'autres points ont également été abordés. L'association de consommateurs a ainsi réussi a faire valoir que l'absence de garantie concernant les débits ou le délai de transmission des messages était illicite en vertu d'un arrêté de 2006 imposant aux opérateurs de faire apparaître dans leurs contrats « le niveau de qualité minimum garanti pour chacune des caractéristiques techniques essentielles définies dans l’offre, telles que le débit ».
La prolongation de la période d'engagement en cas de changement de forfait a aussi été jugée abusive, tout comme certaines des clauses visant à restreindre les scénarios d'utilisation de forfaits dits « illimités » pour l'émission d'appels ou l'envoi de messages.
Dernier point important, SFR avait prévu une clause désengageant sa responsabilité en cas d'interruption de service supérieure à 4 heures dans le cadre d'une portabilité du numéro. Or ce délai d'interruption maximum de 4 heures est inscrit dans la loi et SFR ne peut s'exonérer de sa responsabilité dans pareil cas. Cette clause disparue en 2013 a été jugée illicite par le tribunal.
Résultat des courses, SFR a été condamnée à supprimer chacune des 22 clauses concernées par le jugement dans un délai de deux mois maximum avec une astreinte de 300 euros par clause et par jour de retard et à verser 30 000 euros de dommages et intérêts à l'UFC-Que Choisir. En outre, l'opérateur devra supporter le coût de la publication d'extraits de ce jugement dans trois grand journaux nationaux. SFR peut néanmoins encore décider de faire appel de cette décision.