La pression monte d’un cran contre Google. Depuis cinq heures ce matin, les locaux français du géant américain sont perquisitionnés par Bercy.
Selon le Parisien, c’est une centaine de fonctionnaires du fisc et de la brigade de répression de la grande délinquance financière (BRGDF) qui ont investi les lieux tôt dans la matinée. Peu de détails à cet instant, si ce n’est qu’il nous a été confirmé que la perquisition est toujours en cours à l’heure où nous publions cette actualité.
En février dernier, on apprenait déjà que les services de Bercy réclament au moteur pas moins de 1,6 milliard d’euros d’impôt. Ce volet s’inscrit sûrement dans cette continuité, histoire d’apporter de nouveaux éléments pour nourrir le dossier de cet amateur du double irlandais et du sandwich hollandais, deux montages fiscaux bien connus.
Tout le débat tient à la territorialité de l'impôt et au rattachement, ou non, de Google à la juridiction française. Selon une jurisprudence ancienne du Conseil d’État, « les opérations commerciales réalisées matériellement à l'étranger, mais décidées, traitées et contrôlées directement en France ne [peuvent] être détachées de celles qui sont effectuées dans ce pays ni, par conséquent, être considérées comme constituant un cycle commercial distinct échappant à l'impôt français ».
En clair, s’il est démontré que les opérations commerciales menées par Google France constituent un tout cohérent, alors Bercy pourra reloger dans nos frontières, tous les revenus jusqu'à ce jour rapatriés à l'étranger, du moins dans les limites de la prescription. Dans le passé, Google avait déjà tenté d'échapper à ces griffes en reléguant ses activités françaises à une simple assistance marketing de Google Irlande.
Cette ligne de défense se retrouve dans la convention fiscale signée entre la France et l'Irlande, destinée à lutter contre les doubles impositions :
Fraude fiscale aggravée et blanchiment en bande organisée
Selon un communiqué du Parquet national financier, cette perquisition a été épaulée par « 25 experts en informatique ». Si Google reste présumé innocent, l’enquête préliminaire ouverte en juin 2015 porte sur des faits pour le moins lourds. Il évoque une fraude fiscale aggravée et un blanchiment en bande organisée de fraude fiscale aggravée. Tout l’enjeu est donc de savoir si Google dispose, ou non, un établissement stable en France. Dans l’affirmative, il s'agira de déterminer le montant d’impôts possiblement éludé par l’entité.
Sur l’échiquier juridique, cette notion d’établissement stable et de cycle commercial complet sont notamment deux critères permettant de définir le lieu d’imposition des entreprises, soit en France soit à l’étranger. En particulier, dans la doctrine de Bercy, « l'expression "établissement stable" désigne une installation fixe d'affaires par l'intermédiaire de laquelle une entreprise exerce tout ou partie de son activité ».
Lorsqu’une entreprise, rattachée à une société étrangère, est qualifiée ainsi, la mission la plus épineuse revient ensuite à lui attribuer la part de bénéfice qui correspond à son activité. Un exercice qui exige des vérifications approfondies, et donc, comme ici, des perquisitions adaptées à l'ampleur du dossier.
Que risque Google ?
Depuis la loi du 6 décembre 2013, les faits de fraude fiscale aggravée commis en bande organisée sont passibles d’une amende de 2 000 000 euros et sept d’ans d’emprisonnement, notamment lorsqu’ils auront été réalisés au moyen « d’une domiciliation fiscale fictive ou artificielle à l’étranger ». La juridiction peut également ordonner l’affichage public de la décision. Des peines qui s’ajoutent évidemment au paiement de l’impôt finalement exigé, lui-même lesté de majorations parfois très importantes.
Face à des fraudes par nature complexes, la loi précitée a accentué les pouvoirs de contrôle, « avec l’octroi de prérogatives judiciaires à certains agents de l’administration fiscale exerçant au sein de la brigade nationale de répression de la délinquance fiscale (BNRDF), service de police judiciaire dédié à la lutte contre la fraude fiscale, dépendant de l’office central de lutte contre la corruption et les infractions financières et fiscales (OCLCIFF) » détaillait Bercy dans cette note.
Ainsi, ces agents peuvent utiliser « la surveillance, l’infiltration, les interceptions de correspondances téléphoniques au stade de l’enquête, les sonorisations et fixations d’images de certains lieux et véhicules, la captation, conservation et transmission de données informatiques et les saisies conservatoires ». La prescription a en outre été étendue de 3 à 6 ans.