Une dizaine de députés Les Républicains, menés par le très droitier Éric Ciotti, s’apprête à défendre un amendement autorisant les forces de l’ordre à recourir à des logiciels capables de reconnaître – en temps réel – le visage de certaines personnes à partir des images retransmises par des caméras de surveillance.
Alors que le maire de Nice, Christian Estrosi, vient de mettre en place un tel système sans autorisation, voilà des dispositions législatives qui pourraient bien arranger l’édile... Il est en effet prévu que les policiers, gendarmes et services de renseignement puissent rapprocher le fichier automatisé des empreintes digitales (qui peut notamment contenir les clichés anthropométriques de personnes impliquées dans des enquêtes relatives à des crimes et délits) avec les « images de vidéosurveillance centralisées dans les centres de supervision urbaine », soit les images glanées dans les espaces publics.
On devine la suite. Dès lors que les algorithmes de reconnaissance faciale et d’analyse vidéo détecteraient un visage s’apparentant à celui d’un individu enregistré dans le fameux fichier, l’agent serait directement averti, sans avoir besoin de scruter ses écrans, photos sous le coude. « La vidéoprotection, couplée à une technologie de reconnaissance faciale, peut permettre de contribuer efficacement à la lutte contre le terrorisme et, plus généralement, à l’impératif de sécurité intérieure » vantent ainsi les auteurs de cet amendement, pour qui le « contexte de menace terroriste sans précédent » et l’Euro 2016 rendent cette évolution législative « indispensable ».
« Aujourd’hui, déplorent-ils, les images des caméras de vidéosurveillance ne peuvent être exploitées pleinement, faute de cadre juridique permettant :
- De croiser les portraits des images de vidéosurveillance avec les fichiers policiers en temps réel ;
- D’effectuer des requêtes, en temps différé, en corrélant des images issues de plusieurs caméras, pour les besoins d’une enquête. »
Avec un tel dispositif, on basculerait vers un système autorisant « par principe » le recours à ces dispositifs de reconnaissance faciale, sans que la CNIL n’ait à se prononcer sur tel ou tel cas particulier.
« La liberté d'aller et venir anonymement pourrait être remise en cause »
Attention, prévient toutefois la CNIL lorsqu'il s'agit de parler reconnaissance faciale : « Si cette technologie n’en est qu’à ses balbutiements, il importe de comprendre que son caractère intrusif est croissant puisque la liberté d’aller et venir anonymement pourrait être remise en cause. » Certains objecteront en outre que les terroristes sont parfois inconnus des services de police, et qu’inversement, il est possible de trouver des personnes s'étant finalement révélées innocentes dans le fichier des empreintes digitales (ses informations pouvant être conservées pendant vingt-cinq ans).
Cet amendement devrait être examiné cette semaine, les débats autour du projet de loi pour la justice du 21ème siècle débutant cet après-midi.