Les deux tiers des abonnés en fibre sont chez Orange. Face à un opérateur historique très actif, la réponse des concurrents est plus que disparate. Plongée dans les méandres de ces réseaux et la stratégie des principaux acteurs.
Orange n'aime pas que l'on dise qu'il « domine » le marché de la fibre. C'est pourtant bien le cas. Ces deux dernières années, cette technologie a explosé commercialement, portée par les efforts de l'opérateur historique. Fin janvier, le groupe annonçait avoir dépassé le million de clients en fibre jusqu'à l'abonné (FTTH), sur un marché qui en comptait environ 1,5 million. Soit deux tiers d'un marché où la concurrence affiche des stratégies divergentes, et où plus d'un tiers des clients éligibles n'ont pas le choix de leur opérateur.
Pour comprendre où en sont les fournisseurs d'accès, les déploiements et les stratégies, nous avons discuté avec ces acteurs et des experts. Les questions sont nombreuses : où sont les abonnés fibre ? Qu'est-ce qui explique cette situation ? Peut-elle perdurer ? Si oui, le régulateur prévoit-il de quoi corriger le tir ?
Quand Orange dessine une ligne droite dans la fibre jusqu'à l'abonné, le chemin est plus sinueux pour ses concurrents. Depuis son rachat par Numericable, SFR s'enfonce dans le mélange entre câble et fibre. Free, lui, accélère dans les grandes agglomérations. Pendant ce temps, Bouygues Telecom tente une offensive par les prix, sans déployer de réseau. Les chiffres parlent d'eux-mêmes.
Orange : jusqu'à plus de 90 % des recrutements en fibre
Orange est le seul opérateur à fournir son nombre d'abonnés fibre, trimestre par trimestre. Bouygues Telecom, Free et SFR n'ont pas souhaité donner le détail. Ceux que nous avons pu obtenir pour le quatrième trimestre 2015 sont accablants. Sur un marché de 1,425 million d'abonnés fibre, 960 000 étaient chez Orange, plus de 200 000 chez Free et 39 000 chez Bouygues Telecom.
Cela laisse moins de 226 000 abonnés pour SFR et les autres fournisseurs d'accès, alors que juste avant son rachat par Numericable fin 2014, SFR comptait à lui seul 249 000 abonnés FTTH. Concrètement, SFR Groupe revendiquait 1,8 million de clients câble et fibre amalgamés.
Selon nos calculs, Orange a compté pour 74 % des recrutements en fibre jusqu'à l'abonné sur 2014 et 2015. Le record a été établi au troisième trimestre 2015, où l'opérateur historique cumulait 93 % des nouveaux abonnés en fibre, après des mois de hausse de sa part.
À noter que la comparaison n'est pas parfaite. Le total des abonnés FTTH nous vient de l'ARCEP, qui compte uniquement les abonnés actifs. Tandis qu'Orange compte à la fois les lignes actives et les commandes. Interrogé, l'opérateur nous affirme que la différence avec les chiffres de l'ARCEP est « infime ».
Le choix de la fibre, mais pas toujours de l'opérateur
Fin 2015, 38 % des lignes éligibles à la fibre jusqu'à l'abonné n'avaient accès qu'à un seul opérateur, qui a tiré sa fibre jusqu'au point de mutualisation de l'immeuble. Dans ce domaine encore, Orange affiche son avance. Sur 5,6 millions de lignes éligibles à l'époque, 5 millions l'étaient chez Orange, 2,5 millions chez Free et 1,5 million chez Bouygues Telecom (via SFR). SFR, lui, affiche 7,7 millions de lignes éligibles à sa fibre (qui mélange câble et fibre jusqu'à l'abonné).
Pour tous les opérateurs, la priorité est la zone très dense (ZTD), la plus rentable. Elle est composée d'une centaine de communes dans 20 agglomérations. Tous y comptent la grande majorité de leurs abonnés fibre. Dans cette zone, trois des quatre opérateurs nationaux (à l'exception de Bouygues Telecom) privilégient des déploiements en propre, alors qu'ils préfèrent les mutualiser dans celles moins rentables, via des accords de coinvestissement.
Aujourd'hui, ces accords sont nombreux mais forgés sur le même modèle : un opérateur déploie le réseau fibre, quand l'autre cofinance et obtient une part des prises équivalente à son investissement. En zone moins dense – les villes que les opérateurs se sont engagés à fibrer auprès de l'État (voir notre analyse) – Orange et SFR déroulent la fibre pour Bouygues Telecom et Free, qui coinvestissent. La plupart de ces accords ont été signés en 2011 et 2012, peu après que le cadre légal a été posé par l'État via le plan très haut débit. Depuis, ils ont bien contribué aux choix des fournisseurs d'accès.
La fibre, une arme de conquête pour Orange
Quand nous discutons avec l'opérateur historique, le triomphe semble modeste. « On ne raisonne pas en part de marché fibre seule. Nous regardons globalement la situation du haut débit. Il y a 1,5 million de clients fibre et plus de 20 millions de clients ADSL en France, donc la fibre est encore loin d’avoir complètement remplacé l’ADSL ! » estime Yves Parfait, directeur du programme La Fibre chez Orange.
Pour l'opérateur historique, la fibre serait une arme de reconquête dans les grandes agglomérations, où il n'est pas forcément premier en nombre de clients. Il est, par contre, souvent en avance sur ses concurrents sur le FTTH, un réseau bien plus attirant que l'ADSL, au point que le premier grignote des abonnés au second.
« Fin 2015, nous avons franchi les 5 millions de prises raccordables, contre 3,6 millions fin 2014. On a progressé d'à peu près 40 % en un an. [...] On a franchi le million de clients en début d'année. Sur 5 millions de prises, cela donne 20 % de pénétration, ce qui montre une vraie appétence pour la fibre. C'est ce qui est nouveau depuis un an ou deux, surtout depuis un an. [...] On a aussi renforcé le marketing, que ce soit en communication ou en moyens commerciaux » détaille l'opérateur.
Un opérateur historique des plus actifs
Car désormais Orange c'est la fibre, et « La Fibre » (avec les majuscules), c'est Orange. Le groupe déploie la majorité des réseaux FTTH et vante son image sur le sujet. « Dans l'esprit du consommateur, nos investissements sur la 4G ou sur le très haut débit fixe font qu'on a une sorte de premium. On leur inspire confiance sur quelque chose de nouveau. On les accompagne beaucoup et on insiste aussi sur la qualité de service mais également les box et les services associés » affirme encore Yves Parfait.
Malgré son avance en zones très denses, où sont la majorité des clients et des prises, « la concurrence est là ! », martèle-t-il. « Oui, il y a des endroits où d'autres opérateurs ne sont pas encore présents, mais il s'agit de leur propre stratégie d'investissement. Les réseaux ont vraiment été construits dès le départ pour pouvoir être ouverts » se défend encore le groupe.
Il construit lui-même plus de 75 % des prises fibres en zone moins dense (80 à 85 % selon ses dires), avec cofinancement des autres opérateurs. Ses objectifs sont d'ailleurs ambitieux : 9 millions de logements raccordables en 2018 et 20 millions en 2022, soit une multiplication par quatre en six ans.
Bouygues Telecom à cheval sur le câble et la fibre
À l'autre bout du marché se trouve Bouygues Telecom. Le fournisseur d'accès affiche, lui, des chiffres infiniment moins glorieux : 39 000 abonnés fibre à fin 2015, pour 1,5 million de lignes raccordables. Contre à peine 23 000 six mois plus tôt.
« 40 000 sur 1,5 million, quand vous regardez le ratio, ce n'est pas satisfaisant. Quand vous regardez la dynamique commerciale, ça l'est beaucoup plus » nous explique Sylvain Goussot, responsable de l'innovation chez l'opérateur. Celui-ci a démarré la commercialisation de la fibre en 2015 et se dit content du résultat. Il gagne plus de 10 000 abonnés par trimestre, sans conversion d'abonné ADSL ou câble, affirme-t-il.
La grande particularité de Bouygues Telecom est qu'il ne déploie pas son réseau dans les rues. En zone très dense, il cofinance le réseau de SFR. Les 1,5 million de prises (et donc ses 39 000 clients) y sont tous situés. Pour 2016, l'opérateur devrait disposer de 2 millions de lignes à ces endroits. En zone moins dense, il s'est engagé à financer 3,5 millions de prises construites par Orange. Au mieux, Bouygues installe lui-même la fibre dans les bâtiments.
Un autre élément important pour Bouygues Telecom est le câble. Le FAI est le principal opérateur client de SFR sur son réseau câble, sur lequel il compte « toujours » 300 000 clients. Ils sont abonnés à sa Bbox Sensation, annoncée à 37,99 euros par mois, un prix très loin des offres de RED by SFR ou de la Bbox Miami sur l'ADSL et la fibre. Car l'enjeu aujourd'hui, pour Bouygues, est bien de remplir son propre réseau, avec un argument simple : le prix.
« On propose [en FTTH] la Bbox Miami à 26,99 euros contre 37,99 euros [en câble]. Le client fait vite son choix » affirme Sylvain Goussot, selon qui le câble n'est pas pour autant de l'histoire ancienne. Il faut dire qu'avec près de dix fois le volume d'abonnés en fibre, il est difficile de s'en passer.
À l'avenir, le FAI compte sur une double dynamique pour attirer les clients vers le FTTH : la migration des clients ADSL vers la fibre pour le même prix et les déploiements FTTH. Ce n'est pas un effort publicitaire qui doit porter les ventes. Encore faut-il que la fibre soit bien déployée, ce qui n'était plus si évident l'an dernier.
SFR et les déploiements FTTH
Pour ses déploiements, Bouygues Telecom dépend pour beaucoup de SFR. Or, depuis son rachat par Numericable, l'opérateur a cessé de déployer de la fibre jusqu'à l'abonné dans les zones avec du câble coaxial « modernisé » (à plus de 100 Mb/s), qu'il appelle aussi « fibre ».
En octobre, l'Autorité de la concurrence s'était autosaisie et Bouygues Telecom avait attaqué son partenaire, les deux accusant SFR d'avoir arrêté les déploiements FTTH qu'il devait réaliser pour Bouygues en zones très denses. Quelques mois avant, Orange obtenait la permission de déployer du FTTH dans les villes « câble Numericable » en zone moins dense, jusqu'ici réservées à SFR, qui ne déployait plus. Ce sont donc 800 000 lignes dont Orange récupère ainsi la charge, nous affirme l'opérateur historique.
Le mois dernier, Bercy a établi un constat de carence sur Lille Métropole, constatant que le groupe avait gelé ses déploiements. Alors qu'il devait couvrir 70 communes en FTTH, SFR a tout simplement arrêté la majeure partie de ses travaux, arguant que le câble fournit le même service. Même si Lille Métropole a désormais la possibilité de monter son propre réseau fibre sur son territoire, la collectivité a préféré en confier la réalisation à Orange.
SFR : 100 % de « fibre » en Gigabit l'an prochain
Les déploiements FTTH de SFR se poursuivent bien, hors des zones où ils ont déjà du câble. Ceux réalisés pour le compte de Bouygues Telecom ont bien redémarré après des mois de pause, nous affirment les deux opérateurs. « Numericable-SFR a repris un rythme de production au niveau de 2014 » déclare Bouygues, dont le nombre de prise officiellement raccordables (1,5 million) avait stagné sur 2015.
L'argument principal de SFR est que les deux technologies (fibre jusqu'à l'abonné et câble modernisé) se valent dans les usages, donc méritent toutes deux le terme fibre... cela malgré des limites techniques côté câble modernisé (7 millions de lignes sur les 9,5 millions du réseau câble entier), notamment sur la vitesse d'upload.
« Notre ambition est bien d'être présents partout en fibre, quelle que soit la technologie [FTTB ou FTTH]. Le FTTB [câble modernisé], c'est une opportunité d'amener la fibre plus vite aux clients. Dans une ville, nous sommes sur une technologie. Dans une autre, nous sommes sur l'autre. En 2018, on ne fera plus que du FTTH, puisqu'on aura rénové l'ensemble de l'emprise FTTB » nous déclare Alexandre Wauquiez, directeur marketing réseau chez SFR. Le réseau câble restera en place, mais le groupe concentrera ses déploiements sur le FTTH hors zones câble.
Quand un client est à la fois éligible à la fibre et au câble, SFR privilégie le câble. L'explication : c'est moins de souci pour le client, le câble n'engendrant pas les travaux d'intérieur nécessaires à la fibre. Au pire faut-il changer une prise murale. Reste que le choix est systématique : même sur une ligne déjà en fibre chez SFR, le client se verra uniquement proposer du câble.
Le groupe se veut tout de même rassurant : les débits du câble rejoindront bientôt ceux de la fibre. « On aura, au global sur notre réseau fibre, qu'il soit FTTB ou FTTH, deux tiers éligible au Gigabit à la fin de cette année, puis 100 % l'année prochaine » promet Alexandre Wauquiez. De quoi lisser les différences de débit, avec 12 millions de prises « fibre » prévues à la fin 2017.
D'ici cinq à dix ans, SFR devrait ainsi garder ses câbles intacts. Après, le champ est ouvert. « Est-ce qu'on les aura remplacés par des câbles coaxiaux plus performants parce que, finalement, ça permettra de rester sur la même technologie (dite DOCSIS) qui monte en débit mais qui a besoin d'une bande passante plus large ? Ou est-ce qu'on les remplacera par de la fibre optique et que le GPON, l'IP et le DOCSIS vont complètement fusionner ? C'est encore un peu difficile à dire » hésite l'opérateur.
L'Autorité de la concurrence dit vert, SFR dit rouge
Commercialement, il est donc impossible de savoir combien de clients SFR a pu gagner (ou perdre) en fibre, même si le calcul à partir des déclarations des autres FAI n'est pas encourageant. Pour le moment, la priorité commerciale est bien au câble.
Reste un dernier point important : les relations entre SFR et l'Autorité de la concurrence sur le FTTH. Selon l'opérateur, son choix de ne plus déployer de fibre dans ses zones câble provient d'une décision de l'autorité. « L'Autorité de la concurrence ne souhaitait pas qu'un seul opérateur soit propriétaire de deux infrastructures fibre » au même endroit, nous explique le groupe.
« La décision de SFR de ne plus déployer de FTTH dans ses zones FTTB en zone moins dense vient d’une directive de l’ADLC demandant à SFR de renoncer à son statut d’opérateur d’infrastructure FTTH dans les communes concernées, et que SFR autorise Orange à déployer un réseau FTTH » appuie le groupe dans un autre message. En clair, SFR serait limité par l'autorité, même si « il n'y a pas d'interdiction juridique ».
Un discours ambigu battu en brèche par l'Autorité de la concurrence, avec laquelle nous avons discuté. « Aucune interdiction de déploiement n’a été formulée par l’autorité et tout a été fait pour inciter au déploiement de la fibre par les concurrents de SFR » résume le gendarme de la concurrence. Celui-ci a même insisté pour que SFR finisse l'adduction de bâtiments couverts en fibre au nom de Bouygues en zone très dense. La décision de l'Autorité de la concurrence de laisser Orange déployer de la fibre dans les zones câble de SFR est donc venue après le choix de SFR de privilégier son réseau câble, et non avant.
Free se développe, les zones moins denses en vue
Pour sa part, Free se pose bien moins de questions et cela semble lui réussir. Après avoir commencé 2015 avec plus de 100 000 abonnés fibre, il finissait l'année avec plus de 200 000 clients, sur 2,5 millions de prises éligibles. Interrogé, l'opérateur affirme que ces clients proviennent tous des zones très denses, dont il « finalise la couverture » avec son propre réseau fibre.
Récemment, le fournisseur d'accès a commencé à prendre des clients en zone moins dense, sur le réseau qu'il cofinance avec Orange (pour 4,5 millions de prises au total). « Nous avons effectivement commencé à prendre des abonnés sur cette empreinte » confirme l'entreprise, qui vise globalement 9 millions de prises raccordables en 2018 et 20 millions en 2022.
Pour l'ensemble des acteurs, les zone moins denses (entre les grandes agglomérations et les campagnes) sont la nouvelle priorité. Depuis maintenant deux à trois ans, la zone moins dense est en train de monter en puissance. Aussi Bouygues Telecom sera « très heureux d'ouvrir la zone moins dense dans quelques mois », affirme Sylvain Goussot. SFR, lui, y est déjà largement présent en câble.
La concurrence devrait donc encore s'intensifier ces prochains mois sur la zone moins dense, où les nombreux coinvestissements limitent (en principe) l'avance d'un opérateur sur les autres. De quoi couvrir bien plus de monde, même si près de la moitié des Français restent largement oubliés des opérateurs nationaux.
Les réseaux publics, la cinquième roue du carrosse
Ces 43 % d'habitants sont dans des zones rurales, que les opérateurs privés ne se risquent pas à fibrer eux-mêmes, faute de rentabilité. Ils sont donc couverts par des réseaux d'initiative publique (RIP), montés par les collectivités, qui doivent amener le très haut débit pour tous d'ici 2022. Cela pour un coût de 13 à 14 milliards d'euros, avec 3 milliards d'aides de l'État. Pour les réseaux publics en fibre déjà sortis de terre, la principale question affichée est l'arrivée des fournisseurs d'accès nationaux, et de leurs offres box.

Si des opérateurs locaux existent, leurs offres ne rivaliseraient pas avec les marques nationales, ni leurs bouquets TV. Ces derniers ont d'autres priorités, à savoir, rentabiliser les réseaux qu'ils financent en zones très et moins denses. Surtout, les dizaines de réseaux publics qui se déploient devraient pour certains être adaptés techniquement et, dans l'ensemble, être harmonisés.
C'est le grand argument pour ne pas venir : un coût important pour s'interfacer avec chaque réseau, pour quelques dizaines de milliers de prises au mieux. La solution avancée par certains est de leur confier la construction du réseau public, pour assurer la compatibilité et la venue des offres FAI.
Après de nombreuses complaintes de collectivités, Bercy a annoncé plancher sur un groupement d'intérêt économique (GIE) pour harmoniser les conditions techniques et commerciales des réseaux, en mettant les FAI « face à leurs responsabilités », pour qu'ils y viennent. Ceux-ci sont très réceptifs à l'idée d'une harmonisation des réseaux, tous nous affirmant leur frustration face à la situation actuelle, même si la plupart sont déjà présents sur certains réseaux ou en discussion avec des collectivités. « Des travaux sont en cours avec certains pour qu'ils soient mis à niveau », pour qu'on puisse les utiliser précise même Orange.
« Notre ADN est d'être opérateur d'infrastructure » répond SFR, qui pousse pour construire lui-même les réseaux publics via SFR Collectivités. « C'est énormément d'efforts d'aller partout [en tant que FAI sur des réseaux construits par d'autres], pour des résultats pas si importants pour le volume derrière chaque projet » poursuit le groupe, qui estime qu'une harmonisation est une bonne initiative. Free, qui milite depuis des années pour un GIE fibre, estime enfin que « l’établissement d’un guichet de commande unique et de SAV (GIE) est indispensable au succès des RIP ».
Quels paris pour l'avenir ?
Le résultat de tout cela, au fond, est qu'Orange est aujourd'hui le fournisseur d'accès qui remplit le mieux son réseau fibre. Si les concurrents déploient de plus en plus largement leurs ailes, l'écart dans les déploiements et la commercialisation reste abyssal. Une régulation spécifique doit-elle être mise en place ? Il y a autant de réponses que d'acteurs.
Free est clairement le plus en faveur d'une révision du cadre réglementaire. S'il estime le cadre bon dans la zone moins dense (de coinvestissement), il pense que celui en zone très dense avec « la localisation du « point de mutualisation » dans l’immeuble est très favorable à l’opérateur historique et complexe à gérer pour les alternatifs ». Des adaptations mineures seraient nécessaires sur certains points techniques et commerciaux, mais l'inquiétude n'est pas là. Free estime que « les régulateurs doivent être attentifs car la position dominante qu’acquiert Orange sur le FTTH se transpose progressivement sur le mobile au grès d’offres « quadruple play » très agressives ».
Côté SFR, on estime que « le marché est définitivement structuré comme ça », à savoir avec deux opérateurs nationaux qui déploient massivement (Orange et SFR) pour les quatre. « Je ne crois pas que nos concurrents aient plus l'intention aujourd'hui qu'en 2011 de déployer dans des réseaux fibre, et sont plutôt satisfaits aujourd'hui des offres de référence que nous avons, puisqu'ils nous achètent ces offres de référence, qu'elles soient FTTB ou FTTH » déclare Alexandre Wauquiez.
Pour Bouygues Telecom, il s'agit d'une question de « timing, ce n'est pas structurel ». Pour le groupe, la régulation en zones très et moins denses est suffisante pour équilibrer le marché à terme. L'entreprise rappelle l'avance qu'avait déjà Orange sur l'ADSL il y a une décennie, avant l'arrivée d'une concurrence forte. En clair, il suffit d'attendre que l'ensemble des opérateurs proposent leurs offres partout pour voir le déséquilibre s'estomper.
Orange insiste lui sur le besoin... de ne rien changer. « La stabilité de ce cadre est essentielle pour l’avenir. On a une très grande variété d’offres qui permet à chacun de se développer » soutient Yves Parfait, qui répète à l'envi que les conditions de marché sont les mêmes pour tous, et que son réseau est ouvert.
Pour sa part, l'ARCEP avait décidé de réguler tous les opérateurs de la même manière sur la fibre (via une régulation « symétrique »), au moins en attendant de voir comment évoluera le marché. Après le rachat manqué de Bouygues Telecom par Orange, l'ARCEP a donc décidé de se pencher sur le dossier, comme elle l'affirmait au Monde.
L'occasion de déterminer s'il faut corriger le tir, ou non. « L'analyse de marché va s'étaler sur environ douze mois, avec un premier document mis en consultation publique en juin pour ouvrir le jeu. Les premières orientations seront arrêtées à l'automne » nous indique l'autorité.