Qui est le créateur de Bitcoin ? Une question qui agite la presse et fait reculer Craig Wright

Nakamoto, à qui le tour ?
Economie 7 min
Qui est le créateur de Bitcoin ? Une question qui agite la presse et fait reculer Craig Wright
Crédits : lofilolo/iStock/ThinkStock

Ces derniers jours, l'actualité autour de Bitcoin aura été marquée par de nouvelles « révélations » autour de Satoshi Nakamoto, le créateur du protocole. Mais Craig Wright, qui avait encore soutenu être derrière ce pseudonyme, s'est rétracté au moment de livrer des preuves irréfutables.

Cela devient presque une blague récurrente au sein de la rédaction. La semaine dernière, lorsque plusieurs de nos confrères ont annoncé avoir découvert la véritable identité du fameux Satoshi Nakamoto, nous en avons discuté et consulté notre Oracle maison. Sa prédiction ? « Attendez, d'ici une semaine, tout sera encore démenti ».

De l'importance de la patience

Il avait raison. Telle la découverte d'une nouvelle cité Maya, cette annonce s'est progressivement effondrée. Comme pour nous rappeler que l'empressement n'est pas le meilleur ami de l'information, même lorsque plusieurs médias indiquent la même chose. Nous avons donc attendu, loin du buzz et du clic, afin de pouvoir vous raconter de quoi il en retourne vraiment.

Il faut dire que la véritable identité du créateur de Bitcoin n'en était pas à sa première débandade médiatique. Newsweek s'était par exemple mis en quête du « visage de bitcoin », et avait mis sous le feu des projecteurs un certain Dorian S. Nakamoto. Américain d'origine japonaise, âgé de 64 ans, il était propriétaire d'une petite maison en Californie et d'une vieille Toyota. En pratique, l'ancien ingénieur n'avait rien à voir avec la crypto-monnaie et n'avait d'ailleurs aucune connaissance dans ce domaine.

Il y a cinq mois,  Gizmodo et Wired publiaient simultanément une « enquête » montrant que Bitcoin aurait été créé par deux personnes. Craig Steven Wright, un homme d'affaires australien basé à Sydney accessoirement docteur en informatique, et Dave Kleiman, un développeur américain décédé en 2013. Mais là encore, tout n'était pas si simple.

Entre enquête, preuves circonstancielles et biais de confirmation

À l'époque, les indices se composaient principalement d'une pile d'e-mails échangés entre les deux hommes. Craig Wright y évoque pêle-mêle sa volonté de publier en 2008-2009 une thèse ayant pour titre « Monnaie électronique sans tiers de confiance », son souhait de voir son camarade investir dans « des centaines de processeurs pour poursuivre [son] idée » et ses états d'âme. En 2011 il écrira à Dave Kleiman que « j'ai des centaines de publications. Satoshi en a une. Rien d'autre qu'une putain de publication et je ne peux pas m'associer avec MOI MÊME ». Sous-entendant qu'il est le véritable Satoshi Nakamoto. 

D'autres indices assez incertains pointaient en direction de l'Australien. Parmi eux, un document rédigé par Dave Kleiman au sujet d'un fonds nommé Tulip Trust, doté de 1,1 million de bitcoins. Kleiman devait pouvoir disposer comme bon lui semble de cette somme dont le montant correspond avec le nombre de bitcoins admis par la communauté comme appartenant à Satoshi Nakamoto.

Parallèlement, une entité australienne du nom de Tulip Trading disposerait de l'un des plus gros supercalculateurs de la planète, nommé C01N et un autre, moins performant Sukuriputo Okane ou « Script Money » en anglais. Une preuve que l'on peut qualifier de circonstancielle, le rapprochement entre ces serveurs et Wright n'ayant pas été clairement établi. Les deux machines ont d'ailleurs mystérieusement disparu du classement du site Top500.org en novembre 2015.

Autre élément perturbant, une retranscription d'un prétendu entretien entre Wright et les autorités financières australiennes. Il aurait avoué devant les agents avoir « fait de mon mieux pour cacher le fait que je suis à l'origine de Bitcoin. Mais je pense que tôt ou tard, la moitié du monde finira par le savoir ».

Mais d'importants doutes sont apparus lorsque l'une des clés PGP de Craig Wright est apparue comme étant associée à l'adresse satoshin@vistomail.com. Or, l'adresse utilisée par la personne ayant publié le livre blanc du protocole Bitcoin pour la première fois sur une liste de diffusion consacrée à la cryptographie était satoshi@vistomail.com. Une lettre excédentaire qui ouvrait la voie à un océan d'incertitudes.

La BBC, GQ et The Economist tiennent leur scoop

Cinq mois plus tard, on pensait ne plus jamais entendre parler de Craig Wright. C'était sans compter sur la BBC qui le 2 mai dernier a publié un article au titre évocateur : « Le créateur de Bitcoin révèle son identité », mais le modifiera quelques jours plus tard par « L'Australien Craig Wright affirme être le créateur de Bitcoin ». 

Des articles similaires se montrent également chez GQ et The Economist, qui ont tous pu s'entretenir avec l'homme d'affaires et « passer en revue les documents qu'il a fournis », explique l'un d'eux. Le tout avec la participation de l'agence de relations publiques Outside Organisation, comme l'a révélé notre confrère de Quartz.

La BBC assure quant à elle avoir vu Craig Wright « signer numériquement des messages en utilisant des clés cryptographiques créées durant les premiers balbutiements du développement de Bitcoin. Ces clés sont inextricablement liées aux blocs de bitcoins dont on sait qu'ils ont été minés par Satoshi Nakamoto ». 

Gavin Andresen, l'un des responsables de la Bitcoin Foundation affirmait quant à lui « croire que Craig Steven Wright est la personne ayant inventé Bitcoin. [...] J'ai eu l'occasion de passer en revue les données adéquates autour de trois lignes distinctes : la cryptographie puis les aspects sociaux et techniques. Je crois sincèrement que Craig Wright satisfait ces trois catégories », expliquait-il, avant de regretter son empressement.

Pour lever tous les doutes, Craig Wright promettait alors une « preuve extraordinaire », et de mettre à disposition davantage d'informations publiquement afin de permettre à quiconque de vérifier qu'il est bien le Satoshi que tout le monde recherche. Voire d'effectuer une transaction à partir d'une adresse liée à l'un des premiers blocs.

De quoi multiplier les articles sur le sujet (163 selon Google France), mais aussi sur les différents rebondissements d'une affaire qui aura duré près d'une semaine avant de se dégonfler.

Google News Créateur Bitcoin Craig Wright

La communauté attendait les preuves

Car la communauté des utilisateurs de Bitcoin a réservé un accueil plus mitigé que la presse à ces déclarations. Certains remettaient en cause le protocole de vérification mis en place par la BBC et The Economist. Il consistait à utiliser le portefeuille électronique Electrum pour la signature d'un message en utilisant des clés privées liées à quelques-uns des premiers blocs de la blockchain, dont on estime que Satoshi Nakamoto ne peut être que le seul mineur.

Seul problème, Craig Wright a pu utiliser les logiciels de son choix et son propre ordinateur pour effectuer cette démonstration. Une procédure pour le moins laxiste qui, en fin de compte, ne prouve malheureusement pas grand-chose. Gavin Andresen assure quant à lui que la démonstration lui a été faîte sur un ordinateur neuf, fraîchement déballé, sur lequel aucun logiciel n'avait été installé auparavant. 

La communauté attendait donc une preuve plus visible et surtout irréfutable. Plusieurs options s'offraient à l'Australien. Outre la production d'une transaction avec une des premières adresses listées dans la blockchain, il aurait aussi très bien pu renvoyer un mail signé depuis l'adresse satoshi@vistomail.com... mais sans lettre en trop cette fois-ci.

Clap de fin

Craig Wright finira par se rétracter quelques jours plus tard. Avant de mettre hors ligne son blog personnel, il y publie un message d'excuses ou il explique « ne pas avoir eu le courage » de sortir de l'anonymat en publiant les preuves que tout le monde attendait. Une façon de mettre fin à cette affaire, tout en laissant planer le doute.

« Je sais que cette faiblesse causera d'importants dégâts à ceux qui m'ont soutenu, particulièrement à Jon Matonis et Gavin Andresen. Je ne peux qu'espérer que leur honneur et leur crédibilité ne sera pas irrémédiablement entachée par mes actions », s'excuse l'Australien, qui se permet de reprocher au passage au monde d'être incapable de le croire.

Craig Wright Bitcoin 

Satoshi Nakamoto reste un inconnu : et alors ?

Résultat des courses, aujourd'hui encore, personne ne peut certifier connaître avec certitude l'identité de Satoshi Nakamoto. Mais outre la gloire médiatique promise à celui qui pourrait y parvenir, découvrir la vérité ne changerait rien à l'avenir de cette technologie, dont la genèse mystérieuse participe à une certaine mythologie.

Cela n'empêchera pas le protocole Bitcoin, et au principe de la blockchain de continuer de prospérer et de remettre en question la position des tiers de confiance dans le monde qui nous entoure. Un changement de paradigme qui devrait chambouler de nombreux secteurs.

De plus en plus d'acteurs, publics (dont le gouvernement français) ou privés (comme IBM et Microsoft au milieu d'un océan de banques) s'intéressent à cette technologie. Et quelles que soient les vaguelettes médiatiques autour de l'identité de Satoshi Nakamoto, la révolution induite par sa publication et la mise en ligne de Bitcoin ne devrait pas s'arrêter de si tôt.

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