L’appétit est parfois insatiable. Au détour d’un rapport de la Commission de contrôle des SPRD, voilà que « certaines » personnes auditionnées voudraient maintenant assujettir à la redevance copie privée, le replay (ou catch-up TV), et donc la télévision de rattrapage.
Les ayants droit qui prélèvent chaque année 230 millions d’euros de copie privée, le savent : le régime est menacé. Et pour cause : un changement profond dans la façon dont les utilisateurs « consomment » les contenus culturels bouleverse la manne.
C'est ce que dit Copie France dans le rapport de la Commission de contrôle des SPRD lorsqu'elle souligne que « la transformation rapide des usages, notamment le développement de la lecture en flux (cloud) qui est susceptible de rendre le champ d’application de la rémunération pour copie privée rapidement obsolète ».
Comme l’a bien expliqué cette semaine l’avocat général de la Cour de justice, il est aujourd’hui bien loin le temps où on réalisait ses compilations sur K7 audio et autres supports analogiques. En quelques clics, on se constitue des playlists sans avoir à copier les fichiers sur des supports. Pareillement, les flux vidéo des chaînes n’ont plus nécessairement à être enregistrés, la télévision de rattrapage permettant de les regarder malgré tout, sur une période de quelques jours suivant la diffusion à l’antenne (FranceTV Pluzz, CanalPlay, MyTF1, 6Replay, etc.).
Le rêve dans les nuages
Un jour lointain, ce glissement des pratiques devrait donc entraîner un effondrement des perceptions de la redevance assises sur les supports physiques. Certes, ce changement tarde, les chiffres de perception étant constants ou en hausse. De même, le projet de loi Création pourrait faire entrer dans ce champ certains magnétoscopes en ligne, mais ces fameux network personal video recorder (NPVR) sont loin d'avoir les épaules assez larges pour compenser.
Pour répondre à cette substitution, la Commission de contrôle des sociétés de perception et de répartition des droits révèle p.211 de son rapport, que « certains interlocuteurs [lui] ont indiqué que cette offre [de replay, ndlr] pouvait, selon eux, être assimilée à une forme de copie privée », et donc être soumis à redevance : « Rappelant que la rémunération pour copie privée a été créée au moment de l’apparition de la cassette VHS, ils militent pour une extension à la télévision de rattrapage des principes de la RCP ».
Deux ou trois contrariétés
Une telle révolution serait pour le moins hasardeuse, puisque dans le replay, la copie n’est que technique, réalisée temporairement sur un serveur distant, parce que l’œuvre initiale a disparu, et en plus sous le règne des droits exclusifs.
Bref, cela fait beaucoup. Et il faudrait un véritable dynamitage des principes juridiques actuels pour envisager une telle extension. Ce souhait soufflé aux oreilles de la Commission de contrôle des SPRD est cependant révélateur : la brèche ouverte avec l’amendement NPVR n’est pas prête de se cicatriser.