Les mois se suivent et se ressemblent. La dernière mise à jour de la liste des sociétés exonérées du paiement de la redevance copie privée montre que les chiffres ont toujours du mal à décoller en France.
Des professionnels qui payent une redevance qu’ils n’ont pas à payer, et qui peinent au surplus à se faire exonérer ou rembourser. Voilà en quelques mots l’état des lieux de la redevance copie privée. 1 615 entités sont ainsi autorisées à ne pas avancer ce paiement sur les supports achetés pour les besoins de leur activité, selon le dernier relevé de Copie France, l’entreprise des sociétés de gestion collective en charge de la perception de la redevance sur la copie privée.
Dans le lot, on trouve de tout : des cours d’appel, le ministère de l’Intérieur, Trident Media Guard – la société chargée de faire les relevées d’IP en amont de la Hadopi, des hôpitaux, des universités, des centres de radiologie et surtout beaucoup d’acteurs de l’audiovisuel dont des entreprises de productions.
Seulement, le compteur a du mal à s’affoler. ces pros étaient 1 624 exonérés en août 2014, 1 500 en mars 2014, 1 878 en février 2014, 1 703 en avril 2013, 1 632 en janvier 2013, 1 872 en août 2012, ou encore 1 711 en mai 2012. Bref, la moyenne tournicote sagement autour de 1 700, sachant que le montant de la redevance concernée par chaque convention s’établit à 6 000 euros (soit un peu plus de 10 millions d’euros), du moins d’après Copie France.
La voie étroite du remboursement
Cette possibilité d'exonération date pourtant d’une loi votée fin 2011. Une telle ancienneté aurait dû entraîner un engouement pour ces gros consommateurs de supports vierges qui n'ont pas, au regard du droit européen, à subir ce prélèvement qui ne concerne que les personnes physiques pour leurs usages privés. En vain.
Certes, une autre possibilité leur est ouverte : c’est la voie du remboursement. Seulement, un arrêté du 20 décembre 2011, publié au Journal officiel en même temps que cette loi du 20 décembre 2011, a immédiatement conditionné ce remboursement à la production d’une facture mentionnant le montant de la redevance affectant les supports achetés.
Nouvelle difficulté : cette obligation n’a été théoriquement effective qu’à compter du 1er avril 2014 , suite à l’entrée en vigueur du décret du 10 décembre 2013 « relatif à l'information des acquéreurs de supports d'enregistrement soumis à la rémunération pour copie privée ». C'est lui qui impose au détaillant de fournir cette facture enrichie à l'acheteur final.
En clair, il aura fallu attendre près de deux ans et demi pour mettre en œuvre la loi. Mais il y a pire. En pratique, quiconque peut faire l’essai : trop souvent les distributeurs ne fournissent pas cette information. L’une des raisons plausibles tient à la difficulté d’injecter dans les systèmes de facturation des barèmes complexes, variant suivant la durée d’enregistrement, la capacité, avec des taux fixes ou variables par tranches. Des barèmes soumis au surplus aux actualisations de la Commission copie privée et aux aléas des décisions d’annulation du Conseil d’État !
Les regrets du député Marcel Rogemont
Pas étonnant du coup que le montant des remboursements stagne aussi à un niveau ridicule. C’est ce que regrettait d’ailleurs un rapport signé du député Marcel Rogemont l’an passé : « Les remboursements des professionnels restent (...) très limités. L’étude d’impact accompagnant la loi du 20 décembre 2011 évaluait les remboursements à un montant annuel de 58 millions d’euros. Or, selon les chiffres communiqués par le ministère de la culture le 13 mai 2014, le total des remboursements depuis l’origine atteint seulement 375 805 euros, soit moins de 0,65 % de la somme prévue par l’étude d’impact. »
En avril 2015, Copie France révélait que ce total grimpait à 776 276 euros, très exactement. En mars 2015, nouvelle actualisation : il est désormais de « quelque un million d’euros » selon la louche d'Audrey Azoulay.
En conclusion, la redevance exonérée ou remboursée aux professionnels représente un peu plus de 11 millions d’euros depuis fin 2011 (1 million d'euros remboursés, 10 millions d'euros conventionnés). Selon les estimations de la loi de 2011, ce chiffre aurait dû dépasser les 200 millions d’euros. La différence, non réclamée, est donc conservée par les ayants droit, en plus des redevances aspirées sur les supports achetés par les consommateurs. Depuis 2012, la collecte de redevance copie privée se chiffre au total à 900 millions d’euros.
« La description de ce résultat n'est pas accessible à cause du fichier robots.txt »
Fait notable, l’avocat général de la CJUE a récemment rappelé que le régime de remboursement des pros devait être « effectif » dans les pays qui ont fait le choix de prélever cette ponction encadrée par une directive de 2001. Ainsi, « les États membres doivent notamment veiller à ce qu’il ne soit pas excessivement difficile d’obtenir la restitution du prélèvement indûment payé. Des facteurs tels que la portée, la disponibilité, la publicité et la simplicité d’utilisation du droit au remboursement jouent un rôle clé dans l’évaluation du caractère effectif du système de remboursement. »
Justement. On remarquera que depuis une date inconnue Copie France a décidé de chasser les sondes des moteurs de recherche dans son fichier robots.txt. Voilà pourquoi une requête quelconque pointant sur le site des ayants droit fait dire à Google que « La description de ce résultat n'est pas accessible à cause du fichier robots.txt de ce site ». Pour avoir des détails sur les modalités de remboursement ou d'exonération, le professionnel devra donc pousser beaucoup plus loin sa curiosité.
Le ministère de la Culture n’est pas en reste. Il a décidé de déplacer discrètement la localisation informatique de sa notice explicative sur la copie privée. Ignorant visiblement ce déménagement, des géants comme Dell continuent ainsi d’informer leurs acheteurs professionnels en pointant aujourd’hui vers une jolie page 404.
À toutes fins utiles, voilà donc les liens importants sur le sujet :