Les députés s’apprêtent à débattre cette semaine de l’immixtion des emails et autres appels professionnels dans la vie privée du salarié. Plusieurs amendements seront discutés autour du droit à la déconnexion et des « burn-out » notamment.
Sensiblement modifié en commission, l’article 25 du projet de loi El Khomri a vocation à introduire en France un « droit à la déconnexion ». En pratique, employeurs et employés devront se mettre autour de la table chaque année pour débattre de « la mise en place par l’entreprise de dispositifs de régulation dans l’utilisation des outils numériques, en vue d’assurer le respect des temps de repos et de congé ainsi que de la vie personnelle et familiale ». Les solutions à envisager varieront ainsi au fil des sociétés et de leurs besoins : blocage des emails durant certaines plages horaires, simples engagements mutuels de la part des salariés et de leurs supérieurs hiérarchiques, etc.
En cas de désaccord, l’employeur aura toutefois le dernier mot. Il définira, seul, de quelle manière le droit à la déconnexion sera appliqué dans son entreprise. Unique exception : dans les sociétés d’au moins 50 salariés, ces modalités devront obligatoirement faire l’objet d’une charte élaborée après avis du comité d’entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel. Ce texte prévoira notamment la mise en œuvre « d’actions de formation et de sensibilisation à un usage raisonnable des outils numériques », précise le texte de la ministre du Travail.
Des députés PS veulent des sanctions en cas de non-respect du droit à la déconnexion
Pour certains députés de l’opposition, ce seuil est cependant bien trop bas. Une cinquantaine d’élus LR demande ainsi de le relever à 300 salariés. « L’introduction d’un nouveau thème de négociation obligatoire alourdit de manière inutile et formelle les négociations en entreprise » déplorent-ils dans leur amendement. « À défaut de supprimer le thème du droit à la déconnexion, il conviendrait, pour le moins, de réserver aux entreprises de 300 salariés et plus l’élaboration de la charte encadrant l’exercice par le salarié de son droit à la déconnexion. » « 50 est insuffisant, 300 est trop ! » rétorque de son côté Élie Aboud (LR), proposant une alternative à 100 salariés.
Un amendement, signé par une dizaine de députés Les Républicains, vise carrément à la suppression du dispositif imaginé par le législateur. « Inscrire dans la loi de manière aussi imprécise le droit à la déconnexion ouvre un champ contentieux infini sans délimiter de manière rationnelle le degré de ce qui est acceptable. Cette disposition est qui plus est contraire à la pratique qui veut que les appareils de connectés professionnels sont naturellement fermés en dehors des périodes délimitées par le contrat », font-ils valoir.
Sur les bancs socialistes, certains s’inquiètent davantage pour les salariés. Une cinquantaine de députés PS, menés par le frondeur Benoît Hamon, réclament ainsi que le non-respect du droit à la déconnexion soit passible d’une « pénalité » (dont le montant serait fixé ultérieurement par décret). « Pour que la déconnexion soit effective, elle ne doit pas simplement être un droit pour les salariés mais un devoir pour les employeurs. »
Les burn-out s'invitent de nouveau à l'Assemblée
L’ancien ministre va également tenter une percée sur l’un de ses chevaux de bataille : la reconnaissance des burn-out comme maladie professionnelle. Après avoir essuyé plusieurs échecs, déposé une proposition de loi début 2016, Benoît Hamon revient à la charge avec une demande d’expérimentation qui serait limitée à la région de Toulouse. L’idée reste la même : supprimer le seuil d’incapacité permanente partielle (IPP) requis pour les demandes d’instruction auprès des comités de reconnaissance des maladies professionnelles.
« Aujourd’hui, cette reconnaissance est rare et le chemin pour y parvenir en fait un parcours pour le moins difficile : alors que 3,2 millions d’actifs en France sont exposés à un risque élevé d’épuisement professionnel, la procédure de reconnaissance requiert toujours un taux d’IPP de 25 % pour une simple instruction du dossier », explique-t-il, avec le soutien de plusieurs dizaines d’élus PS.
Les débats sur le projet de loi Travail doivent reprendre cet après-midi à partir de 16h. Ils dureront au moins jusqu’à jeudi.