Le projet de loi sur la réforme pénale, passé entre les mailles de la commission mixte paritaire, va bien transformer le pénitentiaire en un service du renseignement. Il arme également les pouvoirs des agents, cette fois dans un cadre judicaire.
Cette mue, qui avait été combattue vertement par Christiane Taubira, l’ex-garde des Sceaux, a été au contraire souhaitée par son remplaçant, Jean-Jacques Urvoas. Pour assurer cette transformation, rien de plus simple : deux articles du Code de la sécurité intérieure sont modifiés pour faire figurer les services spécialisés du ministère de la Justice dans la communauté du renseignement, à l’instar de ceux relevant de la Défense, de l’Intérieur, de l’Économie, du Budget ou des Douanes.
Par ce biais, ceux-ci pourront donc être autorisés à utiliser tout l’attirail consacré par la loi renseignement (sondes, boites noires, etc.) afin d’assurer la défense et la promotion des « intérêts fondamentaux de la Nation ». C’est une autorisation délivrée par Manuel Valls qui permettra de définir le spectre de leurs intrusions dans les échanges noués par exemple, par téléphones ou ordinateurs utilisés dans les prisons.
Des pouvoirs renforcés sur le terrain judicaire
Par ailleurs, le même projet de loi a gonflé les pouvoirs des agents dans un cadre judiciaire cette fois. Sous le contrôle du procureur de la République, et après avoir informé les personnes détenues ainsi que leurs correspondants, ils pourront glaner les données de connexion dans les mains de n’importe quel acteur du numérique (opérateurs, FAI, hébergeurs, etc.).
Autres possibilités, l’installation d’IMSI catcher, l’interception de correspondances exceptées celles nouées avec leur avocat, outre l’accès à distance (et en douce) aux correspondances d’un détenu, « stockées, émises par la voie des communications électroniques, accessibles au moyen d’un identifiant informatique », ainsi que l’installation de chevaux de Troie pour capter à distance tout ce qui est affiché, tapoté ou filmé depuis un ordinateur.
Ces opérations ne pourront se faire que dans l’objectif de « prévenir les évasions et d’assurer la sécurité et le bon ordre des établissements pénitentiaires ». Notons que ces mêmes agents auront le droit de « détecter toute connexion à un réseau non autorisé ». Les données aspirées, quand elles ne seront pas transmises à l’autorité judiciaire, seront conservées pendant trois mois maximum. Quant aux transcriptions ou extractions, elles seront détruites « dès que leur conservation n’est plus indispensable à la poursuite des finalités », sans autre plafond temporel.