SOS Racisme, l’UEJF et SOS Homophobie s’apprêtent à déposer devant le tribunal de grande instance de Paris un référé à l’encontre de Twitter, Facebook et YouTube, accusés d’avoir fait la sourde oreille suite au signalement de messages et vidéos illicites. Les trois organisations demandent aux géants du Net plus de transparence sur leur processus de modération.
« Ces plateformes semblent plus choquées par des morceaux de seins nus, promptement censurés, que par des incitations à la haine envers des personnes ou des groupes de personnes » peste Dominique Sopo, le président de SOS Racisme. Et pour cause. L’association a mené, aux côtés de l’Union des étudiants juifs de France (UEJF) et de SOS Homophobie, un « testing de masse des réseaux sociaux » en signalant 586 contenus jugés – à leurs yeux – « racistes, antisémites, négationnistes, homophobes, faisant l’apologie du terrorisme ou de crimes contre l’humanité » entre le 31 mars et le 10 mai dernier.
Le résultat se veut édifiant : « seuls » 4 % des contenus signalés ont été supprimés par Twitter, 7 % sur YouTube et 34 % sur Facebook. Les trois associations ont donc annoncé hier qu’elles allaient assigner les trois célèbres plateformes devant la justice française « pour comprendre les raisons du non respect de leurs obligations légales prévues par l'article 6 de la loi pour la confiance en l'économie numérique du 21 juin 2004, qui impose aux hébergeurs de supprimer dans un délai raisonnable les contenus manifestement illicites, et de les signaler au Parquet ».
Pour mémoire, cet article prévoit un régime de responsabilité atténuée pour les hébergeurs, ceux-ci n’étant responsables des contenus illicites publiés par leurs utilisateurs qu’à partir du moment où, avertis de leur illégalité manifeste, ils n’ont pas « agi promptement pour retirer ces données ou en rendre l'accès impossible ». En clair, ils deviennent attaquables dès lors qu’ils restent les bras croisés alors qu’on leur signale un message ou une vidéo dont le caractère raciste, antisémite, etc. saute aux yeux.
Avoir accès aux coulisses de la modération chez Twitter, Facebook et YouTube
Avec cette procédure, SOS Racisme, l’UEJF et SOS Homophobie espèrent pouvoir « faire toute la lumière sur le fonctionnement et le profil des modérateurs des réseaux sociaux ». Maître Lilti, leur avocat, a précisé cette requête dans les colonnes du JDD : « Nous demanderons qu'elles nous communiquent, sous peine d'astreinte, le bilan d'activité de leur cellule de régulation : sur les trois dernières années, quel taux de retraits par rapport au nombre de signalements ? Combien de transmissions au Parquet ? »
Contacté par nos soins, l’intéressé explique qu’il compte s’appuyer sur l’article 145 du Code de procédure civile, « qui permet au juge d'ordonner la communication d'éléments de preuve nécessaires à la résolution d'un litige », même au niveau international. « Pour l'instant, nous faisons un constat, qui est celui de la violation massive et très probable de la loi française et européenne puisque le testing est sans appel. Mais on n'a pas l'entière photographie de la situation. Nous pouvons l'avoir en demandant aux plateformes de nous communiquer des informations sur les bilans d'activité de leurs cellules de modération, le profil de leurs modérateurs, le nombre de modérateurs en langue française – qui n'est pas du tout proportionné à mon avis à l'ampleur des signalements » poursuit Maître Lilti.
Il ne serait ainsi aucunement question d’obtenir d’éventuels dommages et intérêts ou une condamnation au titre du non retrait de certains contenus perçus comme illicites. Tout du moins pour le moment.